Le cabaret discrépant

Le Cabaret discrépant d’après Isidore Isou, spectacle d’Olivia Grandville

 

Décapant, ce cabaret discrépant ! Construit de bric et de broc, il commence dans l’escalier du Théâtre de la Colline avant de gagner le deuxième étage placardé de maximes :  » Ne consommez pas votre propre élan ». « Ne laissez pas les capitalistes voler votre culture et vous la revendre « . Là, dans les coins et recoins du hall, que, d’habitude, on ne visite jamais, attendent comédiens et danseurs.
L’un clame des syllabes désaccordées, un autre conte les hauts faits d’Isou et de ses compères lettristes, dont le sermon prononcé en plein office de Pâques à Notre-Dame de Paris :  » Je vous le dis,  Dieu est mort. Nous vomissons la fadeur de vos prières… » Un autre comédien égrène les grands principes du manifeste lettriste. Au milieu de ce joyeux désordre et  de cette inventive polyphonie, le public navigue à sa guise, chacun captant des bribes de l’œuvre d’un poète en perpétuelle recherche de subversion. Quel plaisir de plonger dans cette discrépance (du latin discrepantia: dissonance, discordance ; en opposition à harmonie) !

Mais qui connaît ou lit encore Isidore Isou, ce jeune Roumain surdoué, né en 1925 et débarqué en France en 1945 ? Son manifeste, Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, paru à la NRF en 47 et La Créatique ou la Novatique qui révolutionnent  tous les domaines de l’art, des sciences et  de la philosophie,  ont pourtant marqué toute une génération. Parmi ses disciples : Maurice Lemaître et Guy Debord, qui va rompre avec Isou en 52, pour fonder l’internationale lettriste puis le situationnisme.

Après cette immersion dans les textes, l’histoire et la théorie du mouvement lettriste, on passe à la pratique du plateau. Un danseur, sous la dictée d’une voix chorégraphiante, s’applique à des mouvements qui rompent avec le classicisme et préfigurent la danse contemporaine : ludique ballet « ciselant », inspiré de La danse et le mime ciselant et de Fugue mimique de Maurice Lemaître. Les autres comédiens-danseurs le rejoignent pour une conférence loufoque.

Le spectacle,  habilement composé,  et interprété avec la rigueur que demande toute représentation débridée, propose une immersion formelle et sensible dans cette avant-garde héritière de Dada et qui annonçait mai 1968.
À voir…

Mireille Davidocivi


Théâtre de la Colline, jusqu’au 16 février 2013 T:  01-44-62-52-52

www.colline.fr http://www.dailymotion.com/video/xrnyap

 

 

 

 

 

 


Archive pour janvier, 2013

Les Jeunes Filles de Ludmilla Oulitskaïa par le Théâtre Samart (en russe surtitré)

Les jeunes Filles de Ludmilla Oulitskaïa par le Théâtre Samart (en russe surtitré)

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Quatrième édition du festival Russenko: le spectacle a été présenté à l’Espace culturel André Malraux du Kremlin-Bicêtre, ville au nom prédestiné pour ce festival qui a accueilli dans ses précédentes éditions 12. 000 spectateurs. Le nom de Kremlin a été ajouté à celui de Bicêtre, un ancien château  où  fut construit un hospice militaire pour  les soldats blessés  à la campagne de Russie de Napoléon .

Autour du cabaret Au Sergent du Kremlin, un quartier se  se créa et donna son deuxième nom à la ville vers 1.890. Le festival Russenko accueille pendant trois jours spectacles, expositions, rencontres, concerts et films avec  comme partenaires, le district de Dmitrov près de Moscou, la Région et la ville de Samara où a été créé ce spectacle.
Ludmila Oulistskaïa, généticienne de formation, auteur russe contemporaine reconnue, s’est fait connaître du public français quand elle a écrit avec Vladimir Sorokine Claustophobia que mit en scène Lev Dodine en 94. Les Jeunes Filles se déroule dans la Russie soviétique des années cinquante. A travers le récit d’histoires de petites filles devenant des adolescentes aux amitiés contrariées et amours déçus, c’est en filigrane une dénonciation du régime politique de l’époque. Cela se passe dans un salon: table, chaises, canapé et sapin de Noël, costumes et musiques chantées ou enregistrées sont empreints de nostalgie. Au départ, ce travail d’élèves devenu spectacle a été dirigé par une comédienne réputée du théâtre Olga Agapova. Mais il est décevant: jeu excessif au bord de l’hystérie des treize interprètes, pas de direction d’acteurs… Curieusement, la troupe vue à Samara avec d’autres pièces de son répertoire, avait une grande qualité de jeu.
Pourquoi avoir choisi ce spectacle pour un festival unique en France qui se veut être une fenêtre sur la création russe?

Jean Couturier

Spectacle vu le 26 janvier à l’Espace culturel André Malraux, Le Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne). www.russenko.fr

Ménélas rébétiko

Ménélas rébétiko raspsodie, texte et mise en scène de Simon Abkarian, musique et chant de Grigoris Vasilas ( bouzouki) et Kostas Tsekouras (guitare).

Ménélas rébétiko img_40831Le Grand Parquet, même un dimanche soir est bourré… Aucun décor sur la petite scène sinon quelques fauteuils en bois et  un petite table blancs,  avec une nappe et  des bougies blanches, et de petites bouteilles de raki.
Les deux musiciens,  très élégants en costume gris, sont déjà assis quand  Simon Abkarian entre en tenue de fête-costume trois pièces impeccable noir, petite chaîne de montre au gilet, chaussures vernies tout aussi noires et  chemise blanche. Chevalière en or au petit doigt, longue et fine  moustache tout aussi impeccable  et cheveux brillantinés. Avec à la main, parfois, un éventail jaune pâle bridé de noir.
A soixante ans, le comédien ne manque pas de panache; il  a toujours  quelque chose de fascinant et on revoit à la fois le bel et jeune acteur quand, il y a trente ans, il jouait Les Atrides mis en scène par Ariane Mnouchkine, puis au cinéma quand il  interprétait récemment dans L’Armée du crime, le célèbre et formidable résistant, comme lui d’origine arménienne, Missak Manouchian. Et ici, on le croirait sorti-profil du visage  et gestuelle imposante- d’un des nombreux films qu’il a tournés.

Cette fois, il nous  raconte à sa manière, la fameuse histoire de Ménélas, d’Hélène  et Pâris: elle déclencha la guerre de Troie qui dura dix ans. Piqûre de rappel:  Ménélas, roi de Sparte, frère d’Agamemnon et  roi d’Argos, qui  commanda  toutes les armées grecques. Ménélas  est marié à Hélène qui va être enlevée par Pâris, le fils de Priam le roi de Troie et d’Hécube, mère d’Hector et Cassandre. Priam sera égorgé par Pyrrhus,le fils d’Achille. A la mort de Pâris, Hélène, avait épousé Déiphobe que Ménélas  tuera.  Et il   pardonnera à Hélène et  vécut à Sparte avec elle. »  Les portes et les fenêtres crient : Hélène ! Hélène ! Le vent me gifle, me jette au visage l’écho de ton nom désormais atrophié. Haine ! Haine ! ». Mais les sentiments humain sont à géométrie variable:  » Tu me prendras  dans tes bras et tu me diras, tu es revenu! ».
 Vous suivez toujours?  Quant aux dieux, pendant la longue guerre de Troie, Athéna est du côté des Grecs comme Héra, l’épouse de Zeus mais Apolllon, le dieu de savoir et des arts, prendra  le parti des Troyens, comme Arès, le dieu de la guerre et Aphrodite, la déesse de l’amour. Tous les éléments sont  en place donc pour ce récit légendaire, mille fois traité, surtout et évidemment par Homère et par Shakespeare  dans  Troïlus et Cressida qui va se jouer à la Comédie-Française et dont nous vous parlerons. Et cette histoire légendaire qui traite de la condition mortelle de l’homme , à l’intrigue et aux rebondissements n’a jamais cessé d’être retravaillé en littérature, au théâtre comme au cinéma qui en avait vite compris les enjeux.
 Simon Abkarian, qui avait déjà mis en  scène en 2003  L’Ultime Chant de Troie d’après Euripide, Eschyle, Sénèque et le poète arménien Parouïr Sevak, donne une version personnelle de cette aventure politico-amoureuse, avec deux remarquables musiciens pour souligner  mais aussi pour chanter cette fable.  » J’ai voulu, dit-il, questionner comprendre la solitude de Ménélas et redessiner à tâtons les contours de ce chagrin d’amour toujours occulté par la guerre de Troie ». Quant au rebetiko, musique née dans les années 20 en Asie Mineure, on sait qu’elle  a été surtout chantée dans les cafés et hôtels douteux, et le plus souvent contre des gouvernements aux allures de dictature.
Le troisième  terme du titre Rapsodie  rappelle que le célébrissime théâtre antique grec a eu pour ancêtres des chanteurs de poèmes épiques.  Le spectacle pourrait se passer dans un café grec,  crétois ou méditerranéen, dans la nuit étoilée d’un été écrasant de  chaleur  Sur la nappe de la petite table carrée- et c’est vraiment une belle idée-défile le sous-titrage de chansons grecques.
Simon Abkarian se lance dans ce récit qu’il a lui-même écrit. Avec de belles fulgurances poétiques quand Ménélas parle d’Hélène l’infidèle qui l’avait  vite séduit. Les trois complices fument, boivent un coup de raki et  s’abandonnent à une douce mélancolie. Abkarian  dit cette fable, chante et  esquisse quelques pas de danse avec  beaucoup de  grâce et,  aux meilleurs moments, c’est tout son corps imposant  qui s’empare de la petite scène, magnifiquement aidé par ses deux amis musiciens, surtout Grigoris  Vasilas qui, avec son bouzouki et sa voix chaude, arrive à électriser le public, en grande partie grec. Mais dimanche, le comédien,sans doute fatigué par cinq représentations successives, parfois, butait  sur les mots et avait du mal à imposer pendant une heure un récit inégalement écrit.
Mais, malgré ces réserves, le spectacle, ample et généreux, a quelque chose de magique et de fort dans sa simplicité mais aussi  dans son grand raffinement musical. Et c’est avec beaucoup d’émotion que l’on entend chanter cette langue grecque dont on arrive encore-véritable miracle-à lire et surtout à comprendre beaucoup de choses écrites  il y a plus de  deux mille ans…

Philippe du Vignal

Le Grand Parquet, aux Jardins d’Eole, 35 rue d’Aubervilliers, 75018 Paris  T: 01-40-05-01-50.
Texte publié par Actes Sud-Papiers (14,50€).
www.legrandparquet.net
billetterie@legrandparquet.net

Les Tribulations d’une étrangère d’origine

Les Tribulations d’une étrangère d’origine, mise en scène de François Berreur.

Les Tribulations d’une étrangère d’origine tribulations1

Élizabeth Mazev

Etre né quelque part, puis plus tard, être ou ne pas être, selon la formule shakespearienne… Elizabeth Mazev « est » et s’est, on n’en doute pas, construite. Avec Les Tribulations d’une étrangère d’origine-version scénique de Mémoire pleine-un récit personnel que met en scène François Berreur, la comédienne se souvient de ses trois ans et demi dans une petite ville du Sud de la France.
Ses parents et son grand frère, son aîné de douze ans, parlent le bulgare entre eux, comme la voisine compatriote du rez-de-chaussée, à la différence de son amant yougoslave  dont la langue initiale « varie » quelque peu.
Tous les étés, les vacances s’organisent autour d’une virée en auto dans le pays qu’on a laissé derrière soi, à  la recherche des origines de la famille morcelée d’exilés politiques bulgares.
Au retour de ces embardées affectives mais aussi politico-culturelles, la petite Élizabeth, tonique et effervescente, qui comprend la langue parentale mais qui se refuse à la parler , trouve sa vraie place à l’école républicaine française où, dès le CE2,  elle rencontre, pour ne plus le quitter… Olivier Py, homme de théâtre à venir.
Le jeune homme suivra Élizabeth plus tard, dans ce pays mythique qui fraie avec l’identité même de sa compagne. Mais,  entre-temps, le mur de Berlin est tombé pour laisser place à un capitalisme sauvage ahuri que beaucoup d’autochtones s’emploient à fuir tandis que les affranchis d’hier s’évertuent à retrouver l’authenticité perdue d’un pays qui n’existe plus, si ce n’est, sur la carte géographique.
En fait, le pays en question appartient à un imaginaire collectif dont il serait difficile de dénouer clairement les liens. Élizabeth, à la recherche de soi, n’a peur de rien : enfant, elle visite sa mère-patrie et apprend à l’aimer jusqu’au moment où elle découvre les failles,  du  » satellite le plus fidèle de l’Union soviétique « . Elle n’en continue pas moins à le chérir jusqu’au jour où tout s’écroule, quand ses dirigeants  laissent la  place à l’arrogance et au terrorisme des  nouveaux  riches du libéralisme économique.
Élizabeth reste elle-même, frondeuse dans sa recherche de projets artistiques comme dans sa vie de jeune fille, mais reste discrète. Et c’est bien la pudeur qui la distingue de tous ces récents faiseurs d’autobiographie complaisante.
L’actrice se raconte devant nous, tour à tour dubitative ou sereine, incertaine et fragile , ou encore autoritaire et péremptoire. Léger accent chantant du Sud  comme cadeau de bienvenue, cette femme de notre temps vit sur la scène comme elle évolue dans la vie, sans nul écart entre l’être et sa vérité, le discours et la pratique, en glissant pourtant vertigineusement du rêve à la réalité. Un travail de figure sereine et souveraine, sans éclat, mais avec force et conviction.
Nous sommes tous des étrangers d’origine qui travaillons à trouver l’identité qui nous sied.

Véronique Hotte

 

Théâtre Ouvert,  cité Véron , jusqu’au 23 février. prolongées jusqu’au 2 mars T : 01-42-55-55-50

Au cabaret Tchekhov

Au Cabaret Tchekhov, mise en scène de Rainer Sievert

Au cabaret Tchekhov lours-bisLe public s’installe sur un coin de table, comme au bistrot de la place du village, face à des tréteaux disposés en demi-cercles. Au loin, derrière un tulle qui apporte de la profondeur, on  peut voir la campagne de l’autre côté du bourg. Pépiements d’oiseaux et grand vent, en introduction… Un jeu de miroir et de clair-obscur. Vous avez dit atmosphère ? Ici, Radio-Moscou, clame le transistor.
De partout, en mobylette, à pied ou en vélo, arrivent comédiens et musiciens, comme un groupe de potaches, et prennent position. Un narrateur, Tchekhov lui-même… fil conducteur de la soirée, lance de langoureux: « Public, ma beauté » . Côté cour, le trio tzigane (Frédéric Pradel, alto ; Fabian Suarez, percussions ; Arnaud Vilquin, piano, étudiants/musiciens du Pôlesup 93) ne quitte pas son tréteau; il chauffe la salle, puis souligne l’action et joue la nostalgie, au fil de la soirée.
La soirée est  composée d’extraits des Carnets et des Nouvelles d’Anton Tchekhov ,  et des Plaisanteries en un acte, comme les nommait l’auteur, et qui continuent de faire rire. La Demande en mariage et L’Ours, traduits entre autres par  Elsa Triolet.. « Vos contes sont des flacons élégamment taillés, remplis de tous les arômes de la vie »,  disait Gorki à Tchekhov.
Numéros et intermèdes se succèdent, généreux et populaires dans des lumières de Wilfried Schick : le grand magicien de l’Oural, moujik sorti tout droit de sa taïga, accouche d’une souris et sort un ours de son chapeau ; le noyé, tête plongée dans un saladier, est en apnée ; la princesse et sa cour s’exposent au ridicule ; le combat entre l’homme et sa chaise longue est à égalité ; la matrone, professeur de danse, fait de gracieux piqués jetés à faire déborder l’eau du bain ; la levée des poupées russes, symphonie pour pince à linge et déshabillage ,convie Buster Keaton ; et un condensé de l’histoire de Russie nous est donné à entendre, tsar après tsar, et jusqu’à Nicolas II, le favori.
  « Je suis une mouette… Non, ce n’est pas ça… !  » petites phrases sorties de leur contexte, pour faire vivre Tchekhov.  Le soupirant de La Demande en mariage, faussement tiré à quatre épingles et l’homme de L’Ours qui vient récupérer sa dette auprès de la veuve, grande coquette éplorée ajoutent au mélange des genres. Le premier, sur la question de savoir à qui appartiennent Les Prés-du-bœuf, fait tourner la demande en risible affrontement face à la  jeune fille qui revoit sa copie, et qui troque  son  grand tablier bleu  pour  la robe coquelicot de ses fiançailles espérées. Le second écope dignement des coups d’une dame en superbe robe noire, non moins digne et méprisante, sur fond de convocation en duel et de leçon de tir...
Partage de vodka et grignotage avec les spectateurs accompagnent ces petites révolutions de chaumière, menant à l’anomie, entre gouaille, pitreries et absurdités. Les comédiens: Marc Allgeyer, Damiène Giraud, Maria Gomez, Jean-François Maenner, Jean-Luc Mathevet et Jean-Pierre Rouvellat, en personnages anachroniques, se régalent et le public se laisse encercler par ce jeu dans le jeu et applaudit aux numéros, comme au cirque ou  au cabaret.
Le Collectif du Centre dramatique de La Courneuve, longtemps piloté par Christian Dente, poursuit sa route sous la direction  de Maria Gomez. Il  avait présenté en 2010, Tchekhov côté Jardins, en plein air, (voir Le Théâtre du Blog) dans une mise en scène de Rainer Sievert à qui cet univers réussit bien. Le Collectif continue à témoigner sur le monde et la condition humaine, avec lucidité, acidité, tendresse, et humour  comme clé de voûte.
Loïc Loeiz Hamon, conseiller artistique et créateur des costumes du spectacle, scénographe et graphiste de la troupe depuis 84, a rejoint le vent… Ses dessins et maquettes, tels des feuilles envolées, posées ça et là dans le hall du théâtre, parfois froissées, toujours vivantes, balisent la route du spectateur jusqu’à la salle. Salut l’artiste !
Et la chanson Good bye Lénine du début du spectacle, repart en boucle et de plus belle, quand le public  applaudit et quitte la salle…

Brigitte Rémer


Au Cabaret Tchekhov, mise en scène de Rainer Sievert.

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Le Centre Dramatique de La Courneuve est une vraie compagnie, avec une troupe permanente comme il n’en existe plus, née en 73 d’un Studio d’art dramatique qui se professionnalisa rapidement sous la direction de Pierre Constant, grâce au soutien de Robert Moulin son fondateur aujourd’hui disparu,  et de la ville conduite à l’époque par James Marson.
Pierre Constant les avait emmenés de succès en succès,  depuis Les Troubadours, Le Jeu de Robin et de Marion, Le Cirque impérial, etc., des spectacles musicaux et acrobatiques qui remportèrent de vrais succès populaires au Festival d’Avignon, à Chaillot et dans bien des tournées internationales. Pierre Constant les ayant quittés en 1981, la compagnie se retrouva sans metteur en scène, mais  choisit de continuer sous d’autres directions, Mehmet Ulusoy pour Pantagruel, Christian Dente à plusieurs reprises pour Cosmos, Gens de Dublin, Nouvelles d’Odessa, L’Invasion comique
Il y eut ensuite d’autres metteurs en scène comme  Patrice Bigel, Jean Maisonnave, Arlette Bonnard, Alain Enjary…, sous la direction de Dominique Brodin, l’un des comédiens disparu en 2008. comme avant lui, Robert Moulin, Christian Dente, Mehmet Ulusoy… Et la compagnie  vient aussi de perdre son décorateur Loïc Loïez Hamon!  Dont les grandes maquettes  d‘ En coup de vent  sont suspendues à l’entrée du Centre Culturel Jean Houdremont, au pied de la Cité des 4.000 où se joue  ce  Cabaret Tchekhov. Le Centre Dramatique de la Courneuve aura ainsi monté plus d’une quarantaine de spectacles qui ont connu de vraies tournées avec une  équipe de comédiens fidèles.
Au Cabaret Tchekhov, nous sommes  assis sur des  tabourets  autour de  tables rondes, sous un chapiteau figuré par des rubans, face à une cabane foraine rustique, flanqué de toilettes de campagne. Un cuisinier,  devant son échoppe,  prépare des mets qu’on viendra nous servir, et c’est lui qui orchestre la soirée.
De courtes séquences extraites des merveilleux Carnets et des Nouvelles d’Anton Tchekhov, médecin dévoué aux pauvres gens, alternent avec ses célèbres petites pièces que sont L’Ours et La Demande en mariage. Les personnages féminins incarnés par Damiène Giraud et Maria Gomez, comédiennes mûres et bien en chair, donnent une saveur incomparable à ces courtes pièces souvent jouées. Marc Allgeyer, Jean-François Maenner, Jean-Luc Mathevet et Jean-Pierre Rouvellat sont leurs  partenaires efficaces.
Nous savourons pleinement l’humour d’un des plus grands auteurs  du XIXe siècle,  dont les pièces ont été si souvent reprises en France, surtout pendant toute la seconde moitié du XXe siècle et maintenant.
Un spectacle rare que les institutions théâtrales devraient accueillir…

Edith Rappoport

Centre  dramatique Jean-Houdremont, La Courneuve, jsuqu’au 27 janvier.

http://www.centredramatiquedelacourneuve.com

N’être pas né

N’être pas né d’Yves Cusset, « tragédie comique en prose ordinaire« , mise en scène de Philippe Touzet.

N'être pas né netrepasne-40x60Yves Cusset reprend le début de la phrase bien connue de Cioran: « N’être pas né, quand on y songe, quel soulagement, quelle liberté, quel espace » pour baptiser son quatrième solo.
Le comédien/philosophe ou le philosophe/ comédien est une figure un peu à part dans le domaine du spectacle, encore qu’il ne soit pas le premier à passer de Normale sup (entre autres Jacques Nichet, et plus récemment Myriam Marzouki) avec agrégation et thèse de philo,  à l’univers de la scène  moins luxueux et semé de coups tordus.
Auteur d’un remarquable essai consacré au philosophe Habermas, Yves Cusset continue à enseigner la philosophie politique à Science-Po Paris.

Dans une des petites salles pas très nette-fauteuils  délabrés, voire déchirés-fond de scène  noir mais griffé et température  des plus rafraîchissantes-du Théâtre de Ménilmontant, il nous donne à voir et à entendre un solo à la fois philosophique et comique, ce qui n’est pas incompatible…
Très à l’aise, en pantalon noir, chemise et pull-over rouges, il accueille, debout dans la salle, le public avec une grande gentillesse, comme les profs malins le font aux rentrées scolaires pour séduire des nouveaux élèves que l’on n’a jamais vus.  a quarante et un ans , on se refait Pas!
« Les spectateurs entrent, mais rien n’a l’air prêt : le régisseur s’agite sur scène, et le comédien, rentrant sur scène et s’apercevant à sa grande surprise que le public est entré prématurément, va dans la salle s’adresser à lui, en attendant que la scène soit prête », dit la didascalie du texte. Yves Cusset  bavarde  avec le régisseur. C’est assez conventionnel, et les lumières de la salle  qu’on laisse éclairée sont  sordides.

Le comédien a quelque mal, comme cela à froid, à être vraiment convaincant. Et  le contraire serait étonnant… Bref, ce prologue a quelque chose de raté qu’il faudrait revoir d’urgence,  mais ensuite, c’est un véritable feu d’artifice,  d’une intelligence et d’une force indéniable. Pendant une heure, avec une diction impeccable,  Cusset fait partager son étonnement philosophique au public.
C’est, aux meilleurs moments,  souvent aussi fort que, par exemple,  qu’une lecture de L’Expérience émotionnelle de l’espace de Pierre Kaufman mais… plus accessible et sans doute parfaitement adapté au solo et à un petit espace scénique… C’est un cocktail enivrant où la réflexion sur le parcours d’un être humain a la meilleur part.

Etonnement d’être sorti du ventre d’une mère pour être au monde, étonnement de faire le  grand écart entre le temps et l’espace, étonnement du mélange comique/tragique qui est à la base de notre vie quotidienne: « Le rire dissimule de son éclat diabolique la tragédie de la condition humaine. Le comique nous fait trompeusement du bien en détournant le malheur à son profit. Alors que le tragique, lui, nous fait vraiment du bien, en suscitant sans détour terreur et pitié. C’est ce qu’Aristote appelait « catharsis », pour la bonne raison qu’il était grec.  La catharsis, c’est une purge anti-dépression : vous éprouvez une telle compassion  au spectacle d’un malheur tellement immense, tellement pur et implacable, que cela vous purge d’un coup de toutes vos passions tristes.  C’est donc le tragique qui rend vraiment moins triste ! Pleurez, vous serez moins tristes, voilà la vérité. « 
Mais Yves Cusset n’hésite pas aussi à parler sexe, naissance et mort du corps humain, simplement figuré par celui en plastique d’une grande poupée nue : c’est souvent cru mais pas vulgaire, et surtout formidablement accessible  àun public qui retrouve  vite ses repères personnels,  quand il parle des angoisses de la petite  enfance.
Même si  le comédien use et abuse des jeux sur et avec les mots , très Normale Sup, avec un attrait non dissimulé pour les allitérations  du genre : « Epaté par ses tétons, je me suis laisser tenter par la tétée, et tout tétard que j’étais… « . « Esquimaux qui se donnent des coups de langue en chantant pour se réchauffer: « Lapons, Lapons « . Je n’avais pas peur de la laper ».  Ou plus facile: Lait Xomil,  ou plus compliqué du genre:  Oedeme d’Oedipe…  Cela va parfois un peu vite et il vaut mieux suivre mais,  comme Cusset est aussi  simple que  brillant, et qu’il a compris que ses spectateurs adorent être parfois emmenés  sur les chemins de la régression, cela fonctionne sans accrocs avec une connivence assez rare,   un peu comme dans les conférences de Michel Onfray à l’Université populaire de Caen, lui aussi autre philosophe seul en scène et généralement haï des autres philosophes, au motif qu’il ne serait pas philosophe! Allez comprendre…

Le solo est  sans doute encore un peu brut de décoffrage, et la mise en scène demanderait  à être sérieusement affinée. mais sinon, le dernier Cusset est un vrai régal de spectacle qui mériterait d’être joué dans de meilleures conditions.

Théâtre de Ménilmontant  jusqu’au 3 mars du jeudi au samedi à 19h 30 et le dimanche à 16 h 30.

 

http://www.dailymotion.com/video/xrxotb

Le mâle entendu

Le mâle entendu , idée originale et mise en forme par Nancy Huston.

 

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© Eric Garault

La devise de la pièce :  » On ne naît pas femme, on le devient ». La célèbre phrase  de Simone de Beauvoir,  est ici, pourrait-on dire  antinomique, puisque le thème du spectacle est comment devient-on un homme. Nancy Huston a recueilli les témoignages des trois musiciens du Trio Viret qui l’accompagnent.
Réflexion sur les femmes, la sexualité et les qualités typiquement masculines à partir de leur enfance jusqu’au présent.
Le  thème n’est pas neuf!  Chaque année,  paraît un livre,  ou est créée une pièce révélant (enfin !) tous les secrets féminins ou (et) masculins. Pourtant, la nature de l’homme est telle qu’il aspire à concevoir ou, du moins à imaginer, ce que nous ne serons jamais!
La lecture du texte  par Nancy Huston qui joue ici un homme, se conjugue avec les improvisations du trio de jazz à la virtuosité remarquable (Jean-Philippe Viret à la contre-basse, Edouard Ferlet au piano et Fabrice Moreau à la batterie).
La récitante, en costume/cravate,  est l’homme : avec un chapeau   d’homme sans qu’on voit ses cheveux. Et son attitude comme  ses mouvements sont un peu macho…
Nancy Huston jette,  de temps en temps, un  regard sur le texte posé sur un pupitre  mais  ne  prétend pas mener son discours à la première personne. La mise en scène en renforce la nature conventionnelle, puisque  le héros principal, un homme, est interprété ici par une femme.
Le trio de  jazz suit la narration, en accentuant les moments marquants de la lecture par le rythme et par la mélodie. Par deux fois,  les musiciens laissent  leurs instruments et viennent tour à tour à l’avant-scène pour lire quelques phrases  et Nancy Huston, elle,  joue quelques  improvisations au piano.
« Les hommes ne peuvent pas pleurer même s’ils  en ont souvent envie. Peut-être,  faut-il créer une profession de pleureur… Ces hommes auraient été « des saules pleureurs « ;  » J’adore regarder les filles dans les rues. Je le fais sans me rendre compte. Il me semble parfois que ce n’est pas moi qui les regarde, mais mon œil qui fonctionne séparément de moi ».   « La nature de l’homme consiste en ce qu’il doit être le prédateur. Parfois si je veux séduire une femme, ce n’est pas elle que je veux, mais j’y suis presque obligé, car je suis le prédateur. Je me dis : « Vas-y, tu dois le faire « : les thèmes  développés dans  Le Mâle entendu ont beaucoup en commun, et depuis longtemps, avec de textes littéraires sur la sexualité de l’homme  mais, ici,  sa mise en forme scénique est intéressante:  il s’agit d’une expérience aux confins de la musique, de la lecture et d’une interprétation « à l’envers » .
Nancy Huston  rappelle ainsi,  non sans une certaine ironie, tout ce qui a créé et continue à créer  des malentendus entre l’homme et la femme.

Anastasia Patts

Spectacle créé au Café de la Danse.  Et le  8 février  au Nevers Festival Tandem.

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Théâtre sans animaux

Théâtre sans animaux, texte et mise en scène de Jean-Michel Ribes.

Jean-Michel Ribes reprend un spectacle qu’il avait créé en 2001 au Théâtre Tristan Bernard. C’est un ensemble de huit scènes où l’auteur/metteur en scène et directeur du Théâtre du Rond-Point, place  quelques personnages dans des situations aussi absurdes que loufoques. Dans le sillon d’un Ionesco, avec parfois une petite teinture de Beckett.
C’est  habile,  parfois un peu drôle quand, par exemple, dans Egalité-Fraternité, l’un de  deux frères   qui a un sérieux handicap mental s’aperçoit que finalement il est plus intelligent que son aîné.
Ribes sait jouer du langage, qui, aux meilleurs moments de ces courtes scènes, se révèle être un merveilleux détonateur;  » J’aime, dit-il, les étincelles des courants d’air, les immeubles qui tombent, les gens qui glissent ou qui s’envolent, bref les sursauts. Ces petits moments délicieux qui nous disent que le monde n’est pas définitivement prévu et qu’il existe encore quelques endroits où la réalité ne nous a pas  refermé les portes sur la tête. Et d’ajouter que ces courtes fables, portraits, gribouillis  sont une contribution   à l’art du sursaut et un hommage à toux ceux qui luttent contre l’enfermement de la mesure ». Jean-Michle Ribes sait où il va quand il construit un dialogue, même si ce n’est pas toujours dans la finesse absolue…

 Le dénominateur commun à tous ces personnages, bourgeois sans beaucoup d’envergure et pas tellement gâtés par la vie, ne sont pas du bois dont on fait les flûtes et ont un mal fou à se situer dans le temps et l’espace. Comme s’il y avait toujours un décalage entre leur position sociale et l’attitude qu’il leur faudrait adopter, ou la juste réponse qu’il leur faudrait donner. « Ainsi dans Tragédie, une brave femme- à l’accent méridional- doit aller féliciter sa sœur, qui, engagée récemment à la Comédie-Française  vient de jouer Phèdre, le rôle dont elle rêvait. C’est la première et elle vient juste de sortir de scène. Mais le mari, qui trouve sa belle-sœur encore plus mauvaise que d’habitude, refuse catégoriquement  de la féliciter. La brave dame le supplie en vain:  » Justement, comme ça tu n’es pas obligé de lui dire que tu n’as pas aimé, tu lui dis juste “bravo”, un petit bravo et c’est fini, on n’en parle plus, tu es débarrassé et moi j’enchaîne… »Les sketches, bien ficelés sont  souvent  trop longs, et parfois à la limite du boulevard  et  fonctionne surtout grâce à l’énergie de Caroline Assouas, Annie Gregorio, Philippe Magnan, Christian Perreira et Marcel Philippot.  
Dans Monique, un père et sa fille en viennent à se poser plein de questions sur leur véritable identité, sans cesse remise en question. C’est à la fois, intelligent,  loufoque et d’un humour des plus grinçants où les dérapages verbaux sont constants, et où le non-sens et le quotidien n’en finissent pas de se court-circuiter. Il y a aussi dans  Dimanche, l’arrivée d’un stylo-bille de quelque trois mètres dans une maison et cet ovni va bouleverser le quotidien d’un couple et de leur fille…
Mais-et c’est bien dommage- tout n’est pas et de loin du même tonneau! D’autant plus que Jean-Michel Ribes aurait eu intérêt à confier la mise en scène à quelqu’un d’autre, ce qui nous aurait sans doute épargné de voir des  décors de maisons montés sur roulettes que l’on déplace sans arrêt et sans véritable motif, deux petites chorégraphies au début et à la fin assez tristounettes et un manque de rythme évident. Et le spectacle s’étire sur une heure quarante, ce  qui ne se justifie vraiment pas.
 Le dialogue et les gags se perdent  un peu sur cette grande scène mal adaptée à cette suite de sketches qui auraient besoin de plus d’intimité et d’une scénographie moins imposante qui écrase un peu le jeu des comédiens. Le public, le soir de la première, semblait partagé: les uns riaient assez facilement, les autres-dont nous étions- trouvaient le temps long!
Alors à voir? C’est selon. Si vous êtes un inconditionnel de Jean-Michel Ribes, dont quelques-unes de ces séquences ont  une belle écriture, pourquoi pas?  Mais c’est l’ensemble de ce Théâtre sans animaux qui  n’est pas vraiment convaincant…

Philippe du Vignal

Théâtre du Rond-Point jusqu’au 23 mars. Théâtre National de Nice du 27 au 30 mars.  Théâtre des 13 Vents, Montpellier  du 2 au 6 avril. Théâtre d’Angoulême  du 9 au 12 avril . Théâtre des Cordeliers, Romans-sur-Isère le 14 avril  et Odyssud, Blagnac du 17 au 20 avril.  Le Prisme, Elancourt le 27 avril.

La pièce est  publiée aux éditions Actes Sud.     

http://www.dailymotion.com/video/xwz3ix

Le Réseau Education Populaire, (REP), séminaire

Le Réseau Education Populaire, (REP), séminaire logo-ep

Le Réseau Éducation Populaire, (REP), séminaire

C’est une plate-forme d’échanges et de réflexion, qui vise à une transformation sociale et politique, par le biais d’interventions culturelles. Constituée sur une base critique, elle contribue à ce que chaque citoyen devienne acteur et auteur de sa propre vie.
Le REP fédère des associations très diverses, qui œuvrent dans le domaine des arts, de la culture, et de la jeunesse : compagnies théâtrales, maisons des jeunes et de la culture, universités populaires, ateliers d’écriture, revue cinématographique, structures d’insertion, café économique.
Tous s’interrogent sur le fonctionnement démocratique, la  prise de conscience,  la justice sociale, l’égalité des chances et confrontent points de vue et expériences, au cours de journées de réflexion, de stages, de séminaires et par des actions de formation.
Le Réseau s’est réuni le 12 janvier, avec pour objectif une meilleure connaissance réciproque de ses membres et la mise en synergie des actions menées, en vue de renforcer les collaborations.
Après l’assemblée  plénière du matin, la première des trois commissions a travaillé  sur la production numérique qui  couvre tous les domaines du champ de l’éducation. Le questionnement a porté sur les formats, longs ou courts et les supports comme le micro-trottoir favorisant le débat, et sur la recherche de nouveaux supports; sur les financements extérieurs possibles des productions et la question de l’esthétique dans un esprit, non seulement du voir, mais du faire avec. Et enfin, sur la formation des jeunes avec, pour axe prioritaire, le décryptage et la lecture des images. La discussion s’est orientée sur les compétences et moyens déjà existant et la possibilité de les mutualiser, sur l’importance de veiller à la qualité de la forme, sur le choix des thèmes (comme la santé ou comme l’expérience de O de conduite, revue cinématographique dédiée à l’enfance et à la jeunesse, qui s’est développée sur une vingtaine d’années).

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La seconde commission a posé la question de la formation : les professionnels de l’éducation populaire étaient auparavant issus d’un parcours militant et quasi initiatique, et bénéficiaient du soutien du ministère de la Jeunesse et des Sports. Depuis la fin des années 80,  l’Université a pris le relais, mais a technicisé les cursus, en leur retirant leur aspect réflexif et militant. Les professionnels de l’éducation populaire ne se retrouvent pas dans ces parcours, leur formation reste inadaptée et ils deviennent, au mieux, des animateurs socio-culturels, au pire et de plus en plus, des agents de marketing du social ou de la culture. Il y a donc un véritable enjeu de formation, en repartant des diplômes et structures existant dans le domaine, et la nécessité exprimée de la création d’un Institut national de l’éducation populaire.
La troisième commission s’est interrogée sur les instruments de communication du REP, au service des partenaires, ou comment fédérer un réseau de militants de l’éducation populaire, comment créer des outils spécifiques, valoriser la revue de presse en fonction des événements et rechercher un équilibre pour définir une fonction propre ; comment
mieux rendre compte de l’activité des partenaires, mettre en valeur la diversité des formes d’éducation populaire, privilégier les acteurs par rapport aux contenus et aux processus, et par rapport aux productions (il ne s’agit pas, en effet, d’un site d’ enseignement par internet), en vue, à terme, de déboucher sur une plateforme multi-média. La réponse, du moins partielle à ce jour, serait de créer une lettre d’information électronique, de favoriser les regroupements régionaux, via des correspondants locaux, et d’instaurer, sur une périodicité repérée, des rendez-vous permettant l’interaction et la démonstration de certains outils.

Brigitte Rémer

 

Prochain séminaire, le samedi 2 mars, au siège de la Solidarité mutualiste, 108 bis, avenue de Flandre. 75019. (www.reseaueducationpopulaire.info)

Partage de Midi

 Partage de Midi de Paul Claudel, mise en scène de Philippe Adrien.

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©Antonia Bozzi

Paul Claudel, vice-consul à New York est promu consul en Chine en 1898, veut devenir moine bénédictin sans que cela lui soit accordé.
Il repart donc  pour la Chine en 1900 et il rencontre sur le  paquebot, une femme mariée dont il tombe amoureux fou. Amour réciproque; ils auront ensemble un enfant mais l’aventure amoureuse tourne vite au scandale. Claudel est en effet suspecté d’avoir couvert les combines commerciales du mari de son amoureuse qu’il fera repartir pour la France; sur le bateau, elle rencontrera un autre homme. Elle  quittera son mari et  Claudel qui, quelques années plus tard, se mariera avec Reine Saint-Perrin.
Fin de l’histoire réelle et début de l’histoire écrite par Claudel…
 Cette rencontre  est en effet le point de départ de ce Partage de Midi qui se situe d’abord, au milieu de l’Océan indien, entre l’Arabie et Ceylan. Mésa est un jeune commissaire des douanes- »sombre et las »- qui rejoint son poste et  qui va vite être fasciné par la très belle Ysé, accompagné de son mari De Ciz et de leurs enfants. Il y a là aussi Amalric, une sorte d’aventurier,  ancien amant d’Ysé et qui espère bien la reconquérir. De Ciz, est un homme d’affaires qui rêve d’un emploi lucratif.
 Sur ce pont de bateau écrasé de soleil, c’est un curieux trio d’hommes autour d’une  femme coquette et séduisante: soit l’ancien amant, le mari et l’amoureux transi. Cela pourrait être à la limite le commencement d’une pièce de boulevard mais on est dans du pur Claudel:   » Nous voilà engagés ensemble dans la partie comme quatre aiguilles, et qui sait la laine/ Que le destin nous réserve à tricoter ensemble tous les quatre ».
Le second acte a lieu dans un cimetière d’Hong-Kong où Mésa a donné rendez-vous à Ysé et à  de Ciz son mari. De Ciz, sans trop de scrupules,  confirme à Ysé son intention de partir s’occuper d’un juteux commerce pas très net si on comprend bien. Elle  lui dit qu’elle accepte mal la situation. Ce qui ouvre une autoroute à Mésa qui va prendre Ysé dans ses bras sans qu’elle résiste. Dès lors, leur destin est tracé. Le jeune et inexpérimenté Mésa, apprendra vite les règles du jeu amoureux, et, sans trop de scrupules  lui aussi fera tout pour que De Ciz accepte un emploi rémunérateur mais dangereux, ce qui l’éloignera ainsi d’Ysé. Mésa pourra ainsi vivre sa passion avec elle sans ennuis…
Dernier acte et dernier épisode de cette saga amoureuse. Cela  se passe dans une maison près d’un port en Chine. La belle Ysé, ne vit plus avec Mésa, dont elle a pourtant  eu un enfant, ni avec les  enfants qu’elle a eus avec De Ciz mais avec Amalric. La  situation politique en Chine est des plus instables. Claudel s’est inspiré  de la révolte des Boxers qui, en 98,  voulaient renverser la dynastie Quing et massacrer les étrangers, en particulier les missionnaires, et leurs compatriotes convertis au catholicisme. Ysé et Amalric vivent, avec le juste nécessaire, dans une maison où  il a disposé un peu partout des bâtons de dynamite qu’il fera exploser le moment venu pour qu’ils ne soient pas pris vivants par les Chinois. Bien conscients qu’il n’y aucune issue possible, ils semblent résignés…
Arrive Mésa; il  se bat aussitôt avec Amalric qui a vite le dessus et qui tire sur lui. Mésa est  blessé mais  ne meurt pas. Grâce à un passe-une planchette couverte de caractères chinois qu’Amalric prend sur le corps de Mésa-il peut  espérer avoir la vie sauve avec Ysé mais sans l’enfant qui  vient de mourir… Et  ils quittent la maison  tous les deux.
Mais Ysé, qui s’est échappée, revient dans la maison et retrouve Mésa pour mourir avec lui. Enfin réunis, ils vont accepter leur destin « dans le vent de Mort », et unis dans le « partage de minuit ».

Comme on peut l’imaginer, la pièce n’est pas des plus faciles à monter et Philippe Adrien, qui a toujours eu une vieille complicité avec Claudel, reconnaît que dans  » cette pièce culte où le génie dramatique du poète touche au tragique, il faut cependant faire exister la fiction ».
Le Partage de Midi a une dimension lyrique et une écriture indéniables mais , en même temps,  un côté comédie avec, à la fin, un rebondissement imprévu,  et dont il faut cependant assurer au mieux la transcription scénique.

 Le premier acte  a bien du mal à fonctionner!  Il  faut se pincer pour croire à l’histoire de cette femme « guerrière et conquérante »-mais aussi belle et  séduisante-et de ces trois hommes qui se retrouvent sur un paquebot, embarqués dans une aventure dont aucun ne mesure encore le poids qu’elle aura sur leurs vies respectives. Désolé, mais Mila Savic n’est pas crédible une seconde; elle essaye d’imposer un personnage en  gesticulant sans cesse et en adoptant  une diction appliquée. Et cela ne marche évidemment pas. A tel point que l’on se demande comment ces trois hommes peuvent être fascinés par cette caricature d’Ysé, avec son chignon qui lui durcit le visage.
Mésa, (Mickaël Pinelli) est plus juste dans sa fragilité et son orgueil, même engoncé dans un habit de clergyman noir, impossible à porter dans le feu solaire en plein Océan indien, tel qu’en parle Claudel. Ludovic Le Lez (Amalric) et Matthieu Marie(De Ciz) s’imposent tout de suite mais il n’y a guère d’unité de jeu entre les quatre comédiens. Côté direction d’acteurs et scénographie, on ne voudrait pas jouer au vieux con mais Barrault puis Vitez s’en étaient mieux sortis…Et pour faire plus vrai sans doute, on entend même, par moments, un clapotis de vagues et il y a un toile triangulaire pare-soleil qui se soulève régulièrement! Tous aux abris…
Au second acte, dans ce « cimetière plein d’arbres touffus dans un lourd ciel orageux »,  cela va mieux et Mila Savic, les cheveux dénoués, quand elle retrouve Mésa, joue alors plus simplement et arrive  à mieux imposer son personnage.Le troisième et dernier acte, malgré le côté mélo de l’aventure,  arrive à passer. Et l’on entend très bien le texte; mais, sauf à de rares moments, il n’y a pas beaucoup d’émotion palpable. On peut oublier, comme celles de Protée, les projections vidéo en toile de fond, dont Adrien a l’air de raffoler comme s’il découvrait un nouveau joujou.
Ce que l’on aurait aimé trouver dans cette mise en scène, un peu sage et disons honnête sans aucun côté péjoratif, c’est un peu plus de la folie qui va s’emparer des personnages et les porter à un point d’incandescence  et un peu plus de souffle lyrique aussi  qui fait souvent cruellement  défaut…

Philippe du Vignal

 

au Théâtre de la Tempête du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 17h30. Certains jours, Protée et  Partage de midi peuvent être vus dans la même soirée.

> les samedis 19, 26 janvier ; 9, 16, 23 février 2013 : Protée à 18h (durée 1h15)
> les dimanches 20, 27 janvier ; 10, 17, 24 février 2013 : Protée à 15h30
> les mardis 22 et 29 janvier : Protée à 18h

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