L’Autre
L’Autre, de et avec Claudio Stellato
L’homme avance, à tous petits pas, et ploie sous le poids d’une commode posée sur ses fragiles épaules. Diagonale du fou, maîtrisée, lente. Où va-t-il, que fait-il? Nos regards l’accompagnent. Au milieu du plateau, subrepticement, il dépose cette commode en d’habiles acrobaties et d’instables équilibres, tout aussi contrôlés, se métamorphosant en homme sans jambes ou en escargot portant sa maison.
Le meuble se transforme en caisse claire, mais celle-ci n’est pas ronde et fait disparaître ses quatre pieds. L’homme essaie de s’y glisser, rabat le couvercle et se joue de nos illusions tel un pantin désarticulé : la jambe se désolidarise du tronc et passe par-dessus, les mains sont indociles, et la tête dodeline on ne sait comment.
Arrive dans notre champ de vision, avec cette même lenteur et comme un nouveau mirage, une longue, très longue caisse, type corps de pendule en grand, cercueil sans forme pour personne longiligne, ou cabine de douche avant montage. La petite, rencontre la grosse caisse, sans fanfare ni trompette et la cale. L’homme se glisse, de l’une à l’autre, apparaît et disparaît. La longue caisse, imperceptiblement, accomplit une rotation à 180° et l’homme tente de remonter la pente. Le tapis rouge qui délimite l’aire de jeu ondule, transformant le plateau en une installation. Entre Magritte de Parallax qui pose la question de la réalité ou celui de Blue motion à l’organisation discordante, l’homme-acteur-danseur-illusionniste (Claudio Stellato), fait figure de météorite tombée du ciel. Soudain une lucarne s’ouvre et, par le jeu des illusions, montre une tête sans corps, tel un Saint Jean-Baptiste après la danse des sept voiles.
L’objet est personnel, singulier mais il reste muet, fermé, presque autiste et a des airs de se prendre au sérieux. Le tout est un peu glacé, plutôt cérébral et assez lointain, le devoir appliqué du perfectionnisme. Le final l’habille de pince-sans-rire sur fond de valse et d’un peu de vie, ce qui fait défaut avant.
Dernière illusion : l’Autre, apparaît au salut, copie conforme de l’Un, à moins que ça ne soit le contraire. Martin Firket signe avec Claudio Stellato, scénographie, costumes, son et lumières. Et comme le dit Albert Camus : « Sisyphe regarde alors la pierre dévaler en quelques instants vers ce monde inférieur d’où il faudra la remonter vers les sommets. Il redescend dans la plaine…Il faut imaginer Sisyphe heureux ».
Brigitte Rémer
Le Tarmac, du 18 au 21 décembre. Jeunes publics, à partir de 7 ans.