La Pensée de Leonid Andreïev
La Pensée de Leonid Andreïev, mise en scène d’Olivier Werner.
Le spectacle est actuellement repris au Théâtre Gérard Philipe à Saint-Denis du 27 janvier au 15 février 2014, lundi, jeudi, vendredi à 20H30, samedi à 18H30, dimanche à 16H30, relâches le mardi et le mercredi. T : 01 48 13 70 00
Olivier Werner-traducteur, adaptateur, metteur en scène et interprète – poursuit avec constance sa trilogie de l’enfermement avec La Pensée de Leonid Andreïev, un spectacle qui fait suite à After the end de Dennis Kelly, donné cet automne à la Fabrique mc11 à Montreuil, et précède La Coquille de Mustahfa Kalifé pour la rentrée 2013.
Pour lui, La Pensée de Leonid Andreïev traite du lien étroit entre incarcération physique et incarcération mentale. Leonid Andreïev (1871-1919), anti-tsariste puis antibolchévique, est un visionnaire quant au destin de la Russie du vingtième siècle .
Chroniqueur judiciaire, alcoolique et hanté par la mort, il n’en découvre pas moins sa propre vocation littéraire. Peut-être a-t-il imaginé le thème ombrageux de La Pensée lors d’un cas réel rencontré professionnellement.
Kerjentsev, un médecin, possède une pensée à la fois libre et sous contrôle qui pourrait être le véritable personnage de la pièce. Quand on le découvre dans un espace froid et réduit, au sol de caillebotis métalliques et sur-éclairé par des tubes fluo, Kerjentsev (Olivier Werner) est interné dans un hôpital psychiatrique. Meurtrier de son meilleur ami, il a un statut juridique encore indéterminé et écrit huit feuillets où il s’adresse aux experts médicaux chargés d’observer son état mental et qui vont décider de son sort : asile ou prison à vie.
Le meurtrier malgré lui ( ?) s’adonne à une introspection des plus précises, une auto-analyse vertigineuse qui, finalement, met en scène deux êtres qui ont les symptômes désignés d’une forme de schizophrénie. Si, en effet, le criminel fait preuve de lucidité et de clairvoyance, quant aux conditions exactes de son « histoire » tragique, il lui manque en même temps la capacité à proposer une vue d’ensemble de sa situation. Il n’arrive pas à délier les fils emmêlés des raisons de son acte et de sa jalousie.
La démence est finalement le refuge du discours apparemment « bien sous tous rapports » de l’accusé. L’écriture des feuillets que leur auteur porte à la connaissance des experts-spectateurs suit les circonvolutions d’une réflexion très maîtrisée, d’une méditation qui se déroule peu à peu dans le vide et le néant de l’incohérence à mesure que passent le temps et l’infini du discours.
Olivier Werner est un dément parfait, bien mis, correct et bcbg, toutes marques qui pourraient cacher un déséquilibre latent. Le comédien fait les cents pas dans sa cellule, dévidant une logorrhée de paroles pourtant articulée et construite, sur le plan formel, mais dont le sens échappe toujours.
C’est en serviteur du verbe seul que l’acteur s’impose sur le plateau, dominant et brillamment dominé par une langue qui l’enserre et l’enferme peu à peu dans le filet de la démence d’un pantin masqué. Plus on porte foi à ses propos de beau parleur, plus on doute. Qui est fou ? L’interprète, le personnage… à moins que ce ne soit le spectateur.
Une plongée troublante dans les arcanes d’une conscience introuvable, enfuie ou échappée dans les limbes d’un au-delà de soi et de la raison. Une vraie performance qui tient le public en haleine.
Véronique Hotte
Spectacle vu à La Fabrique mc11 à Montreuil. et repris du 11 au 14 avril T : 01-47-21-74-21 puis au Théâtre des Trinitaires à Valence du 18 au 20 avril. forage26@gmail.com
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