Hommage à l’archange Gabriel Garran
Hommage à l’archange G.G.
Ce samedi 9 février, Lucien Attoun avait organisé à Théâtre Ouvert un hommage à Gabriel Garran. Salle pleine. La foule des anonymes et des amis: Armand Gatti, ébouriffé dans son blouson de cuir noir, flanqué de Jean-Jacques Hocquart, Jacques Ralite, Catherine Tasca, Roland Monod, Monique Leroux, Jean-Pierre Thibaudat…
Gabriel Garran, écharpe bleu clair, lit son autobiographie. L’enfance d’un fils d’immigrés juifs polonais à Belleville, le drapeau hitlérien sur l’Hôtel de ville, la disparition du père à Auchswitz, la fuite dans la Drôme.
Après de nombreux métiers, la rencontre avec le théâtre: c’est Les frères Karamazov, mise en scène d’André Barsacq au Théâtre de l’Atelier. Et Adamov, qui l’aborde au café L’Old Navy, boulevard Saint-Germain: “Vous êtes toujours au dernier rang et jamais vous ne parlez… Lisez-ça”. Il lui tend Vassa Gelesznova de Gorki, qu’il met en scène au Théâtre du Tertre. Adamov, le compagnonnage d’une vie, de Off Limits aux Retrouvailles que Garran monta au Théâtre de la Tempête en 2011. Quelques jours après la rencontre avec Adamov, c’est celle de Jack Ralite, grâce à Vladimir Pozner.
Le maire-adjoint d’Aubervilliers n’a rien à offrir à Garran, mais… au moment de la poignée de main finale:”Au fait,lui dit-il, il y a un petit groupe de moniteurs qui voudraient faire du théâtre, vous voulez les voir ?”. Ils étaient sept, ils seront bientôt 80. Avec eux tout commence, avec eux c’est l’aventure puis la réussite du théâtre de la Commune que dirigea longtemps Garran.
Jack Ralite fait l’éloge du “ fondateur”, quand Garran parle des jeunes: “ C’est parce que nous les avons écoutés que nous avons réussi, rien de grand ne peut être fait si l’on n’écoute pas les jeunes ; ce qu’ils ont à dire ils le disent avec des actes, c’est l’intelligence en actes. ”
Après Aubervilliers, Garran fonda le théâtre international de langue française (TILF). Le comédien congolais Pascal N’zonzi, qui a partagé l’aventure, témoigne de sa passion pour le continent africain, la Caraïbe, Césaire… Lucien Attoun voulait aussi honorer Garran le poète. Pascal N’zonzi, Bruno Subrini, Anne Alvaro, Pierre Vial, Philippe Adrien disent des poèmes extraits de trois recueils, L’ange divulgué , Froissé Emotif , Séisme , maintenant rassemblés dans Esquisse pour une préhistoire (Archimbaud Editeur).Pierre Vial, de sa voix rugueuse, fait remarquer que la poésie de Garran possède une grande diversité d’expression: désespoir, colère, autodérision…
Enfin, apparaît au fond de la scène la photo d’un jeune homme devant un tableau noir. On lui a dessiné à la craie deux ailes dans le dos, sur la tête une auréole et les mots: Archange Gabriel. On reconnait Gabriel Garran jeune.
Entre sur le plateau un jeune homme, brun, timide, mais décidé. Nathan Zanagar, autre double de Garran qui chante sur le poème Ma géographie française … mon territoire en pointillé / mes exils de terre glaise / les voici en brindilles / garçon courbé des campaniles /mi-roitelet mi-ectoplasme ». Hommage de la jeunesse à “ Gaby” en majesté.
René Gaudy
Comme Gabriel Garran à Aubervilliers, Raymond Gerbal faisait partie des cinq pionniers du théâtre en banlieue, avec Pierre Debauche à Nanterre , Bernard Sobel à Gennevilliers et José Valverde à Saint-Denis. Gerbal vient de mourir, dans le silence quasi-absolu de la presse…
Né en 24, il s’engagea d’abord dans le théâtre d’agit’prop des années 50 avec Drame à Toulon contre la guerre d’Indochine. Puis, toujours dans l’esprit militant, il créera Franc-Théâtre avec José Valverde et Henri Delmas, soutenu par l’association Travail et Culture.
Il fonda le théâtre Romain Rolland de Villejuif en 64 et le dirigea pendant plus de quinze ans. En 67, il monta Dix jours qui ébranlèrent le monde , d’après John Reed, pour le 50e anniversaire de la Révolution d’octobre, devant 6.000 spectateurs. Il y accueillera de nombreux spectacles de qualité et fut à l’initiative des Rencontres du jeune théâtre qui existent encore. Une figure injustement oubliée, dont Philippe Madral a témoigné dans Le théâtre hors les murs.
C’est aussi l’occasion de rendre hommage à Françoise Kourilsky disparue cet automne. Animatrice, avec Bernard Dort et Emile Copferman, des revues Théâtre populaire et Théâtre Public, elle dénicha à New-York le mythique Bread and Puppet, qu’elle fit inviter au festival de Nancy et que Garran accueillit en 68 à Aubervilliers, et auquel elle consacrera un livre (La Cité Editeur 1971). Elle avait aussi écrit un ouvrage sur le théâtre aux Etats-Unis qu’elle connaissait particulièrement bien (La Renaissance du livre, 1967).
R. G.