Les Tribulations d’une étrangère d’origine
Les Tribulations d’une étrangère d’origine, mise en scène de François Berreur.
Etre né quelque part, puis plus tard, être ou ne pas être, selon la formule shakespearienne… Elizabeth Mazev « est » et s’est, on n’en doute pas, construite. Avec Les Tribulations d’une étrangère d’origine-version scénique de Mémoire pleine-un récit personnel que met en scène François Berreur, la comédienne se souvient de ses trois ans et demi dans une petite ville du Sud de la France.
Ses parents et son grand frère, son aîné de douze ans, parlent le bulgare entre eux, comme la voisine compatriote du rez-de-chaussée, à la différence de son amant yougoslave dont la langue initiale « varie » quelque peu.
Tous les étés, les vacances s’organisent autour d’une virée en auto dans le pays qu’on a laissé derrière soi, à la recherche des origines de la famille morcelée d’exilés politiques bulgares.
Au retour de ces embardées affectives mais aussi politico-culturelles, la petite Élizabeth, tonique et effervescente, qui comprend la langue parentale mais qui se refuse à la parler , trouve sa vraie place à l’école républicaine française où, dès le CE2, elle rencontre, pour ne plus le quitter… Olivier Py, homme de théâtre à venir.
Le jeune homme suivra Élizabeth plus tard, dans ce pays mythique qui fraie avec l’identité même de sa compagne. Mais, entre-temps, le mur de Berlin est tombé pour laisser place à un capitalisme sauvage ahuri que beaucoup d’autochtones s’emploient à fuir tandis que les affranchis d’hier s’évertuent à retrouver l’authenticité perdue d’un pays qui n’existe plus, si ce n’est, sur la carte géographique.
En fait, le pays en question appartient à un imaginaire collectif dont il serait difficile de dénouer clairement les liens. Élizabeth, à la recherche de soi, n’a peur de rien : enfant, elle visite sa mère-patrie et apprend à l’aimer jusqu’au moment où elle découvre les failles, du » satellite le plus fidèle de l’Union soviétique « . Elle n’en continue pas moins à le chérir jusqu’au jour où tout s’écroule, quand ses dirigeants laissent la place à l’arrogance et au terrorisme des nouveaux riches du libéralisme économique.
Élizabeth reste elle-même, frondeuse dans sa recherche de projets artistiques comme dans sa vie de jeune fille, mais reste discrète. Et c’est bien la pudeur qui la distingue de tous ces récents faiseurs d’autobiographie complaisante.
L’actrice se raconte devant nous, tour à tour dubitative ou sereine, incertaine et fragile , ou encore autoritaire et péremptoire. Léger accent chantant du Sud comme cadeau de bienvenue, cette femme de notre temps vit sur la scène comme elle évolue dans la vie, sans nul écart entre l’être et sa vérité, le discours et la pratique, en glissant pourtant vertigineusement du rêve à la réalité. Un travail de figure sereine et souveraine, sans éclat, mais avec force et conviction.
Nous sommes tous des étrangers d’origine qui travaillons à trouver l’identité qui nous sied.
Véronique Hotte
Théâtre Ouvert, cité Véron , jusqu’au 23 février. prolongées jusqu’au 2 mars T : 01-42-55-55-50
Merci chère Véronique pour ce bel article. Nous avions été l’un des premiers théâtre à accueillir au Théâtre 71 de Malakoff, Elisabeth Mazev en 1985 avec Mon père qui fonctionnait par périodes culinaires, qu’elle interprétait sous la direction d’Olivier Py, alors inconnu. Je vais y aller.