Poil de carotte
Poil de Carotte de Jules Renard, mise en scène de Michel Pillorgé et Jean-Philippe Ancelle.
Jules Renard (1864-1910) a vécu dans la Nièvre et toute son œuvre s’en est inspirée; il a écrit des essais, des romans dont Poil de Carotte, paru en 94, qu’Antoine porta à la scène en 1900. Depuis, cette courte pièce de soixante-dix minutes, d’inspiration autobiographique et qui reprend une partie seulement des dialogues du roman, a été souvent jouée au théâtre et adaptée au cinéma et pour la télévision…
Nous l’avions vue à la Comédie-Française autrefois avec, dans le rôle-titre, Jean-Paul Roussillon qui joua magnifiquement, quelques mois avant sa mort, le vieux Firs dans La Cerisaie montée par Alain Françon (voir Le Théâtre du Blog, mars 2009)).
Poil de Carotte , c’est le surnom de ce garçon de seize ans, malheureux dans sa famille paysanne. Interne dans un collège, il ne rentre que l’été à la maison où il est alors victime de maltraitances, comme on dirait maintenant. Madame Lepic est une mère tyrannique et odieuse, visiblement frustrée et qui cherche le réconfort auprès du curé. Elle n’appelle jamais son fils par son prénom, François mais toujours par son surnom, le taxe de toutes les corvées possibles et n’est pas à une gifle près.
Elle semble réserver toute son affection à son autre fils Félix que l’on ne verra pas dans la pièce. Poil de carotte a fini par accepter cette situation de garçon roux mal-aimé. Nous avons connu ainsi une grand-mère aux dix petits enfants qui donnait moins d’étrennes à un seul de ses dix petits-enfants:, au motif qu’il était roux!
Quant à M. Lepic, ce n’est pas un méchant homme mais il a toujours filé doux devant sa femme qu’il n’aime plus depuis longtemps, par lâcheté et pour avoir la paix. Jusqu’au moment où il en prendra conscience et se révoltera enfin, en protégeant son fils, assoiffé d’affection et de reconnaissance et qui, à force d’être exclu, ne sait plus très bien où est son identité. La pièce n’a rien perdu de son actualité, et ce qui se passait dans le milieu rural il y a plus d’un siècle, existe sûrement encore aujourd’hui en ville…
La pièce commence quand Annette, une nouvelle et jeune domestique arrive à la ferme; intelligente et fine, informée par Poil de carotte de la situation, elle va déclencher la révolte de M. Lepic, en lui révélant que sa femme a interdit à son fils d’aller à la chasse avec lui, ce dont, bien sûr, il rêvait depuis longtemps. Poil de carotte va alors se rapprocher de son père; c’est sans doute la première fois qu’ils se parlent vraiment.
Et on apprendra que la rupture entre le père et la mère remontent en fait au moment de la naissance de Poil de Carotte, un enfant qui n’avait pas été désiré. Bonjour les névroses, bonjour aussi docteur Freud qui, dans ces années-là, comme c’est curieux, comme c’est bizarre et quelle coïncidence, s’intéresse de près, après la mort de son père, aux conflits psychiques dans la famille!
La mère qui se sentira alors humiliée, ira se réfugier une fois plus dans le giron du curé…Et Poil de carotte, qui, pour un garçon de son âge, analyse assez bien la situation y compris sexuelle, arrivera enfin, un peu moins déchiré, à se trouver en accord avec lui-même. Bref, la pièce, assez habile et constituée de courtes scènes, est, comme le roman, celle d’un passage à l’âge adulte mais elle se clôt par une pirouette, comme si Jules Renard refusait de conclure par une fin heureuse ou malheureuse. Dans la vraie vie, le père de Jules Renard se suicida et sa femme tomba dans un puits! Vive la famille!
Reste à savoir comment on peut traiter la pièce aujourd’hui sur une petite scène. Mission impossible? Peut-être pas, tant le texte a gardé de fraîcheur et de vérité mais il vaudrait mieux y réfléchir à deux fois avant d’adopter une dramaturgie et une scénographie, au lieu de vouloir faire réaliste. Comment croire une seconde à ce petit perron d’une ferme avec une toile peinte à côté représentant l’entrée d’une cave, un banc et une selle de cheval avec des fers suspendus, sans doute pour faire plus vrai. C’est moche et sonne faux!
Les costumes sont aussi du genre approximatif! On a essayé de faire d »époque »: les sabots suédois, bien propres, de Poil de carotte sont ceux d’une jeune femme qui doivent lui appartenir, puisque le rôle est joué par Morgane Walter, au beau visage, à la fois stupéfiante de vérité par moments mais difficilement crédible quand elle se met, par moments, à réciter son texte avec une voix douce et de belles manières. C’est oublier que Poil de carotte a seize ans et que c’est presque un adulte!
La petite bonne, moteur de la pièce, est jouée, elle, avec une belle présence et de façon très juste, par Alexandra Papineschi. Michel Pilorgé (M. Lepic) s’en sort très bien, comme Annie Monange, discrètement et sans tomber dans le pathos dans deux rôles pas faciles. Mais le compte n’y est tout de même pas!
Alors à voir? On chercherait de vraiment bonnes raisons de vous y envoyer, sinon pour le texte… Nous n’étions, ce mardi glacé de décembre que sept dans la salle, dont trois professionnels de la profession comme on dit. Alors quand même, un coup de chapeau aux comédiens dans une pareille épreuve!
Philippe du Vignal
Théâtre du Lucernaire à 18h 30 jusqu’au 2 février.
la qualité des analyses et de ce blog est remarquable!
superbe blog, bravo un vrai régal! merci.
Ha! enfin quelqu’un parle du décor de cette pièce.
Merci Monsieur Du Vignal.
Monsieur le donneur de leçons,
Quand on fait un commentaire en mettant l’accent sur le Ba Ba de la langue française, on évite de faire des fautes d’orthographe et on ne reste pas anonyme. Vous n’en serez que plus crédible.
Certes, j’ai repéré un mot de trop et deux absences de virgule, fautes de frappe dûes à une fatigue intense. Ce n’est pas une excuse et là-dessus, je plaide coupable mais il n’y a sans doute pas de quoi se montrer aussi revendicatif. Sur le fond, je ne changerai pas une ligne de ce que j’ai écrit, et souvenez-vous, je vous prie, de la phrase de Charles Dullin: les critiques ne sont pas assez sévères!
Désolé mais… il me semble aussi que votre commentaire était quelque peu téléguidé! comme si vous étiez partie prenante dans cette malheureuse mise en scène. ce qui n’est sûrement pas le cas?
Cordialement
Philippe du Vignal
arrêtez de le lire, mon vieux ! ça ira plus vite … !
Eh bien, n’en déplaise à M. Montoulieu, j’y crois moi, à la critique de M. du Vignal. Et je la trouve rédigée, certes en français expéditif, celui des blogs, moins ronflant (pour rester poli) que celui des supports écrits, mais enfin parfaitement correcte. Pourquoi tant de haine chez ce monsieur ? Quelle mouche Lepic, si j’ose dire ! Montoulieu de penser que notre homme est partie prenante de cette honorable aventure… Ne l’ayant pas vue, je m’abstiendrai de développer. Par contre, je lis M. du Vignal avec assiduité et je l’ai rarement pris en défaut sur l’impérieuse nécessité de voir, ou non, un spectacle. Encore dernièrement, je suis sorti du « Retour » de Pinter-Bondy aussi assommé que soulagé, et vengé, par son commentaire. Bon, on éprouve sans doute les mêmes réserves. Y compris pour le Beu-A-Ba de la langue française.
Commen croire à la critique d’un prétendu journaliste qui ignore le B-A BA de la langue française???
Arrêtez d’écrire, mon vieux, le théâtre ne s’en portera que mieux et vous éviterez de vous ridiculiser!