Freaks
Freaks, mise en scène d’ Anne Bitran et Catherine Gendre
Avant son installation prochaine au Théâtre Mouffetard, l’équipe du Théâtre de la Marionnette à Paris multiplie des interventions artistiques singulières et toujours pertinentes sur la région Ile- de-France. Comme des représentations en appartements de L’Émission de Sabine Révillet monté par Johanny Bert (voir Le Théâtre du Blog), d’Ahmed philosophe conçu par Patrick Zuzalla dans les établissements scolaires,ou des Bénévoles par le Tof Théâtre dans des bibliothèques et comités d’entreprises…
Ceux qui n’ont pas vu le film de Tod Browning sur les monstres, ont peut-être assisté au beau spectacle de Geneviève de Kermabon aux Théâtre des Bouffes du Nord avec de » vrais » monstres. La compagnie des Rémouleurs, grands magiciens d’images, ont créé depuis trente ans, de beaux spectacles qui ont marqué les mémoires. Comme Ginette Guirolle, leur première marionnette de bar, L’Histoire du Soldat, Lubie sur des musiques de Luciano Bério et de Bela Bartok, du Nouveau spectacle extraordinaire, d’après Edgard Poe au château de la Roche-Guyon…
Nous découvrons un beau café, celui d’Agnès, situé au bord du canal, à quelques pas du Théâtre du fil de l’Eau à Pantin. La salle est bourrée et on remonte des chaises du sous-sol. Mais où le spectacle va-t-il pouvoir se jouer? La belle Anne Bitran, moulée dans une longue robe noire comme sa partenaire, annonce le déroulement de la soirée: « Tout le monde pourra s’asseoir, dit-elle, il y aura un entracte, et on continuera à boire et à se restaurer après le spectacle. Nous vous avons annoncé des monstres, vous allez voir des monstres. »
Et on les voit manipuler amoureusement sur le bar qui sert de castelet, une énorme tête blanche aux yeux exorbités. Dialogue tendre et douloureux: elles déclinent plusieurs formes de monstres, dont les cyclopédiens exocéphales, en font évoluer un dans une bouteille qui sortira, une fois sa croissance terminée, en forme de pot.
Il y a aussi le mariage de sœurs siamoises au long cou, en robe rouge, célébré sur une musique orientale avec d’étonnantes projections au plafond. On voit un monstre émerger d’une valise, danser et s’enrouler sur le comptoir. Les manipulatrices ont un vrai rapport avec les monstres qu’elles frôlent de leurs beaux visages, alternant amour et répulsion : » Ils n’ont pas demandé à naître, vous pourriez être l’un d’eux ! »
Dans la deuxième partie, autant d’images fortes: le monstre blanc vomit les cailloux dont il s’est nourri, enroule avec sa langue, la tête de sa manipulatrice, attrape les sœurs siamoises… Avant un final tiré d’Ubu-Roi d’Alfred Jarry, il y eut un moment étonnant: un habitué du café est entré boire un verre et est resté stupéfait devant le spectacle…
Edith Rappoport
T.M.P. jusqu’au 29 mars T. : 01-44-64-79-70. Les représentations ont lieu dans des cafés de Pantin, Aubervilliers, Saint-Denis et Paris.
http://www.remouleurs.com/