Mon amoureux pommier noueux
Mon amoureux pommier noueux, une fable de Jean Lambert-wild, Stéphane Blanquet et François Royet, mise en scène de Jean Lambert-wild, musique de Jean-Luc Therminarias.
Le metteur en scène et directeur de la Comédie de Caen avait, il y a deux ans, créé un beau spectacle pour enfants à partir de La Chèvre de M. Seguin d’Alphonse Daudet.
C’est lui, cette fois, qui a écrit ce conte avec Stéphane Blanquet. Il y a un pommier où sont projetées les images qui disent le renouvellement de la nature et qui représentent les différentes saisons: le printemps avec les fleurs blanches, l’été avec ses belles pommes puis l’automne et enfin l’hiver où la seule pomme qui aura résisté fournira les pépins nécessaires à la prolongation de la vie. Et, sur l’arbre, voletant parfois dans les airs et se démultipliant n trois ou plus, une belle petite fille, celle de Jean Lambert-wild et, à l’avant-scène, une vieille femme s’accrochant à une corde qui l’entraînera, à la fin, en-dessous du pommier.
Marcel Bozonnet, avec une belle voix grave, dit le texte enregistré de ce que l’on peut considérer comme un livre d’images et où est posée la question de la transmission mais aussi de la mort indispensable à la vie future. Comme dit l’Evangile selon Saint-Jean, « Si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul ; mais, s’il meurt, il porte des fruits ».
Le conte poétique de Jean Lambert-wild possède une belle saveur d’écriture et le spectacle de merveilleuse images, parfois même assez fascinantes, est accompagné d’une musique de qualité signée comme d’habitude Jean-Luc Therminarias. Le spectacle est techniquement irréprochable…
Mais, peut-être encore brut de décoffrage, il ne fonctionne pas bien! La faute à quoi? D’abord à une mise en scène systématique qui privilégie un aller-et-retour assez fatiguant entre les séquences vidéo et les images de cette vieille femme au premier plan et dans la pénombre. Par ailleurs, le texte, sans aucun doute d’une belle facture poétique, est assez répétitif et l’on s’y perd vite, ce qui est toujours ennuyeux quand il s’agit d’une fable comme celle-ci. Les enfants dans la salle semblaient, à chaque reprise et répétition des mêmes phrases, quelque peu exaspérés…
Et le recours systématique aux images vidéo finit par tout parasiter, et l’écoute du texte, et l’image de la vieille femme… En fait, tout se passe comme s’il y avait un véritable manque d’unité entre signifiant et signifié, du fait de de quatre mediums différents qui n’arrivent pas à être vraiment en harmonie. Quant à la voix de Marcel Bozonnet, rendue artificiellement grave, elle a très vite un pouvoir hypnotique sur le public, enfants comme adultes…
Les enfants n’ont pas, c’est sûr, la même appréhension d’un spectacle mais il faut quand même leur donner des points de repère lisibles qui n’apparaissent pas ici. Il nous a manqué ce jour-là, d’avoir à nos côtés une intelligente et sensible petite fille qui, d’habitude, du haut de ses huit ans, nous donne un avis d’une rare pertinence mais les enfants présents cet après-midi-là ne semblaient pas être vraiment passionnés.
Ce conte aurait mérité d’être mis en scène plus simplement et Jean Lambert-wild s’est sans doute fait prendre au piège des trucages un peu faciles des images vidéo.
Le spectacle a encore le temps de se roder mais ce sont ses fondements mêmes qui ne sont pas évidents. Donc à suivre mais sans grand enthousiasme…
Philippe du Vignal
Spectacle vu au Théâtre national de Chaillot. Comédie de Caen/Théâtre des Cordes du lundi 28 janvier au vendredi 8 février. Scène nationale d’Alençon les 13 et 14 février. Chelles les 4 et 5 avril. Le Granit-Scène nationale de Belfort les 23 et 24 mai.