Beautiful Star
Beautiful Star, d’après une nouvelle de Mishima conception, adaptation et mise en scène de Norishige Kawaguchi, en japonais sur-titré en anglais.
C’est à l’occasion de la cinquième édition du festival de Tokyo qu’un public, limité à cinquante personnes, a pu découvrir un spectacle singulier, joué dans le cadre de la programmation de la nouvelle scène japonaise, il y a une semaine.
Norishige Kawaguchi a signé cette adaptation d’une nouvelle de Yukio Mishima, qui l’avait publié en 1962.
Huit ans auparavant, l’incident du thonier le Daîgo Fukuryu Maru avait marqué l’actualité; les pêcheurs furent en effet touchés par des retombées radioactives, après les essais nucléaires américains sur l’atoll de Bikini…
Cet incident fit naître une protestation antinucléaire; les Japonais craignaient en effet que les poissons aient été contaminés, ce qui est aujourd’hui, bien sûr, toujours d’actualité. La nouvelle de Mishima mêle un récit de science-fiction, des questions sur la signification des O.V.N.I., dont l’auteur est passionné, une réflexion sur le danger du nucléaire et sur la cécité du gouvernement. Deux narrateurs font le lien entre les différentes scènes, du spectacle et, pendant le reste du spectacle, grignotent allègrement une baguette de pain bien française! Quant aux acteurs, ils jouent… avec un certain excès; cela dit, il ne doit pas être simple de rendre crédibles des personnages mythiques, comme ici à deux mètres des spectateurs.
La mise en scène, bien rythmée, de Norishige Kawaguchi utilise, malgré l’espace restreint de jeu, tous les moyens scéniques, dont le théâtre d’ombres, et les comédiens savent tout faire: jouer, chanter et danser…Et des projections vidéo habillent le lieu, une galerie d’art de quelque cent m2 au huitième étage d’un grand hôtel de Tokyo. Hospitalité japonaise oblige: le festival et la compagnie avaient prévu, pour les trois spectateurs étrangers que nous étions, un programme et un sur-titrage en anglais!
Le spectacle, que l’on peut considérer comme un exemple de théâtre expérimental, a décontenancé le public japonais, d’autant que, pour l’épilogue, nous avons été invités à rejoindre les acteurs sur la terrasse de l’hôtel, ce qui donnait une belle dimension à la fin de ce spectacle. De là, nous surplombions en effet les immeubles éclairés de Tokyo, quand les deux narrateurs ont dit les répliques de la fin d’En attendant Godot.
Faire se rejoindre ici Beckett et Mishima ne manquait pas d’élégance et d’audace, ce que Norishige Kawaguchi et la Peachum Company ont réalisé avec efficacité…
Jean Couturier