L’émission

L’Emission de Sabine Revillet, mise en scène de Johanny Bert.

Avant de s’installer  au Théâtre Mouffetard à l’automne 2013, le Théâtre de la Marionnette à Paris a eu la bonne idée d’inviter Johanny Bert, nouveau directeur  du Centre Dramatique de Montluçon, à présenter L’Emission, un spectacle en appartement dont la première a eu lieu hier à Malakoff.
L’équipe  installe une nappe blanche  immaculée sur une grande table autour de laquelle on a installé vingt  spectateur, et un petit écran de  télévision qui surplombe ce plateau où  Valérie Vivier et Laetitia Le Mesle manipulent de minuscules figurines, des jouets d’enfants en plastique.
Un drame terrifiant va se jouer  aux antipodes du réalisme: un couple est en train de dîner: John est scotché devant la télévision et sa femme le harcèle avec des questions qui le laissent indifférent. Obsédée par ce qu’elle a acheté pour le repas, elle est terrifiée par les insectes qu’elle sent rôder dans l’appartement. Un couple d’amis-lui est devenu célèbre car il a perdu sa jambe pour remporter le prix du jeu de l’émission-s’ébat dans un salon.
Et, sur un écran de  télévision, on voit  les concurrents d’un jeu qui  sacrifient leur vie pour  conquérir la célébrité. On ne vous en dira pas plus: les deux dénouements sur le plateau comme sur l’écran  sont effroyables et  il vaut mieux éviter les commentaires sur les ravages de l’audiovisuel! Big Brother pourrait nous anéantir…
C’est bien réalisé par Johanny Bert et interprété avec une belle maîtrise par  les deux comédiennes. Après le spectacle, le public se réunit autour des bouteilles et des petits plats qu’il avait  apportés …

Edith Rappoport

A Malakoff, le 15 janvier.

http://www.theatredelamarionnetteaparis.com T:  01- 44-64-79-70

 

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Archive pour 17 janvier, 2013

La Vie est un Rêve

La Vie est un Rêve  vida

©Pierre Grosbois

La Vie est un Rêve de Pedro Calderón de la Barca, texte français de Denise Laroutis, mise en scène de Jacques Vincey.

Pedro Calderón de La Barca  (1600-1681)-dramaturge très chrétien et favori de la cour du roi Philippe IV qui fut ordonné prêtre à cinquante et un ans- est l’auteur de quelque deux cent  pièces, dont certaines bien connues en France comme  L’Alcade de Zalamea,  Le Prince constant,  Le Médecin de son Honneur, La Dévotion de la croix, Le Magicien prodigieux et La Vie est un rêve, plus connue sous son titre habituel: La Vie est un Songe  et 70 auto-sacramentales.
 La pièce mythique, sans doute inspirée d’un conte des Mille et une nuits, est l’une des plus célèbres du théâtre  européen, mais  aussi l’une  des plus difficiles aussi à monter. Avec un thème universel-Calderón est assez  proche de Shakespeare-l’illusion permanente où nous vivons. C’est sans doute l’un des mots les plus fréquents de la pièce, et l’incapacité fréquente des êtres humains  » à distinguer nettement  la veille d’avec le sommeil ». Ce que   constatait aussi René Descartes à la même époque. Incapacité aussi  à trier le vrai du faux dans leur vie quotidienne alors que  le monde change, que les repères basculent, et que la  jeunesse s’enfuit. « Les années nous viennent sans bruit »,  disait déjà Ovide.
On est dans une Pologne imaginaire. Et dans une histoire de pouvoir royal qui tourne mal. Alfred Jarry connaissait-il la pièce quand il écrivit Ubu-Roi? Le roi Basile a vu dans le ciel des signes funestes,  à la naissance de son  fils Sigismond, et pour qu’il ne devienne un jour un tyran, il va le faire enfermer, seul, enchaîné dans une tour perdue dans les montagnes. Enchaîné, couvert de poussière et violent, il ressemble alors autant à une bête qu’à un homme Quand la pièce commence, Rosaura, une jeune fille séduite et abandonnée, est  arrivée en Pologne, déguisée en homme, pour se venger de son séducteur.
Sigismond que son père fait droguer et  met tout d’un coup sur le trône royal comme pour le tester, en lui faisant croire qu’il s’agit d’un rêve. En effet, Basile, comme pour mieux conforter cette sensation de rêve, le fera ensuite ramener dans la tour. Et l’on viendra ensuite  lui proposer de prendre le pouvoir, mais il a déjà pris assez de distance vis-à-vis de ses perceptions pour se méfier, et en effet le traitement que l’on lui fait subir, a de quoi rendre fou. Et le roi va être rattrapé par son destin, ce qui est aussi un thème de la pièce. Pour compliquer encore un peu les choses-la pièce a plusieurs intrigues secondaires-Sigismond va découvrir l’amour avec Rosaura qui a réussi à pénétrer dans le palais royal où vit celui qui l’a déshonorée.

Le rêve, comme le disent bien Jacques Vincey et son dramaturge Vanasay Khamphomala, est comme chez Shakespeare, autorise les déferlements les plus violents et les plus bestiaux… et le surgissement de visions terrifiantes dont tout l’enjeu sera de savoir de quelle manière et à quel prix les personnages, et avec eux, les spectateurs parviendront à se libérer. D’ailleurs, écrit Calderón, « l’expérience prouve que l’homme dans sa vie rêve ce qu’il est jusqu’à son réveil. Le roi se rêve roi et vit dans cette erreur en ordonnant, en disposant, en gouvernant. Et cette gloire qu’il reçoit en prêt, il l’écrit sur du vent, et la mort le réduit en cendres : Malheur terrible ! Dire que des hommes font tout pour régner, voyant qu’ils se réveilleront dans le rêve de la mort ! Le Riche rêve sa richesse, qui l’étouffe sous les ennuis. Le pauvre rêve qu’il subit sa pauvreté et sa misère. On se met à prospérer ? Rêve! On s’efforce, on s’agite ? Rêve ! On blesse, on fait du mal ? Rêve !Dans le monde, en conclusion, tous, nous rêvons ce que nous sommes et aucun ne s’en rend compte. »
La langue de Calderón,  foisonnante et haute en couleurs, bien traduite ici par Denise Laroutis, est l’une des plus magnifiques qu’on ait jamais écrites pour le théâtre, et plus de trois siècles après, continue à nous enchanter.
 La mise en scène de Jacques Vincey est tout à fait remarquable dans sa rigueur et sa précision- d’aucuns disaient hier soir une certaine sécheresse-et on a rarement entendu le texte de Calderón sonner aussi bien,  même si on peut avoir quelques réserves.
Vincey a intelligemment imaginé une seule pièce où toute l’action se passe, ce qui évite des changements de décors approximatifs. Mais Matthieu Lorry-Dupuy lui a construit un décor dont les portes s’abattent en avant, dans la poussière et le bruit pour laisser entre les personnages. Chic et choc, mais pas très malin, puisqu’ensuite les dites portes, une fois par terre, gênent la marche des acteurs, dont l’unité de jeu, par ailleurs, n’est pas toujours évidente. Avec, d’un côté, trois vieux routiers du théâtre qui connaissent bien leur métier: Philippe Duclos impeccable (Clotalde), Morier-Genoud (le Roi) tout aussi impeccable mais qui en fait parfois un peu beaucoup,  et Vieux, tout à fait étonnant dans le  rôle du fou Clairon, et une  bande de jeunes comédiens énergiques et pleins de vie: Antoine Kahan (Sigismond), Florent Dorin (Astolphe) qui se tirent bien de rôles pas faciles et Noémie Dujardin (Etoile) et Estelle Meyer, disons plus… inégales. A leur décharge, il faut dire que l’on se demande comment elle peuvent respirer, enfermées dans des bustiers très laids. Les autres costumes-un mélange bizarre d’armures et de vestes d’aujourd’hui imaginés par Olga Karpinsky- ne sont pas non plus des  plus réussis.

 Malgré ces réserves, le travail de Vincey est brillant et savoureux. Même si le début est un peu lent et si le spectacle-sans entracte en deux heures et demi-a quelques creux, on écoute fasciné par la fable de Calderón sur les valeurs  trompeuses auxquelles obéit  toute vie humaine.
Tiens, justement, une idée de bonne soirée pour Carla et Nicolas: Malakoff, en  voiture ex-présidentielle, n’est qu’à un quart d’heure de la Muette…

Philippe du Vignal

 Théâtre 71 de Malakoff puis à Nantes du 5 au 13 février; à l’Hexagone de Meylan,l e 21 février; au Perreux-sur-marne, les 28 février et 1er mars; à Draguignan le 5 mars et à Mulhouse les 21 et 22 mars.

Marilyn était chauve

Marylin était chauve, cabaret de crise par la compagnie Octavio.


Jean-Mathieu Fourt, Sophie Cusset et Gilles Ostrowsky, ces trois acteurs-clowns de grand talent nous ont régalés depuis 99 de spectacles singuliers. Ils ont accompagné Pierre Guillois au Théâtre du Rond-Point et au Festival Chalon dans la rue dans Les Caissières sont moches. Ils ont aussi conçu avec lui et  d’autres artistes Hop-Là Fascinus, joué  au Théâtre du Peuple de Bussang et à la Grande Halle de la Villette.

Ici, pour ce « cabaret de crise », les trois complices ont déployé une série de numéros  où ils osent aller jusqu’au bout du ridicule  avec  un pot-pourri de leurs numéros. Emmenée par Jean-Mathieu Fourt devant un rideau en lamé, une superbe Marilyn en robe de strass qui déploie toute sa séduction, et embauche dans le public un régisseur qu’il appelle Christian,  » puisque tous les régisseurs s’appellent Christian »…
Gilles Ostrowsky apparaît en ours énorme sur  un plateau  inondé de confettis, ses complices se servent de  tous leurs anciens  accessoires, osent présenter des numéros de tarte à la crème et de vieux  sketches de clowns, jusqu’à un étonnant numéro dans une baignoire.
« Les clowns, des fois, c’est drôle, parce que c’est pas drôle ! « 

 

Edith Rappoport


Théâtre de Belleville, 94 rue du Faubourg du Temple 75011 à 21 h, jusqu’au 18 février, uniquement les dimanches et lundis soir. T: 01-48-06-72-34 

 

Tristesse animal noir

Tristesse animal noir d’Anja Hilling, traduction de Silvia Berutti-Ronelt, mise en scène de Stanislas Nordey

 

Tristesse animal noir tristesseAnja Hilling, est à trente sept ans l’une des auteurs les plus appréciés d’Allemagne. Avec Mon jeune cœur si jeune si fou, Sens, Anges ou encore Bulbus, elle s’est vite distinguée par l’originalité de sa dramaturgie.
Et cette pièce ne déroge pas à sa manière singulière:
un récit où alternent didascalies et dialogues de six quadras urbains qui  débarquent un soir d’été caniculaire dans une forêt, pour s’offrir un barbecue.
L’écriture, comme une caméra embarquée, capte, par le menu, la forêt desséchée par la chaleur, ses bruissements, couleurs et odeurs, le contenu du minibus et le déballage du pique-nique. Ou les conversations révélant les liens amicaux  ou familiaux entre les protagonistes, leurs impressions intimes, leurs échanges acidulés comme leurs désirs exacerbés par l’alcool  et leur émerveillement devant la nature.
Ils  citent la célèbre maison sur la cascade de Franck Lloyd Wright ou Walden de Thoreau… Ils s’endorment à la belle étoile, bercés par Always on my mind d’Elvis Presley que fredonne le chanteur de la bande.
Mais, au deuxième acte, cette comédie de mœurs vire à la tragédie. Le feu couve tel « un animal silencieux « …  « Au début, on le savoure », puis: « On se sent comme un œuf dans un tourbillon de phosphore ». Cris, peur, panique, chaleur, sueur, douleur et soif…  C’est le sauve qui peut. Dans une épopée hallucinée que l’écriture déroule au plus près des sensations, fouillant les corps comme le font les flammes. Les comédiens s’en emparent et transportent le spectateur dans le  « giron du feu » . Une pluie de suie noire et argentée  envahit bientôt le plateau.
Au troisième round, on compte les victimes, on enterre les morts (bêtes et humains) on soigne les plaies qui ne se refermeront pas. Les vies partent en lambeaux, comme la peau des brûlés… Le désespoir de l’homme est insondable face à la nature qui « est bien plus simple » et qui prend ici sa revanche.

Nous aurions aimé que la forêt, soit plus présente telle que la décrit l’auteure avec minutie: un univers bruissant de mille-pattes, scarabées, écureuils, martres, chevreuils… La grande et belle photo en fond de scène et les mille petites ampoules qui flamboient sur le plateau n’y suffisent pas. Pas plus que le tableau en relief du grand animal qui tombe des cintres.
La mise en scène de Stanislas Nordey  est mécanique et raide. Il révèle le talent incontestable d’Anja Hilling et fait entendre son écriture si précise, si profonde, mais sa réalisation linéaire peine à trouver son espace et son rythme. Les acteurs, notamment Valérie Dréville, Thomas Gonzalez, Vincent Dissez, et Laurent Sauvage  sauvent  le spectacle de la platitude: ils habitent le texte et portent parfois les émotions à leur incandescence.
Reste un texte à lire comme un roman.

Mireille Davidovici

Théâtre de la Colline, 18 rue Malte-Brun, Paris ( XX ème) jusqu’au 2 février. T: 01 44 62 52 52.

Espace Malraux Chambéry : T. : 04 79 85 55 43.

Le texte est publié aux Editions Théâtrales et en version bilingue aux Nouvelles Scènes, Théâtre de la Digue.

 

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