Kurze Stürze
Kurze Stürze par la Neuer Tanz Compagnie, chorégraphie de Va Wölfl.
Le public doit être prévenu: une fois franchies les portes du théâtre de la Ville au seuil décoré de tapis rouge, il ne va pas assister à une chorégraphie mais plutôt à un happening qui débute par le passage répété des artistes sur ce même tapis rouge. Puis il découvre une scène avec trois hauts murs de toile blanche, et, posées sur le sol, une soixantaine de carabines qui tournent comme des horloges. Un lanceur automatique et sonorisé de balles de tennis jaune fluo, les envoie de manière aléatoire sur le mur côté cour ou sur des guitares électriques posées contre ce mur.
Les interprètes, six hommes et trois femmes, dirigés en permanence par le metteur en scène grâce à une oreillette, ont d’incroyables costumes à paillettes multicolores. Sans doute la plus belle idée de cette création mondiale, ces costumes ont une vie propre: ils captent la lumière, quelle que soit son intensité, apportant une belle dimension aux tableaux qui se succèdent dont chacun, décidé de manière fortuite quant au rythme et au contenu, par Va Wölfl, met à l’épreuve la patience des spectateurs. Dans un tableau de trente minutes, les artistes deviennent ainsi des mannequins à mobilité très réduite, tournant lentement sur eux-même dans la pénombre!
Le metteur en scène fait alterner des musiques classiques à peine audibles, chantées par les danseuses, avec des morceaux de rock joués beaucoup trop fort sur des guitares électriques. Quinze minutes après le début du spectacle qui ressemble jusque là davantage à un happening comme on peut en voir dans une galerie d’art ou dans un musée avec la liberté de circulation qui s’y attache, le noir se fait enfin dans la salle… Mais deux heures plus tard, il ne reste qu’un tiers des spectateurs qui sortent dans une belle et joyeuse indifférence. Certains reviennent quand même, apparemment sans le regretter… Mystère de ce dispositif artistique ennuyeux mais non dénué d’une véritable esthétique.Vers la fin, beaucoup des ceux qui sont restés prennent des photos…
Penser le rapport scène/salle de façon différente aurait sans doute donné une autre dimension à cette création. Cet éloge de la lenteur, en contradiction avec l’agitation de notre époque, a été salué, aux deux tiers du spectacle, par un « tchuss » (« au revoir » en allemand), d’une spectatrice germanophone qui ne manquait pas d’ humour…
Jean Couturier
Théâtre de la Ville jusqu’au 11 janvier