Le Ballet de la Merlaison
Le Ballet de la Merlaison par l’Éclat des Muses, compagnie Christine Bayle.
Christine Bayle vient de faire paraître un DVD consacré à la recréation en 2011 de ce ballet de cour écrit par Louis XIII sur le thème de la chasse au merle, évoquée par le néologisme « merlaison » qu’il inventa pour l’occasion.(Le livret est conservé à la B.N.F.). Et le Roi lui-même le créa avec ses amis pour le carnaval de 1635 au château de Chantilly, puis à Royaumont. De cette rareté artistique, ne reste que la partition mais la chorégraphie d’origine et le sens que l’on pouvait donner à l’œuvre en cette moitié du XVII ème siècle, ont disparu.
Chrstine Bayle, après un long travail choréologique, aidée par Eugénia Boucher, Nathalie Lecomte, Anne Surgers et Claire Maillard, a donc écrit un scénario d’après les documents d’époque mais a aussi recréé une chorégraphie. Quant à la partition initiale de Louis XIII, elle a été restaurée par le compositeur Patrick Blanc.
Soit une fascinante plongée dans un monde disparu que réussit à imposer Christine Bayle, avec un sens très pointu d’une interprétation possible. Cette pièce, à l’époque, était articulée, comme l’explique bien le petit livre qui accompagne le DVD, autour d’un thème romanesque ou mythologique traité de façon allégorique. Avec des récits chantés qui servent de fil conducteur à l’action, et d’ un ensemble de vers non chantés mais imprimés dans un livret.
Les danseurs- souvent masqués- sont surtout des hommes dont le Roi, des membres de la famille royale, des nobles ou bourgeois, amateurs déjà formés et des danseurs professionnels. Cela se passe, comme le plus souvent pour les spectacles, dans les espaces aménagés de châteaux ou palais. En France, Richelieu fera construire en 1636 seulement la première salle dite à l’italienne en France…
« La danse baroque, dit Christine Bayle, est, somme toute, un art nouveau: l’étude des écrits d’époque amenait dans nos années 80, à la redécouverte des danses du XVIIème et XVIIIème siècles et à une meilleure interprétation musicale des caractères de la Suite à la française. Mais c’était aussi tout un pan oublié de l’histoire de l’art que nous découvrions médusés par sa beauté cachée ».
Et Christine Bayle a prolongé les expérimentations commencées par la fameuse choréologue Francine Lancelot aujourd’hui disparue, et par le claveciniste et théoricien Antoine Geoffroy-Dechaume. Ils auront été pour beaucoup dans cette recherche d’un temps perdu où le chef de l’Etat français dansait dans un spectacle dont il avait écrit la musique. Imaginons un instant Chirac, Sarkozy ou Hollande dans ce même exercice…Autres temps, autres mœurs!
L’écriture chorégraphique va du sérieux au plus burlesque et sert au mieux le rituel de cette chasse au merle, avec des géométries décalées pour les danses: courante, passe-pieds, branle, à deux, trois ou quatre, voire en solo. Avec des personnages aux noms hauts en couleur comme Le Pourvoyeur des oiseaux, Thomas le boucher, Macarin ou un Giboyeur, un Preneur d’oiseaux à la pipée, Le Porteur d’émerillons (faucons) Le Porte-Arbalète, etc…
Christine Bayle, ses neuf danseurs (vingt-et-un à l’origine) pour 44 rôles et dix musiciens dont Patrick Blanc le compositeur et l’excellent François Lazarevitch aux flûtes et musettes. nous offre une formidable aventure poétique, que l’on connaisse ou non la danse baroque. Sans doute d’abord grâce à sa conception et à sa mise en scène précise et inventive, mais aussi aux costumes de Thierry Bosquet, tout à fait remarquables comme les masques de Chloé Cassagnes.
Mais ce DVD a aussi le mérite d’expliciter la démarche exemplaire qu’a entrepris depuis plus de vingt ans l’Eclat des Muses. Le spectacle, aidé par la Fondation Royaumont et le Festival baroque de Pontoise où il a été présenté a ensuite été joué à l’Opéra de Compiègne et en Italie, devrait être repris en 2013. Surtout, ne le ratez pas; sinon vous pouvez toujours voir ce DVD.
Philippe du Vignal
La compagnie Christine Bayle propose aussi des cours et stages pour danseurs, comédiens et musiciens. T: 01 45 40 30 10.