Pourquoi je ne suis pas née en Finlande

Pourquoi je ne suis pas née en Finlande ? de Praline Gay-Para, mise en scène de Vincent Vernillat.

Pourquoi je ne suis pas née en Finlande praline-2 Seule en scène, Praline Gay-Para nous plonge  avec recul et parfois, avec humour, dans la guerre du Liban, pays qu’elle quitte en 75. La mort de Mariam en est le déclencheur. Cette seconde mère, partie dans son sommeil, réveille sa mémoire. Sous la pluie, elle porte la nouvelle à Wahid, neveu de la défunte. La trame du récit oscille entre l’absurdité de la guerre, par remémoration, l’arrivée en France, et le pays qu’elle s’invente, la Finlande, avec la question récurrente et qui taraude : pourquoi je ne suis pas née en Finlande ?
Là-bas, le Liban : est-ce la guerre qui rend fou, ou est-on fou d’abord ? Pourquoi a-t-elle commencé et comment est-elle partie ? Dix-neuf ans, la plage. Comment traverser la rue ? Comment rejoindre son amoureux, à l’autre bout de la ville ? Comment dormir, pistolet sous l’oreiller ?
Perte des repères,  peur, et tremblements. Occupation par Israël. La guerre transforme le combattant en assassin, sous les ordres du supérieur, goguenard. La première fois qu’on tue, on vomit, après, on s’habitue. Comme un rite d’initiation… Faut-il tuer pour être un homme ? « Celui qui est homme, dans ce pays, on dit qu’il est un âne »… dit la conteuse. Une ligne de démarcation on ne peut plus floue et que l’on peut franchir sans vraiment le savoir, passant du côté des déserteurs… Quitter le pays, par Damas ou par Chypre ? Ce pays, d’ordinaire sucré, feuilles de vigne farcies, gâteau aux dattes… a rendu fou.
Ici, la France: pluie, gris, mais où « je choisis qui j’aime et qui j’aime pas, et où je suis ma communauté ». Un rêve éveillé où Jésus, Mohamed et Moïse jouent au tric-trac, et trichent. Des nuits, pire que la guerre et ce fil permanent qui relie au pays, fil intérieur pour coudre ses déchirures, fil du téléphone, comme un cordon ombilical dans une cabine éventrée où les étrangers de Paris se suspendent, à l’écoute de leurs réalités : « Allo ! 19-961… pas de nouvelles… Allo ! 19-961… ils sont en vie! « . Et toujours le même rêve : « Pas les enfants »! Ne pas leur transmettre la guerre, « ils sont leur propre pays, leur propre langue, ils feront une autre histoire ».
L’ailleurs, la Finlande, comme une utopie… Il doit neiger, là-bas… Et le récit de cette mère qui tente de retrouver son fils, légende du pays, dans une lumière, vermeille comme le sang.
Un banc, trois néons verticaux et un jeu de miroirs, démultiplication de la réalité, pour cette seconde version du récit, scénographiée et éclairée par Samuel Mary.
L’histoire se superpose à celle de la conteuse, qui questionne le monde, et fait du théâtre-récit son territoire de travail. Praline Gay-Para  y excelle et donne de l’épaisseur et de la théâtralité au texte, qui, ici, dans sa conception, comme un éclat d’obus, se fragmente.

Brigitte Rémer

Confluences, 190 Bd de Charonne. 75020. Jusqu’au 19 janvier (sauf les 15 et 16).

 

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