Métropolis

Métropolis texte et mise en scène de Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre.

 Métropolis igp4866Il ne s’agit pas de la cité futuriste de Paul Citroën avec le collage qu’il réalise pour le Bauhaus en 1923, ni de la mégapole de Fritz Lang, dans son fameux film muet de 1927.
Le Métropolis de Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre est une boîte de nuit de Pondorly à Rungis  où il a enquêté, pour parler de la « planète Jeunes ».
Le spectacle est né en 2010 au Théâtre de Rungis, à la suite d’une commande des Théâtrales Charles Dullin/Festival Travelling 94, soutenue par le Conseil général du Val-de-Marne. Il tourne depuis et a été présenté en octobre dernier, au collège Gérard Philipe d’Aulnay-sous-Bois, dans le cadre de la résidence que mène le Théâtre Irruptionnel, depuis bientôt trois ans, au Forum Culturel de Blanc-Mesnil.
L’auteur a observé, écouté, donné la parole aux jeunes et les a regardés vivre. Qu’ils soient du 9-4 ou du 9-3, leur langue est la même: elle se parle par codes et abrégés de conversations, s’écrit par textos, et prend pour rythme l’onomatopée syncopée : «  Allo ? ouais ! ouais, je viens de l’appeler ouais… ouais ok,  à toute… Hein ? sur le parking, je l’appelle ouais,  ok,  à toute,  ok ouais… mais vous vous êtes où, en fait ? ok ouais, à toute, ouais ok ! tcho tcho bye bye big kiss tcho tcho bye big tcho-tcho kiss! ». Il n’en fait pas un glossaire, plutôt un inventaire, au cours d’une nuit grise, sorte d’exutoire qui se décline d’attentes en solitudes, et de bonnes idées en fausses rencontres, à Pondorly.
Ça commence sur le parking, : texto 0, de 14h52 à 00h59, le temps de prendre rendez-vous « devant le Mac-do en face de Saint-Macloud, à côté du Décathlon juste derrière Sogaris… » et d’attendre les copains qui ne viendront pas. Des bouts de pensées à haute voix qui se croisent, des jeunes qui ne se regardent pas :« Je ne regarde jamais les gens dans les yeux, c’est hyper dur de regarder quelqu’un dans les yeux »… dit la jeune fille au long manteau blanc (Raphaëlle Mizrahi).« Allez, demande-lui, putain, c’est le moment, c’est simple, tu souris, voilà ! » se dit le jeune homme au blouson noir (Yohan Manca) pour éviter de se faire éconduire par le vigile, à l’entrée de la boîte: »Tu vois, la masse oui, celui qu’on appelle The Rock, avec son œil de lynx, oui, lui,  là, et tous les guépards autour, eh bien si je trouve pas une fille pour entrer avec moi, ils ne me laissent pas » !
The Rock, le redoutable, (Vincent Debost) fait le tri, droit dans les yeux, « Bonsoir… vous vous mettez sur le côté s’il vous plaît, vous êtes combien ? Bonsoir… Avancez s’il vous plaît… ça va pas être possible, désolé… » et livre ses pensées profondes, tantôt pleines d’ironie : « Regardez-les ! Un vrai chemin de croix, un calvaire sous la pluie, dans le froid, parfois des heures… « tantôt de véritables poncifs: « Je vois que le problème ici de cette jeunesse c’est pas l’identité nationale ou l’intégration, ça, c’est des conneries pour allumer des mèches, non, son problème c’est qu’elle manque de modèles cette jeunesse, d’utopies, de visions »…
Et se croisent les textos, les copains qui appellent, les rencontres dans la boîte : avec David, le bien-pensant, qui fait parti d’un collectif de prévention  contre les risques liés à l’alcool et au sida ; avec Madame Pipi, à quatre heures du mat-désespérément l’heure creuse-sorte de directrice des consciences, qui console la jeune femme au petit blouson noir, frappée de boulimie, qui  espère que son nouvel amoureux  viendra ; Manon qui « veut un mec qui a du fric » ; un jeune homme au tee-shirt blanc, qui cherche une « grande, mince et châtain » ; et le père qui s’épanche: « On n’est pas responsable de tout ! On a essayé! »
Métropolis
est une galerie de portraits, croqués sans esbroufe, un constat pessimiste, comme la vie d’aujourd’hui qui ne s’exalte guère, joliment portés  par les trois acteurs qui jouent plusieurs rôles avec tendresse et précision. L’ambiance y est, sans que le metteur en scène ne force le trait, dans une scénographie de Pascal Crosnier, des costumes de Lisa Pajon,  des lumières d’Anne Vaglio et une création sonore de Nicolas Delbart. Ça s’achève sur le quai du RER, au petit matin, texto 14, Orly/Paris, un garçon et une fille, en sens opposé, chacun reprend sa direction.

Brigitte Rémer

Spectacle vu au Théâtre de Marcoussis, le 24 novembre. Tournée CCAS, du 7 au 15 mars , et au mois de juillet (10 représentations). 

 

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