Rabah Robert
Rabah Robert texte et mise en scène de Lazare.
C’est le dernier volet d’un triptyque de Lazare, artiste âpre et turbulent, et l’aboutissement d’un projet initié d’abord avec Passé- je ne sais où, qui revient, et ensuite avec Au pied du mur sans porte.
Au Festival Mettre en scène du Théâtre National de Bretagne, le public a pu découvrir ce beau Rabah Robert. Le spectacle, fidèle à l’esthétique cognée de cet artiste français, issu de la banlieue, qui revendique son expérience comme identité et reconnaissance existentielles.
Tant pis et tant mieux aussi, si certains peuvent en éprouver quelque culpabilité. Mais, en même temps-et avec bonheur-il sait dépasser l’étape des origines et de l’enfance.
Rabah Robert les explore avec une certaine fébrilité pour construire une vie autre et mieux armée, en s’extrayant d’un passé qu’il faut décrypter pour le faire pleinement sien.
Le titre complet du spectacle, Rabah Robert–Touche ailleurs que là où tu es né est assez clair: Lazare « touche » brillamment et le vide, la non-vie et le sentiment d’inutilité sont loin d’être les valeurs de ce théâtre singulier, provocateur, non « récupéré », ni récupérable d’ailleurs, hors de toute complaisance.
Sur le plateau, un tas d’objets qui ne doit rien au hasard : les comédiens-vigoureux et décidés-s’en saisissent parfois. Des instruments de musique dont ils jouent souvent ou un arbre au tronc mince et au feuillage volumineux, encombrant et léger tout à la fois, est porté par l’un ou par l’autre – symbole de la Nature pourvoyeuse de vie.
L’énergie que déploient les acteurs n’est pas jouée : ils ont tous une particularité – un accent, une démarche « banlieue »qu’on n’efface pas, et une façon d’être universelle – saisissante de respiration heureuse. La mise en scène relève du chaos organisé, dans un patchwork coloré et souriant. Libellule, Rabah Robert, le fils du père mort, part à l’assaut de l’existence : il lui faut savoir qui était ce père mort. Entouré de ses deux sœurs et de sa mère, libre et artiste peintre, il se pose et pose toutes les questions.
D’Algérie à la France, de la guerre à la paix, avec, en toile de fond, les épreuves et les souffrances dûes à l’écartèlement entre les deux pays, pourtant liés et noués de façon irréversible. Chantant, dansant, les interprètes se livrent à un jeu physique insolent dont les références ne font guère écho aux canons classiques. La vie est ailleurs, hors de la norme petite-bourgeoise franco-française qui se voit ainsi bousculée, réveillée, acculée à regarder autrement son voisin qui est un autre soi-même révélé.
Le spectacle, spontané, libre et réjouissant, va au-delà des origines de chacun, des accents et des cultures particulières, ainsi transcendées pour un mieux vivre ensemble.
Véronique Hotte
Studio-Théâtre de Vitry-sur-Seine. Les 18, 19 et 20 décembre. T: 01-46-81-75-50