Mein Faire Dame
Mein Faire Dame/Ein Sprachlabor, My Fair Lady/Un Laboratoire de langues mise en scène de Christoph Marthaler, spectacle en allemand et en anglais, surtitré en français.
Dès le début, on est en plein décalage: un père Noël s’est assis sur un piano à queue, et le public découvre un laboratoire de langues très Allemagne de l’Est des années 70 et traité sur le mode hyperréaliste par la scénographe Anna Viebrock qui a eu le souci du moindre détail.
A cour, un escalier mène au premier étage où, tout au long du spectacle sera prétexte à des jeux aussi burlesques qu’absurdes. Près de l’escalier, un exceptionnel chef de chant, à lunettes et aux cheveux longs et au petit ventre moulé dans un pull-over beige à col roulé, joue presque constamment au piano. Au centre, les cabines avec magnétophones à cassettes, micros et casques pour les candidats à l’apprentissage des langues. Au-dessus d’une porte, un écran plat vidéo anachronique diffuse des publicités anciennes et parfois et furtivement l’image du metteur en scène. A jardin, une autre porte et un harmonium sur lequel joue la créature du docteur Frankenstein! Mais le sens de sa présence reste mystérieuse pendant les cent dix minutes du spectacle…
De la fable initiale où M. Higgins, professeur de phonétique veut transformer par le langage Eliza Doolittle, la jeune fille pauvre, il reste peu de chose. Trois comédiens et trois comédiennes incarnent les deux personnages. Nous entendons, bien sûr, les airs les plus célèbres de cette comédie musicale mais aussi de savoureuses mélodies de musique classique: Mozart, Massenet, Wagner ou Schumann.
Les voix, que cela soit pour les mélodies de ces grands compositeurs ou pour les grands standards: Silent night ou Last Christmass, sont toutes d’une grande beauté. Et gestes et mouvements délirants mais très précis font rire un public qui apprécie depuis longtemps les spectacles de Marthaler.
Les personnages de ce spectacle joyeux et tendre à la fois, qui semblent être tous en décalage, semblent vivre une thérapie de groupe plutôt que suivre un cours de langue. Et la scène finale est merveilleuse: chaque acteur vient au devant du public, marchant avec hésitation, et commence à danser un semblant de valse fragile, miroir de ce que nous serons à un âge avancé…
Jean Couturier
Ateliers Berthier jusqu’au 16 décembre