Marsiho

 

Marsiho , texte d’André Suarès, adaptation et mise en scène de Philippe Caubère.

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©Michèle Laurent

André Suarès, un nom qui ne dit plus grand-chose actuellement… Et pourtant! Né à Marseille en 1868, et mort en 1948, ce fut quelqu’un d’important au début du 20 ème siècle, puisqu’il fut l’un des créateurs, avec Valéry, Gide et Claudel, de la célèbre Nouvelle Revue Française (NRF).
On doit surtout à cet auteur nombre d’essais, romans, poèmes et quelques pièces d’inspiration homérique, il fut aussi l’auteur d’ une œuvre qui, encore aujourd’hui, ne manque ni de panache ni de beauté
Le Voyage du condottière, récit d’un voyage en Italie. Même de son vivant, il fut un peu ignoré à la fois par le public et les critiques, même si l’admirèrent des écrivains comme Romain Rolland ou André Malraux.
Ecrivain pauvre et discret, plutôt confidentiel, intransigeant et souvent sévère avec  ses contemporains, il ne rechercha jamais les honneurs et fit preuve d’une rare lucidité quand, l’un des premiers dans la tourmente que connaissait l’Europe, il dénonça avec vigueur dans
Vues sur l’Europe (1933) la montée du nazisme et prédit l’holocauste. Cela suffirait déjà pour qu’on ne l’oublie pas.
Suarès écrivit aussi en 31, une sorte d’hymne à sa ville natale
Marsiho ( Marseille en provencal) dont il parle avec passion et générosité, même s’il n’est pas toujours tendre avec ses habitants comme ces bourgeois dont il dénonce la bêtise et le cupidité. Qui aime bien, châtie bien et Suarès n’y va pas de main morte.  » De toutes les villes illustres, Marseille la plus calomniée. Et d’abord, Marseille calomnie Marseille. Chaque fois qu’elle tâche à n’être plus elle-même, elle grimace, elle se gâte au miroir de sa lie. » Mais l’écrivain reste loin des clichés: le pastis, le folklore à la Pagnol, et dénonce la prétendue modernité de son architecture d’entre les deux guerres.

Et on comprend que, dix ans après une première lecture du texte d’André Suarès, Philippe Caubère ait eu envie de reprendre à nouveau ce long  poème en prose  qui prend parfois des allures de pamphlet, tout en  faisant souvent preuve d’étonnantes fulgurances poétiques. »Par un matin de pierre dure, au temps de Pâques, entre avril et mars, si tu peux rester debout sur le balcon de Notre-Dame-de-la-Garde, quand souffle le mistral et que l’équinoxe joue à la balle avec les bateaux sur la mer, tu fais, sans quitter le roc, la traversée de la tempête la plus sèche qui soit au monde. Regarde Marseille sortir du sommeil, secouer la première paresse qui suit le réveil, et se ruer à la vie de nouveau. Tiens-toi ferme à la rampe. Tu es sur le pont du plus haut bord entre tous les navires; tu n’as peut-être pas ton bon sens si tu te crois à l’ancre. le ciel craque. La grande haleine éparpille le soleil en poudre d’or; elle vibre; jamais elle n’est tarie, jamais elle ne retombe; elle se tisse elle-même en rayons qui dansent. Et les trombes blanches de la poussière se poursuivent dans les rues et les chemins, comme si la terre secouait sa farine. »
Rien que pour ce genre de phrases, on redécouvre avec plaisir André Suarès qui  connaît  tout le pouvoir des mots, même s’il n’est pas l’immense écrivain que dit Caubère…
Et cela donne quoi? Du bon, mais souvent aussi du moins bon… Philippe Caubère entre par la porte en fer, au fond du plateau nu où il y a juste un fauteuil provençal en bois peint et osier.
Mais dès le début, le comédien semble un  peu  désabusé, et déçu par une salle pas vraiment pleine pour un samedi soir…Il fait le travail, il remplit le contrat , oui, sans doute mais on dirait qu’il y avait  chez lui,  ce soir-là du moins, comme une certaine lassitude et sa diction, surtout au début, était parfois approximative. Caubère butait même parfois sur des mots, alors que le texte de Suarès demanderait une grande rigueur dans l’interprétation. Même s’il fait preuve d’une mémoire fabuleuse, puisqu’il enchaîne, snas guère de pauses, des extraits de
Marsiho pendant deux heures, ce dont ne sont pas capables de nombreux comédiens, et non des moindres.Et cela mérite un coup de chapeau!
Mais il est plus à l’aise, comme dans ses célèbres monologues, quand il s’agit de camper plusieurs personnages. A ces moments-là, le comédien  redevient le grand Caubère, drôle, pétillant et capable d’enflammer le public avec un texte exigeant et sans concession, notamment quand il évoque la personnalité des différents quartiers et  l’envie d’ailleurs du Marseillais: « Celui qui naît et grandit à Marseille n’a pas besoin de partir : il est déjà parti ».
S’il y a de grands  moments de belle facture, le compte n’y est quand même pas tout à fait. Il y manque une  dramaturgie suffisante-il aurait fallu un meilleure équilibre entre les différents extraits- et cette profération d’un texte exigeant mais pourtant tout à fait accessible, soutenue par quelques  musiques (Debussy, Wagner ou Schubert) et par les belles lumières de Luigi, est, à l’évidence, trop longue! Ce que Caubère,  qui aurait dû être dirigé par un  autre metteur en scène que lui-même, voudra  sans doute difficilement admettre. Et, même si on ne s’ennuie pas vraiment, une douce somnolence s’installe dans la salle, ce  que  perçoit sans doute  le comédien et  cela ne doit pas l’aider.
Alors à voir? Oui, pourquoi pas, mais avec les réserves indiquées plus haut. Mieux vaut  être en forme pour affronter ce marathon poétique!  En tout cas, vous découvrirez une écrivain capable, par la seule grâce des mots, de nous faire aimer cette ville mythique, sans doute unique en France comme en Europe, et ce n’est déjà pas si mal…

Philippe du Vignal

Maison de la poésie, passage Molière jusqu’au 13 janvier. T: 01-44-54-53-00

 


Archive pour décembre, 2012

J’ai vingt ans, qu’est ce qui m’attend ?

J’ai vingt ans, qu’est ce qui m’attend ? bandeau

J’ai vingt ans, qu’est-ce qui m’attend?, textes de François Bégaudeau, Arnaud Catherine, Aurélie Filippetti, Maylis de Kerangal et Joy Sorman, conception de  Maxime Le Gall et Cécile Backès, mise en scène de Cécile Backès.

 

Croquer sur scène le portrait d’une génération déclassée avant l’heure et  raconter la galère des bizuts dans le monde des adultes le temps d’un spectacle politique qui nous confronte au réel… Après une investigation documentaire et des entretiens avec des militants, Maxime Le Gall et Cécile Backès mettent en lumière l’expérience affective et sociale d’une tranche d’âge. Avec  la présence mutique de témoins  en projection vidéo, ils nous déclinent les situations et  les magouilles auxquelles doit se livrer  un couple pour dégoter un deux-pièces, quand il justifie pourtant de deux salaires.
Un « coach », généralement payé au black, nous apprend qu’il vaut mieux alors falsifier la situation et  les fiches de paye  de l’un à coups de photoshop, et prétendre que l’autre est étudiant, muni d’une caution parentale. On se régale  de la figure trentenaire du bobo multi-propriétaire, harassé par son travail de rentier. Les portes s’ouvrent et claquent…
  On plonge ensuite dans la spirale de la co-location avec  une tranche de vie bien sentie  aux allures de télé-réalité! Puis Cécile Bakès donne voix  à une apprentie au salaire de misère. Le texte habile  de  Joy Sorman  est bien interprété, comme un fouet qui claque,par Pauline Jambet.  Maxime Le Gall et Cécile Backès évoquent  ensuite l’armée des stagiaires qui travaillent pour, au mieux! 436 euros par mois! Et de constater, en creux, l’importance inavouée de ce nouveau prolétariat, tout en vérifiant que la lutte des classes est bien là…
Pour élaborer cette fiction du réel, Maxime Le Gall et Cécile Backès ont entendu quelque soixante personnes : diplômés bac+8, apprentis, adultes au RSA jeunes, etc…) en entretiens individuels ou collectifs. Puis, ils ont demandé à cinq auteurs, qu’ils ont  muni de ces quelque soixante-dix heures de rushs, d’écrire  cinq micro-fictions où ils nous révèlent ce qui ne posait pas encore question il y a dix ans, et qui semble être maintenant devenu  insurmontable: l’accès au logement et à un travail.
J’ai vingt ans, qu’est-ce qui m’attend? s’inscrit dans la mouvance du théâtre documentaire  et des nouvelles dramaturgies qui nous réjouissent comme, par exemple chez Stéphane Olry avec Les Arpenteurs,  une marche attentive et collective selon un axe géographique, chez  Pauline Bureau avec Modèles, et Marine Bachelot À la Racine: ces deux dernières  propositions sont axées sur l’identité féminine/féministe. Allio-Weber avec Primer Mundo, un jeu de rôles de sans-papiers pour touristes au Mexique, et enfin Florence Caillon avec Iceberg sur le thème de la délinquance financière et la Compagnie Motus avec une tragédie des insurrections contemporaines…
 Le spectacle de  Maxime Le Gall et Cécile Backès se décline comme une sorte  de kaléidoscope, avec une présentation factuelle, mais loin d’un esprit revendicatif ou victimisant. C’est  juste un instantané multi-facettes de jeunes adultes qui tentent de passer un seuil. Aurélie Fillipettti a parfaitement senti  que le message pouvait être inaudible aux générations d’au-dessus, comme ces parents que l’on ne peut même plus haïr tant on en dépend ad vitam.  Sans doute exact… Mais chiffres et citations viennent alourdir le rythme. Et la mise en scène adopte  les images stéréotypées que l’on  se fait souvent  des jeunes. Cécile Backès convoque ainsi des projections vidéo, une musique « live » et la  culture des séries produites aux Etats-Unis. On comprend  qu’elle ait  cherché à dépoussiérer  un certain style théâtral mais elle n’est pas toujours arrivée à  se débarrasser du vaudeville.
Dans le dernier texte, signé par François Bégaudeau  qui puise à la source des Monthy Python, on touche quand même au jubilatoire. L’auteur met en scène deux stagiaires: Stéphane et Stéphanie qui se consacrent avec beaucoup de cœur… et d’ ignorance à la fontaine d’eau minérale de l’entreprise… Et c’est criant de justesse quant à l’absurdité de la situation.
J’ai vingt ans, qu’est ce qui m’attend? pourrait s’intituler Qu’est-ce qu’on attend? Le titre de la pièce pose question, puisqu’il  place le jeune homme ou la jeune femme de  vingt ans dans une situation  de passivité, d’isolement et de désenchantement. Et c’est tout autre chose que chuchote dans son coin, Stéphane, un stagiaire qui, chante avec sa guitare sans vraiment s’adresser aux autres: » Qu’est-ce qu’on attend pour mettre le feu… Qu’est-ce qu’on attend pour mettre le feu ».
Heiner Müller disait d’Ophélie qu’elle pouvait détruire les instruments de sa captivité, ravager son foyer, mettre le feu à sa prison, en condamnant le monde des aînés qui avaient usé d’elle dans toutes les acceptions du terme. Mais Ophélie, chez Müller, finissait  la tête dans la  gazinière.
À vingt ans, qu’est-ce qui m’attend? Chacun attend justement. Mais rien n’arrive vraiment. Un deuxième volet du spectacle abordera donc la notion d’engagement militant/affectif/associatif et l’usage d’Internet pour nous dire: « Et qu’est-ce qu’on fait maintenant? « 

Marina Damestoy

Théâtre Ouvert jusqu’au 8 décembre.  4 cité Véron, Paris. Métro Blanche et les 16, 17, 18, 19 janvier, TAP’S – Strasbourg; les 23, 24, 25 janvier Le Carreau, Forbach – Scène nationale; le 29 janvier, L’Agora–Scène Nationale d’Evry; le 15 février Commercy-OMA; les 19, 20 février Théâtre du Saulcy-Metz et les 22, 23 février Théâtre Ici et Là-Briey.

Le Roi Lear–prologue

 

Le Roi Lear–prologue, librement inspiré de William Shakespeare, mise en scène de Vlad Troitskyi

 

Bandonéons, contrebasse, vocal de différentes tessitures et de tout style, du traditionnel au moderne, guident cette soirée « illustrée « . Sur une estrade, face au public, chanteurs et musiciens du groupe DakhaBrakha, aux voix talentueuses, notamment féminines et de haute-contre, forment la colonne vertébrale du spectacle.
Deux parties de  trente-cinq  minutes, coupées d’un long entracte nécessaire à un changement de décor, font défiler une succession de tableaux, esthétisants et complaisants qui s’étirent en une construction dramaturgique peu lisible. Oublions Skakespeare (le spectacle est muet), mais ces deux fois trente
Le Roi Lear–prologue king-lear-ph-thotre-dakh-46-001-300x200-cinq minutes paraissent une éternité.
La première partie-gesticulation festive et décadente-s’apparente plus à Halloween qu’aux relations familiales élisabéthaines! Masqués, les acteurs vont à l’aveuglette et n’habitent pas le masque, qui s’en trouve banalisé, et non pas totémisé.
La quinzaine de personnages parmi lesquels se détachent quand même un roi et ses trois filles, mais dans un pur défilé de mode, sortent du cadre et jouent, par moments, avec la salle. Mais ce qui pourrait être intéressant, car provocateur, est en fait convenu, affecté et  souligné,  dans une bouffonnerie carnavalesque et un jeu désespérément extérieur, aux mailles lâches.

 Dans la seconde partie,  le spectacle continue sur un plateau couvert de tourbe ou de paysage après la bataille! Mais de bataille… il n’y a point. Les éclairages sophistiqués ne  transmettent ni rêve ni émotion; et le metteur en scène transforme le spectateur  en simple consommateur d’images.
De cette chronique faite de séquences mises bout à bout, qui nous lassent bien vite quand elles deviennent système ou effets, on retient l’anomie pour principe. Pourquoi pas? Encore faudrait-il nourrir et serrer le propos, pour lui donner du sens.
Dans ce Roi Lear-Prologue, pas de magie, juste quelques ficelles et  un zeste d’exotisme. Le metteur en scène, Vlad Troïtskyi, directeur du Théâtre Dakh  de Kiev a sans doute du talent, mais il est ici peu maîtrisé. La métaphore qu’il file sur l’Ukraine d’aujourd’hui, telle qu’elle est annoncée dans le programme, n’apparaît pas vraiment.
Beaucoup de bruit pour rien…

Brigitte Rémer

Théâtre de la Ville, au Théâtre Monfort, du 28 novembre au 7 décembre.
Et, au Théâtre de la Ville, Place du Châtelet : VÏÏ- le roi terre, de Klim, inspiré de Nicolas Gogol, mise en scène de Vlad Troïtskyi, par le Théâtre Dakh de Kiev, du 10 au 14 décembre (voir prochainement l’article de Jean Couturier).

La ligne jaune

La Ligne jaune par le collectif des Grandes Personnes,  conception et mise en scène de Christophe Evette.

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Photo Achromatik

  Le Collectif des Grandes Personnes, délaissant leurs habituelles grandes marionnettes, crée, cette fois, un spectacle qui tient dans une valise. et  qui raconte à travers  quelques  destinées individuelles, l’histoire depuis 1958 de l’usine Renault à Cléon en Normandie,  à laquelle Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, a rendu  visite en septembre.
Le public,  limité  à quarante personnes  est assis autour d’une grande table, lieu unique du jeu pour  un théâtre-récit/théâtre d’objets.
Raphaëlle Trugnan joue, en alternance avec Pauline de Coulhac, le rôle d’une petite fille dont le grand-père était délégué syndical C.G.T. dans cette usine. Elle  raconte la vie de sa famille et les luttes collectives des ouvriers de chez Renault, des années 60 jusqu’à nos jours.
La table devient ainsi tout à tour prairie normande, usine, puis place des fêtes ou lieu de manifestation devant les CRS, et  l’actrice manipule une cinquantaine de personnages   ici représentés par des santons sculptés  avec un grand souci de réalisme. Espoirs et désillusions traversent la vie du personnel de Cléon qui a connu la séquestration de ses directeurs, l’occupation par son personnel en 68  des  ateliers et des bureaux, un événement qui, à l’époque, fut très médiatisé …
Aucun détail des événements n’est oublié, d’un accident du travail aux conflits de personnes, des banderoles  du 14 juillet  aux  revendications salariales. La ligne jaune-qui donne son titre au spectacle-délimitait la surface de chaque atelier de montage, afin d’empêcher la communication entre ouvriers qui ne pouvaient franchir cette  ligne qu’après le signal d’une sonnerie!
Le texte, juste et précis, a été écrit par Jean-Baptiste Evette  d’après les témoignages recueillis auprès des employés de l’usine. Raphaëlle Trugnan a un beau talent de conteuse,  et elle emporte aisément le public dans le passé de cette chronologie ouvrière.  Cette crèche du XX ème siècle illustre bien l’évolution et les progrès des conditions de travail, mais souligne aussi  que les réductions du personnel ont été rendus inéluctables au fil des années.
La destinée de l’usine de Cléon semble être un des fleurons de la politique économique actuelle mais  les  allusions discrètes de Jean-Baptiste Evette  à la situation des entreprises dans notre social-démocratie « normale » et hexagonale ne sont évidemment pas fortuites…

Jean Couturier

Spectacle présenté au Grand Parquet en novembre.

http://www.lesgrandespersonnes.org

http://haute-normandie.france3.fr/2012/09/26/arnaud-montebourg-renault-cleon-pour-insuffler-le-patriotisme-economique-96515.html

Le Corps pensant de Mabel Elsworth Todd

Le Corps pensant de Mabel Elsworth Todd, traduction d’Elise Argaud et Denise Luccioni.

Les Editions Contredanse à Bruxelles ont bien fait d’éditer en français ce livre  classique-dont le titre original est  The Thinking Body, A Study of the Balancing Forces of Dynamic Man-que Mabel Todd( 1880-1956) écrivit il y a presque un siècle et qui avait été publié en 1937 mais uniquement en anglais puis récemment en allemand.
Comme le rappelle Baptiste Andrien dans la préface, ce livre exercera une grande influence sur le développement et sur la pédagogie du corps surtout aux Etats-Unis, en particulier sur les pratiques somatiques qui proposent des pratiques « somatiques » qui proposent d’explorer de nouvelles coordinations psychophysiques. Ce qui était évidemment révolutionnaire en Occident au début du 20 ème siècle et qui aura une grande influence sur des danseuses comme Isadora Duncan, Ruth Saint-Denis ou  ensuite sur des théoricien/praticiens comme, entre autres, F. Mathias  Alexander, Moshé Feldenkrais Emile Jaques-Valcroze avec ses méthodes d’éducation rythmique mais aussi sur tout le théâtre contemporain. Mais on sait moins  que cette entité corps/esprit , comme le rappelle justement Andrien, et le changement dans la conception même du mouvement a été initié par François Delsarte, d’abord chanteur puis pédagogue et remarquable théoricien.

Le livre de Mabel Elsworth Todd n’a rien perdu de son actualité même si une indispensable réflexion sur notre corps est aujourd’hui  mieux assimilée par tous ceux pour lesquels ce corps, souvent mal connu, est avant tout un précieux  instrument de travail. Forme et fonction dans la dynamique humaine, forces du corps notamment dans la station debout et ans la marche, importance capitale de la respiration bien analysée: rien n’échappe à l’analyse de cette femme qui avait compris que l’homme occidental et américain en particulier, maltraitait souvent  son plus précieux allié… Alors qu’il  avait la capacité d’avoir une vie où le corps et la pensée, le physique et le mental  pouvaient enfin vivre en harmonie.
Il faudrait aussi mentionner l’influence que la pensée de Mabel Elsworth Todd eut aux Etats-Unis sur des chorégraphes et théoriciens de la danse comme Steve Paxton, Simone Forti ou Yvonne Rainer. C’est dire que cette réflexion sur l’anatomie, le fonctionnement et l’équilibre du  corps humain, à l’opposé de toute démarche puritaine, est encore d’une grande pertinence…
Un livre fort utile pour qui s’intéresse  aux évolutions de  la pensée sur le corps humain.

Philippe du Vignal

Editions Contredanse, 379 pages. 28 euros

Ubu, Scènes d’Europe n° 52-53 La danse en questions.

Ubu, Scènes d’Europe n° 52-53 La Danse en questions.

Ubu, Scènes d'Europe n° 52-53 La danse en questions. dans actualites ubu-cover-id39Ce riche numéro d’Ubu s’ouvre sur un article très complet de Chantal Aubry et Fabienne Arvers qui fait le point sur les jeunes loups de la danse française apparus à l’orée de la décennie 80. Elles ont raison de faire remarquer que les Bagouet -décédé en 92 du sida comme bien d’autres- et  Marin, Gallottta, Chopinot, Larrieu, Découflé… auront profité de l’enseignement donné par Karin Waehner, Jacqueline Robinson, Françoise et Dominique Dupuy, et Jérôme Andrews. Et l’influence de chorégraphes comme Alwyn Nikolais, puis celle  de  ses élèves comme Carolyn Carlon et Susan  Buirge sur cette nouvelle vague de la danse française, aura aussi compté.
Le  champ de la réflexion sur le mouvement, rappelle Chantal Aubry, aura été, lui,  nourri de méthodes d’analyse comme celles entre autres,de F. Mathias  Alexander ou Moshé Feldenkrais. Suit un hommage à Laurence Louppe décédée au début de l’année 2012 avec un article paru il y a dix ans dans Art press Du Partitionnel  où la théoricienne et la brillante critique de la danse contemporaine analyse la notion de « reproductibilité d’une œuvre »  et montre comment les procédés de notation de la danse sont aussi intimement liés au processus de création.
Il a aussi nombre d’articles du nombre de créateurs français, comme cet entretien de Daniel Larrieu avec Chantal Aubry où il parle de ses rapports difficiles avec le pouvoir et l’institutionnalisation dans un pays qui compte maintenant quelque 600 compagnies de danse. Ou cet autre entretien de Joëlle Gayot avec François Verret, architecte de formation, nourri de philo et d’essais dont les spectacles renvoient justement à des grands moments de la littérature. François Verret  analyse avec une grande clarté les raisons qui l’ont poussé à prendre possession d’un plateau soit sans doute, comme il dit  » l’attraction de l’éphémère et la gravité » et l’influence qu’a eu sur lui un philosophe comme Adorno.
Chantal Boiron, la rédactrice en chef d’Ubu  a elle interviewé Robyn Orlin, chorégraphe née en Afrique du Sud et qui vit aujourd’hui entre son pays et l’Europe et qui parle de sa pièce sur Sara Baartman, la Vénus hottentote qui, dit-elle, a encore des résonances sur les femmes de couleur d’aujourd’hui.
On ne peut tout citer mais il y a également deux bons entretiens de Chantal Boiron avec Mathilde Monnier et Abou Lagraa,   dont les parcours  quelque peu hors norme sont exemplaires de la  nouvelle génération de ces chorégraphes dont l’apprentissage de la danse contemporaines n’a pas été des plus classiques. Il y a enfin un article de Thomas Hahn sur la recréation exceptionnelle à Montpellier cette année pour la seconde fois du mythique Einstein on the Beach de Bob Wilson (1976) où Lucinda Childs avait créé son formidable solo sur le musique de Phil Glass.
Mais à l’époque,  contrairement à ce qu’affirme Thomas Hahn, la création lumière avait déjà eu une importance capitale notamment chez Bob Wilson dans Le regard du Sourd mais aussi chez des artistes comme Meredith Monk ou John Vaccaro, et cela dès le début des années 70.

Ce numéro d’Ubu, tout à fait agréable à lire, fait un point remarquable  et donne un bon éclairage sur la création et la théorie dans un domaine souvent mal connu comme celui de la danse contemporaine.

Philippe du Vignal

Ubu revue bilingue français-anglais n°52-53. 15 euros

Une famille aimante mérite de vous faire un vrai repas

Une Famille aimante mérite de vous faire un vrai repas de Julie Aminthe.

Le Théâtre A, c’est une jolie boîte blanche nichée  à deux pas de la mairie des Lilas qui possède  une école de théâtre. Fondé par Armel Veilhan qu’on peut voir en ce moment dans Le Naufragé au Théâtre de la Bastille (voir Le Théâtre du  Blog), c’est aussi un lieu de découverte de textes significatifs et prometteurs qui, régulièrement, font l’objet de mises en voix. Cette  Famille aimante a eu droit à trois  jours de répétitions avec des acteurs solides: Marie Fortuit, Serge Gaborieau, Françoise Le Plénier, et Florian Le Scouarnec- qui se figent dans une position  quand ils se déplacement de façon  géométrique, d’une pièce à l’autre de la maison familiale dessinée sur  le sol blanc.
Ariana, mère de famille hystérique se rêve parfaite mais traite ses enfants adolescents comme s’ils avaient deux ans, et a décidé d’organiser un repas sublime dont elle récite le menu à perte de vue, sans pour autant les lasser. Valère, le père  s’acharne sur un nettoyage névrotique de la cuisine. Les deux enfants Florane et Léonard semblent surpris de l’absence de Rose-Marie,  leur sœur aînée qui a quitté la maison familiale pour ne plus revenir. Le repas n’aura jamais lieu, les mets commandés à l’extérieur n’arrivent pas, le père très autoritaire au départ avoue à ses enfants puis à sa femme qu’il a été mis à la porte de son entreprise depuis un an pour avoir volé dans la caisse. Tous les jours, il erre dans la ville en voiture jusqu’à 18 h et la mère est alcoolique. Mais les enfants n’ignoraient rien des aveux qu’on leur fait. Un beau nœud de vipères familial qu’on aimerait voir sur un  plus grand plateau.

Edith Rappoport

Théâtre A, Les Lilas, le  3 décembre dans le cadre de La Boîte à outils du lundi.

La Place Royale

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©Christophe RAYNAUD DE LAGE/WikiSpectacle

La Place royale de Pierre Corneille, mise en scène d’Anne-Laure Liégeois.

Qu’est-ce que la Place royale ? Le nouveau lieu à la mode, pour la jeunesse dorée du temps de Corneille, le lieu des parades amoureuses et des rivalités, de l’exhibition des conquêtes. Alidor a conquis Angélique, mais il a lui-même été conquis… Inacceptable, insupportable à qui ne veut rien devoir qu’à sa volonté propre. Il va donc “donner“Angélique à son ami– »un autre moi-même »- Cléandre.
Angélique, trahie, ulcérée, accepte d’épouser n’importe qui, à savoir Doraste, le frère de son amie Phylis. Ça ne fait pas les affaires d’Alidor, qui reconquiert sa pauvre amante pour la redonner à son ami : belle loyauté entre hommes… Enlèvement, quiproquo : c’est Phylis qui se retrouve dans les filets de Cléandre, et s’y trouve bien.
Idem pour Cléandre : mieux vaut posséder une joyeuse coquette qu’une amoureuse déçue et éplorée. Restent sur le carreau : tous les amoureux de la papillonnante Phylis, son frère, Angélique et Alidor. Angélique, la femme d’un seul amour – « pour aimer comme il faut, il faut aimer ainsi »-choisit le couvent, et Alidor célèbre sa chère liberté : « Je cesse d’espérer et commence de vivre / Je vis dorénavant, puisque je vis à moi ».

Evidemment, il y a de quoi rire ; où a-t-on vu un  » amoureux extravagant  » (le sous-titre de la pièce) cherchant à tout prix à se défaire d’un amour heureux et comblé ? En même temps, il n’y a pas de quoi rire. Corneille préfigure ici un Don Juan intellectuel, plus manipulateur que séducteur, non sans sadisme, un dandy des sentiments. Angélique a quelque chose d’une princesse de Clèves meurtrie : Alidor a badiné avec l’amour. On oserait presque dire qu’il y a là quelque chose de racinien. C’est dire la richesse et la liberté de cette comédie cruelle, écrite en un temps où Corneille n’a pas peur du baroque.
Anne-Laure Liégeois a placé l’affaire dans un parquet de bal. Après tout, la journée doit se conclure par un bal, quel que soit le mariage final. C’est le lieu idéal de la comédie, comme l’antichambre, le « cabinet superbe et solitaire », est le lieu idéal de la tragédie, où tout le monde se croise, y compris ceux qui ne devraient surtout pas se rencontrer. C’est le lieu de l’attente, de la séduction, des potins…
En ce sens, il n’est peut-être pas juste de vieillir les personnages : une telle radicalité que ce soit celle d’Angélique ou celle d’Alidor – n’appartient-elle pas plutôt à l’extrême jeunesse ? On comprend mieux le parti pris avec les raisonnables jouisseurs, Phylis et Cléandre, qui acceptent, comme on dit, de faire une fin .
Le rythme est rapide, la langue, pourtant difficile, fluide. Même les formules sentencieuses chères à Corneille trouvent à peu près leur place dramatique. Car elles sont faites pour ça : chaque fois qu’un personnage parle « en général » (voir le mot d’Angélique sur l’amour unique), c’est de lui qu’il parle, et à un partenaire bien précis. Reste qu’on est un peu déçu par les acteurs : Denis Podalydès est  un Alidor brillant, drôle, mais trop désinvolte. Elsa Lepoivre a la vitalité voulue (on n’ose pas dire le piquant) mais Florence Viala a mis du temps ,le soir de la première, à entrer dans cœur d’Angélique.
Cela manque de douleur, à commencer par celle d’Alidor : pour les plus âgés d’entre nous, souvenez-vous des stances finales balancées à la Johnny Hallyday, du siège d’une moto, dans la mise en scène d’Hubert Gignoux. Et du triomphe à la voix cassée de Philippe Demarle dans la réalisation  de Brigitte Jaques.
Qu’Anne-Laure Liégeois nous pardonne : parfois, la mémoire du théâtre se superpose au spectacle. Elle a quand même pensé à la douleur : depuis le début de la pièce, une fille (Muriel Piquart) fait tapisserie; sans rien dire, sans amertume, elle attend. Et elle sait qu’elle n’aura rien, qu’une « dernière valse » à la Mireille Mathieu, avec le plus désabusé des garçons. Bravo : il fallait cette douleur sans un mot, comme si l’inconnue payait pour les beaux parleurs qui se l’interdisent.

Christine Friedel

Comédie Française /Vieux Colombier

Les Mille et Une Nuits, parcours exposition

Les Mille et Une Nuits, parcours-exposition conçu et réalisé par l’Institut du Monde Arabe.

 

Les Mille et Une Nuits, parcours exposition dans actualites 1

Ida Rubinstein et Vaslav Nijinsky, George Barbier© IMA / Nabil Boutros

Il est le plus célèbre et le plus influent des ouvrages de littérature arabe, qui établit un lien exceptionnel entre l’Orient et l’Occident. Recueil anonyme de contes populaires arabes issus de la tradition orale, primitivement d’origine persane (la première mention date du VIII ème siècle), il s’enrichit d’éléments égyptiens, indiens, iraniens, grecs et mésopotamiens au cours des temps. « De manuscrit en manuscrit, de copie en ajout, de traduction en retraduction, Les Mille et Une Nuits sont le fruit d’un incroyable processus d’élaboration » lit-on dans le document qui accompagne l’exposition.
La première version française des Mille et Une Nuits, celle d’Antoine Galland, (douze tomes parus entre 1704 et 1715), fait référence et devient la source où puisent les traducteurs européens qui s’en emparent : « Son influence est considérable, elle alimente la vague de l’orientalisme et aussi la littérature fantastique ». D’autres versions suivront, dont celle d’André Miquel et Jamel Eddine Bencheikh, publiée en 1991. De nombreux artistes l’illustrent, comme Gustave Doré et Léon Carré.
Le récit-cadre, et que l’on trouve dans toutes les versions, est l’histoire de Shéhérazade : Le sultan Shahryar, blessé par l’infidélité de son épouse, la condamne à mort et,  pour se venger, décide de faire exécuter chaque matin, la femme qu’il aura épousée la veille. Shéhérazade, la fille du grand vizir, se propose de l’épouser et, aidée de sa sœur, raconte chaque nuit au sultan une histoire dont la suite est reportée au lendemain. Le sultan ne peut se résoudre alors à tuer la jeune femme et remet l’exécution de jour en jour, afin de connaître la suite du récit commencé la veille. Peu à peu, Shéhérazade gagne la confiance de son mari qui,  au bout de mille et une nuits, renonce à la faire exécuter.
Ce récit est complété de nombreuses autres histoires, parmi les plus connues : Sindbâd le Marin et ses sept voyages, Ali Baba et les Quarante Voleurs, ou Aladin et la lampe merveilleuse, qui ne sont pas issus des plus anciens manuscrits, mais furent ajoutées ultérieurement.
C’est cette complexité-là qui se dégage de l’exposition, conçue à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de l’Institut du Monde Arabe, et s’organise en sections : l’aventure du texte, cette élaboration, au fil du temps et des géographies ; la Bibliothèque desNuits  qui montre l’engouement de l’Occident pour les récits d’Orient, et que l’on retrouve dans toute la production littéraire, à compter du XVIIIème siècle ; Les mondes urbains : Bagdad, Damas, Le Caire, la ville où la plupart des contes se déroulent, qui représente « le point d’ancrage de la civilisation arabo-musulmane, dans sa diversité socioculturelle. Damas, grande ville médiévale, Bagdad, métropole des Abbassides, Le Caire, fondé par les Fatimides d’Egypte » note le dossier de presse ; L’élan amoureux, thème central de tous les contes ; La guerre et la cruauté, la mort sur les chemins de bataille, et conter pour ne pas mourir ; Les mondes intermédiaires, anges et démons, djinns et fées, formules magiques et talismans, l’irruption du fantastique, avec génies et elfes ;Les contes de la mer et les voyages, traversées terrestres ou maritimes, rencontres merveilleuses ou terrifiantes, dangers de toutes sortes.
L’infinie variété de l’iconographie, venant cette fois d’Occident contrairement aux textes, accompagne la diversité des thèmes, et ne peut ici, que nous séduire, de même que les traces de ces Mille et Une Nuits qui ont nourri toutes les formes d’art que l’on retrouve dans l’exposition : théâtre, cinéma, opéra, ballet, peinture, littérature, photographie. Près de 350 œuvres d’époque et de styles différents sont montrées, provenant de nombreux musées nationaux et internationaux, ainsi que de collections particulières, dont des manuscrits rares, montrés pour la première fois.
Avant leur passage en Occident, les Mille et Une Nuits étaient souvent présentées comme un texte sans images. Deux des plus beaux manuscrits illustrés sont ici exposés, (sur vingt répertoriés et cent-quarante identifiés, grâce à de récentes recherches), ainsi que les oeuvres d’artistes orientalistes mêlés aux peintres modernes, comme Adrien Dauzats, Antoine Barbier, Pablo Picasso, RenéMagritte, Kees Van Dongen, François-Louis Schmied, Léon Bakst. Ce dernier a signé les décors des Ballets russes de Diaghilev, pour la chorégraphie de Fokine, sur la suite orchestrale de Rimski-Korsakov, Shéhérazade, l’exposition présente les aquarelles originales de : Dessin de costume pour la danse sacrée du Dieu Bleu, 1912 – et pour Nègre d’or, dansé par Vaslav Nijinski dans le rôle-titre, 1910 – Ida Rubinstein et Vaslav Nijinski, de Georges Barbier, 1913.
On trouve aussi des faïences et céramiques illustrant les scènes clés des Mille et Une Nuits, des laques, huiles, gouaches d’or et d’argent, de la pointe sèche, des lithographies, photos de théâtre, encres, terres cuites à glaçure, ivoires sculptés et taillés, photogravures et gravures, lampes à huile et objets divers de métaux précieux.
La scénographie inventive permet une déambulation toute en finesse et le parcours est une somme de belles rencontres où la découverte, la grâce et le merveilleux sont au rendez-vous : hologrammes, animations en ombres, écoute au casque de contes en langues arabe et française dans un chaleureux espace circulaire à la lumière tamisée, projections sur coins de murs des films de Georges Méliès, Togo Mizrahi, Lotte Reineger, Douglas Fairbanks, Pier Paolo Pasolini.
Une très belle réalisation de l’Institut du Monde Arabe, pour tous ceux qui, de mythologies en fantaisies, ont envie de rêver un peu.

 

Brigitte Rémer

Institut du Monde Arabe,du 27 novembre 2012 au 28 avril 2013, Niveau 1 et 2, entrée par la faille (côté Seine) ; mardi, mercredi, jeudi, de 10h à 18h ; vendredi, de 10h à 21h30 ; samedi, dimanche et jours fériés, de 10h à 19h. Catalogue co-édité, IMA/Hazan. Manifestations et activités pédagogiques : www.imarabe.org

Inventaires

Inventaires de Philippe Minyana mise en scène de Robert Cantarella

Inventaires 856907_21688358_460x306On retrouve ici Florence Giorgetti, Judith Magre et Edith Scob dans une pièce qui les réunissait déjà il y a vingt-cinq ans… C’est aussi le même tandem éprouvé: Minyana-Cantarella qui se retrouve aux commandes de ces Inventaires en 2012, comme le metteur en scène aime à le préciser.
Les trois comédiennes entrent sur le plateau en riant dans une salle restée éclairée et le grand jeu animé par Cantarella va pouvoir débuter. Chacune nous raconte son histoire, par épisodes qu’interrompt un maître de cérémonie, l’une laissant la place à l’autre. Elles arrivent, c’est le principe, avec un objet familier, fil rouge de son récit (une cuvette émaillée, une lampe sur pied et une robe).
Mais deux de ces trois grandes dames-plus très jeunes-du théâtre et du cinéma ont parfois une démarche hésitante: elles tentent d’éviter les pièges du plateau qu’une vue affaiblie rend dangereux, ou se montrent absentes quand c’est à une autre de prendre la parole.
Le texte très rythmé et remarquablement écrit de Philippe Minyana ne manque pas d’humour, même quand il parle des moments difficiles de la vie de ces rois personnages féminins Mais la mise en scène de Robert Cantarella n’est pas tout à fait convaincante: si nous allons au théâtre, ce n’est pas pour y retrouver les mécanismes et les rituels de la télévision avec un présentateur qui coupe la parole, des coups de gong et une lumière blanche. Et on entend mal les comédiennes, dont le jeu se traduit presque seulement par des déplacements sur le plateau. Soit, elles forment comme un cercle de parole… qui n’a pas trop de sens, puisque cette parole est libre tout au long du spectacle. Soit, elles sont assises sur des cubes blancs en-dessous de leurs photos ou sur des tabourets pliants à l’autre bout de la scène: c’est artificiel et cela perturbe les confidences de ces femmes et ne facilite  pas l’empathie.
Florence Giorgetti est à l’aise jusqu’à la fin avec humour et sensibilité. Mais on ne peut pas en dire autant d’Edith Scob, par ailleurs desservie par son costume: jean, sweat et baskets. Toujours sur le même registre de voix, elle garde parfois la bouche ouverte, comme un peu ahurie. Quant à Judith Magre, on l’a vue beaucoup plus à l’aise…Dommage! L’écriture de Minyana, même plus de vingt-cinq ans après, n’avait guère besoin de cette fausse modernité de mise en scène qui ne favorise en rien le jeu de ces comédiennes parfois fragiles.

Julien Barsan

vu au Théâtre des Deux-Rives à Charenton

La Comédie de Saint-Etienne, du mar. 04/12/12 au jeu. 06/12/12

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