J’ai vingt ans, qu’est ce qui m’attend ?

J’ai vingt ans, qu’est ce qui m’attend ? bandeau

J’ai vingt ans, qu’est-ce qui m’attend?, textes de François Bégaudeau, Arnaud Catherine, Aurélie Filippetti, Maylis de Kerangal et Joy Sorman, conception de  Maxime Le Gall et Cécile Backès, mise en scène de Cécile Backès.

 

Croquer sur scène le portrait d’une génération déclassée avant l’heure et  raconter la galère des bizuts dans le monde des adultes le temps d’un spectacle politique qui nous confronte au réel… Après une investigation documentaire et des entretiens avec des militants, Maxime Le Gall et Cécile Backès mettent en lumière l’expérience affective et sociale d’une tranche d’âge. Avec  la présence mutique de témoins  en projection vidéo, ils nous déclinent les situations et  les magouilles auxquelles doit se livrer  un couple pour dégoter un deux-pièces, quand il justifie pourtant de deux salaires.
Un « coach », généralement payé au black, nous apprend qu’il vaut mieux alors falsifier la situation et  les fiches de paye  de l’un à coups de photoshop, et prétendre que l’autre est étudiant, muni d’une caution parentale. On se régale  de la figure trentenaire du bobo multi-propriétaire, harassé par son travail de rentier. Les portes s’ouvrent et claquent…
  On plonge ensuite dans la spirale de la co-location avec  une tranche de vie bien sentie  aux allures de télé-réalité! Puis Cécile Bakès donne voix  à une apprentie au salaire de misère. Le texte habile  de  Joy Sorman  est bien interprété, comme un fouet qui claque,par Pauline Jambet.  Maxime Le Gall et Cécile Backès évoquent  ensuite l’armée des stagiaires qui travaillent pour, au mieux! 436 euros par mois! Et de constater, en creux, l’importance inavouée de ce nouveau prolétariat, tout en vérifiant que la lutte des classes est bien là…
Pour élaborer cette fiction du réel, Maxime Le Gall et Cécile Backès ont entendu quelque soixante personnes : diplômés bac+8, apprentis, adultes au RSA jeunes, etc…) en entretiens individuels ou collectifs. Puis, ils ont demandé à cinq auteurs, qu’ils ont  muni de ces quelque soixante-dix heures de rushs, d’écrire  cinq micro-fictions où ils nous révèlent ce qui ne posait pas encore question il y a dix ans, et qui semble être maintenant devenu  insurmontable: l’accès au logement et à un travail.
J’ai vingt ans, qu’est-ce qui m’attend? s’inscrit dans la mouvance du théâtre documentaire  et des nouvelles dramaturgies qui nous réjouissent comme, par exemple chez Stéphane Olry avec Les Arpenteurs,  une marche attentive et collective selon un axe géographique, chez  Pauline Bureau avec Modèles, et Marine Bachelot À la Racine: ces deux dernières  propositions sont axées sur l’identité féminine/féministe. Allio-Weber avec Primer Mundo, un jeu de rôles de sans-papiers pour touristes au Mexique, et enfin Florence Caillon avec Iceberg sur le thème de la délinquance financière et la Compagnie Motus avec une tragédie des insurrections contemporaines…
 Le spectacle de  Maxime Le Gall et Cécile Backès se décline comme une sorte  de kaléidoscope, avec une présentation factuelle, mais loin d’un esprit revendicatif ou victimisant. C’est  juste un instantané multi-facettes de jeunes adultes qui tentent de passer un seuil. Aurélie Fillipettti a parfaitement senti  que le message pouvait être inaudible aux générations d’au-dessus, comme ces parents que l’on ne peut même plus haïr tant on en dépend ad vitam.  Sans doute exact… Mais chiffres et citations viennent alourdir le rythme. Et la mise en scène adopte  les images stéréotypées que l’on  se fait souvent  des jeunes. Cécile Backès convoque ainsi des projections vidéo, une musique « live » et la  culture des séries produites aux Etats-Unis. On comprend  qu’elle ait  cherché à dépoussiérer  un certain style théâtral mais elle n’est pas toujours arrivée à  se débarrasser du vaudeville.
Dans le dernier texte, signé par François Bégaudeau  qui puise à la source des Monthy Python, on touche quand même au jubilatoire. L’auteur met en scène deux stagiaires: Stéphane et Stéphanie qui se consacrent avec beaucoup de cœur… et d’ ignorance à la fontaine d’eau minérale de l’entreprise… Et c’est criant de justesse quant à l’absurdité de la situation.
J’ai vingt ans, qu’est ce qui m’attend? pourrait s’intituler Qu’est-ce qu’on attend? Le titre de la pièce pose question, puisqu’il  place le jeune homme ou la jeune femme de  vingt ans dans une situation  de passivité, d’isolement et de désenchantement. Et c’est tout autre chose que chuchote dans son coin, Stéphane, un stagiaire qui, chante avec sa guitare sans vraiment s’adresser aux autres: » Qu’est-ce qu’on attend pour mettre le feu… Qu’est-ce qu’on attend pour mettre le feu ».
Heiner Müller disait d’Ophélie qu’elle pouvait détruire les instruments de sa captivité, ravager son foyer, mettre le feu à sa prison, en condamnant le monde des aînés qui avaient usé d’elle dans toutes les acceptions du terme. Mais Ophélie, chez Müller, finissait  la tête dans la  gazinière.
À vingt ans, qu’est-ce qui m’attend? Chacun attend justement. Mais rien n’arrive vraiment. Un deuxième volet du spectacle abordera donc la notion d’engagement militant/affectif/associatif et l’usage d’Internet pour nous dire: « Et qu’est-ce qu’on fait maintenant? « 

Marina Damestoy

Théâtre Ouvert jusqu’au 8 décembre.  4 cité Véron, Paris. Métro Blanche et les 16, 17, 18, 19 janvier, TAP’S – Strasbourg; les 23, 24, 25 janvier Le Carreau, Forbach – Scène nationale; le 29 janvier, L’Agora–Scène Nationale d’Evry; le 15 février Commercy-OMA; les 19, 20 février Théâtre du Saulcy-Metz et les 22, 23 février Théâtre Ici et Là-Briey.


Archive pour 8 décembre, 2012

J’ai vingt ans, qu’est ce qui m’attend ?

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J’ai vingt ans, qu’est-ce qui m’attend?, textes de François Bégaudeau, Arnaud Catherine, Aurélie Filippetti, Maylis de Kerangal et Joy Sorman, conception de  Maxime Le Gall et Cécile Backès, mise en scène de Cécile Backès.

 

Croquer sur scène le portrait d’une génération déclassée avant l’heure et  raconter la galère des bizuts dans le monde des adultes le temps d’un spectacle politique qui nous confronte au réel… Après une investigation documentaire et des entretiens avec des militants, Maxime Le Gall et Cécile Backès mettent en lumière l’expérience affective et sociale d’une tranche d’âge. Avec  la présence mutique de témoins  en projection vidéo, ils nous déclinent les situations et  les magouilles auxquelles doit se livrer  un couple pour dégoter un deux-pièces, quand il justifie pourtant de deux salaires.
Un « coach », généralement payé au black, nous apprend qu’il vaut mieux alors falsifier la situation et  les fiches de paye  de l’un à coups de photoshop, et prétendre que l’autre est étudiant, muni d’une caution parentale. On se régale  de la figure trentenaire du bobo multi-propriétaire, harassé par son travail de rentier. Les portes s’ouvrent et claquent…
  On plonge ensuite dans la spirale de la co-location avec  une tranche de vie bien sentie  aux allures de télé-réalité! Puis Cécile Bakès donne voix  à une apprentie au salaire de misère. Le texte habile  de  Joy Sorman  est bien interprété, comme un fouet qui claque,par Pauline Jambet.  Maxime Le Gall et Cécile Backès évoquent  ensuite l’armée des stagiaires qui travaillent pour, au mieux! 436 euros par mois! Et de constater, en creux, l’importance inavouée de ce nouveau prolétariat, tout en vérifiant que la lutte des classes est bien là…
Pour élaborer cette fiction du réel, Maxime Le Gall et Cécile Backès ont entendu quelque soixante personnes : diplômés bac+8, apprentis, adultes au RSA jeunes, etc…) en entretiens individuels ou collectifs. Puis, ils ont demandé à cinq auteurs, qu’ils ont  muni de ces quelque soixante-dix heures de rushs, d’écrire  cinq micro-fictions où ils nous révèlent ce qui ne posait pas encore question il y a dix ans, et qui semble être maintenant devenu  insurmontable: l’accès au logement et à un travail.
J’ai vingt ans, qu’est-ce qui m’attend? s’inscrit dans la mouvance du théâtre documentaire  et des nouvelles dramaturgies qui nous réjouissent comme, par exemple chez Stéphane Olry avec Les Arpenteurs,  une marche attentive et collective selon un axe géographique, chez  Pauline Bureau avec Modèles, et Marine Bachelot À la Racine: ces deux dernières  propositions sont axées sur l’identité féminine/féministe. Allio-Weber avec Primer Mundo, un jeu de rôles de sans-papiers pour touristes au Mexique, et enfin Florence Caillon avec Iceberg sur le thème de la délinquance financière et la Compagnie Motus avec une tragédie des insurrections contemporaines…
 Le spectacle de  Maxime Le Gall et Cécile Backès se décline comme une sorte  de kaléidoscope, avec une présentation factuelle, mais loin d’un esprit revendicatif ou victimisant. C’est  juste un instantané multi-facettes de jeunes adultes qui tentent de passer un seuil. Aurélie Fillipettti a parfaitement senti  que le message pouvait être inaudible aux générations d’au-dessus, comme ces parents que l’on ne peut même plus haïr tant on en dépend ad vitam.  Sans doute exact… Mais chiffres et citations viennent alourdir le rythme. Et la mise en scène adopte  les images stéréotypées que l’on  se fait souvent  des jeunes. Cécile Backès convoque ainsi des projections vidéo, une musique « live » et la  culture des séries produites aux Etats-Unis. On comprend  qu’elle ait  cherché à dépoussiérer  un certain style théâtral mais elle n’est pas toujours arrivée à  se débarrasser du vaudeville.
Dans le dernier texte, signé par François Bégaudeau  qui puise à la source des Monthy Python, on touche quand même au jubilatoire. L’auteur met en scène deux stagiaires: Stéphane et Stéphanie qui se consacrent avec beaucoup de cœur… et d’ ignorance à la fontaine d’eau minérale de l’entreprise… Et c’est criant de justesse quant à l’absurdité de la situation.
J’ai vingt ans, qu’est ce qui m’attend? pourrait s’intituler Qu’est-ce qu’on attend? Le titre de la pièce pose question, puisqu’il  place le jeune homme ou la jeune femme de  vingt ans dans une situation  de passivité, d’isolement et de désenchantement. Et c’est tout autre chose que chuchote dans son coin, Stéphane, un stagiaire qui, chante avec sa guitare sans vraiment s’adresser aux autres: » Qu’est-ce qu’on attend pour mettre le feu… Qu’est-ce qu’on attend pour mettre le feu ».
Heiner Müller disait d’Ophélie qu’elle pouvait détruire les instruments de sa captivité, ravager son foyer, mettre le feu à sa prison, en condamnant le monde des aînés qui avaient usé d’elle dans toutes les acceptions du terme. Mais Ophélie, chez Müller, finissait  la tête dans la  gazinière.
À vingt ans, qu’est-ce qui m’attend? Chacun attend justement. Mais rien n’arrive vraiment. Un deuxième volet du spectacle abordera donc la notion d’engagement militant/affectif/associatif et l’usage d’Internet pour nous dire: « Et qu’est-ce qu’on fait maintenant? « 

Marina Damestoy

Théâtre Ouvert jusqu’au 8 décembre.  4 cité Véron, Paris. Métro Blanche et les 16, 17, 18, 19 janvier, TAP’S – Strasbourg; les 23, 24, 25 janvier Le Carreau, Forbach – Scène nationale; le 29 janvier, L’Agora–Scène Nationale d’Evry; le 15 février Commercy-OMA; les 19, 20 février Théâtre du Saulcy-Metz et les 22, 23 février Théâtre Ici et Là-Briey.

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