Desh -
Desh chorégraphie et interprétation d’Akram Khan.
Les passionnés de la danse khatak seront sans doute déçus en découvrant le solo du chorégraphe. Akram Khan a souvent réussi à associer le kathak tradtionnel à la danse contemporaine, avec des artistes venus d’univers très variés, de Sylvie Guillem à Juliette Binoche, jusqu’à Dany Boyle qui lui a confié un travail chorégraphique pour la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques à Londres.
Pour ce voyage dans sa mémoire personnelle et dans l’imaginaire collectif du pays de ses parents, le Bengladesh, il a choisi un solo très peu… solitaire, car ce « livre pop-up dansé » demande une importante collaboration artistique.
La fable écrite par Karthika Nair, sans doute un peu trop bavarde, nous transporte de Londres, ville où est né le danseur, au pays de ses racines.. Certains textes, en voix off (en anglais surtitré) sont superflus, tant la scénographie, la musique et la danse d’Akram Kahn ont un pouvoir évocateur. Jocelyn Pook, a conçu une bande-son très impressionnante, en mixtant, par exemple, les bruits d’un carrefour encombré de Dacca, et des chants liturgiques, ou des musiques à la Phil Glass.
La scénographie de Tim Yip, associée aux lumières de Michael Hulls est d’une grande beauté, avec des projections vidéos de dessins, soit en avant-scène sur un rideau de tulle transparent, soit sur le mur du lointain qui emporte le public dans le bonheur d’une nature rêvée faite d’arbres et d’animaux, ou dans la violence d’une émeute urbaine.
Les lumières viennent magnifier un rideau de lanières de tissus qui descend des cintres. Toute l’équipe technique est au service de ce livre poétique animé. Akram Khan joue et danse seul sur scène, avec une belle énergie. Très émouvant quand, dans un exercice que ne renierait pas Jacques Lecoq, il incarne son père, dont il a dessiné le visage sur son crâne glabre, que, penché en avant, il offre au public.
En dansant, il retrouve les gestes du métier de cuisinier de son père. Pendant quelque deux heures, le danseur maîtrise parfaitement le plateau, esquivant des passants ou des voitures imaginaires, ou montant à la canopée des arbres. Quelques objets ponctuent l’évolution de cette exploration dans le temps et dans l’espace. Une masse, frappée violemment au sol, ouvre le spectacle, et un petit arbre souligne l’importance de la terre, symbole de ses racines. Il trône au milieu de la scène avant d’être détruit, lors d’un conflit avec son père.
Une lampe à huile, portée d’un lieu à l’autre, fait le lien entre les scènes. Des chaises de dimensions différentes transforment le danseur, en un enfant perdu dans ses repères, comme s’il ne savait plus où il était. Son corps retrouve furtivement les pas du khatak, pour ensuite redevenir signe, en ombre chinoise. Il est emporté à la fin du spectacle, par une bourrasque de vent et souligne ainsi la rébellion de la nature, dans un Bengladesh sculpté par la confrontation de la terre et de l’eau.
L’ensemble de cette création, constitue un superbe théâtre mais finalement plus visuel que dansé…
Jean Couturier
Théâtre de la Ville jusqu’au 2 janvier.