Le Roi Lear–prologue
Le Roi Lear–prologue, librement inspiré de William Shakespeare, mise en scène de Vlad Troitskyi
Bandonéons, contrebasse, vocal de différentes tessitures et de tout style, du traditionnel au moderne, guident cette soirée « illustrée « . Sur une estrade, face au public, chanteurs et musiciens du groupe DakhaBrakha, aux voix talentueuses, notamment féminines et de haute-contre, forment la colonne vertébrale du spectacle.
Deux parties de trente-cinq minutes, coupées d’un long entracte nécessaire à un changement de décor, font défiler une succession de tableaux, esthétisants et complaisants qui s’étirent en une construction dramaturgique peu lisible. Oublions Skakespeare (le spectacle est muet), mais ces deux fois trente-cinq minutes paraissent une éternité.
La première partie-gesticulation festive et décadente-s’apparente plus à Halloween qu’aux relations familiales élisabéthaines! Masqués, les acteurs vont à l’aveuglette et n’habitent pas le masque, qui s’en trouve banalisé, et non pas totémisé.
La quinzaine de personnages parmi lesquels se détachent quand même un roi et ses trois filles, mais dans un pur défilé de mode, sortent du cadre et jouent, par moments, avec la salle. Mais ce qui pourrait être intéressant, car provocateur, est en fait convenu, affecté et souligné, dans une bouffonnerie carnavalesque et un jeu désespérément extérieur, aux mailles lâches.
Dans la seconde partie, le spectacle continue sur un plateau couvert de tourbe ou de paysage après la bataille! Mais de bataille… il n’y a point. Les éclairages sophistiqués ne transmettent ni rêve ni émotion; et le metteur en scène transforme le spectateur en simple consommateur d’images.
De cette chronique faite de séquences mises bout à bout, qui nous lassent bien vite quand elles deviennent système ou effets, on retient l’anomie pour principe. Pourquoi pas? Encore faudrait-il nourrir et serrer le propos, pour lui donner du sens.
Dans ce Roi Lear-Prologue, pas de magie, juste quelques ficelles et un zeste d’exotisme. Le metteur en scène, Vlad Troïtskyi, directeur du Théâtre Dakh de Kiev a sans doute du talent, mais il est ici peu maîtrisé. La métaphore qu’il file sur l’Ukraine d’aujourd’hui, telle qu’elle est annoncée dans le programme, n’apparaît pas vraiment.
Beaucoup de bruit pour rien…
Brigitte Rémer
Théâtre de la Ville, au Théâtre Monfort, du 28 novembre au 7 décembre.
Et, au Théâtre de la Ville, Place du Châtelet : VÏÏ- le roi terre, de Klim, inspiré de Nicolas Gogol, mise en scène de Vlad Troïtskyi, par le Théâtre Dakh de Kiev, du 10 au 14 décembre (voir prochainement l’article de Jean Couturier).