La femme gauchère

La femme gauchère, d’après le roman de Peter Handke, adaptation et mise en scène de Christophe Perton.
La femme gauchère femme-gauchere« »Sans raison », sous le coup d’une « illumination « , Marianne demande à son mari de partir, et de la laisser seule avec  leur fils de  dix  ans.
La voici, désormais sans homme, dans son pavillon de banlieue, aux prises avec la vie quotidienne et avec  la nécessité de travailler.
Confrontée à l’isolement jusqu’à la déréliction. Sous le microscope de  Handke, les faits et gestes insignifiants de sa vie quotidienne prennent une dimension singulière, et nous entrons de plein pied dans l’expérience quasi ascétique de la solitude.

Interviewé en 78 au Festival de Cannes, à la sortie du film qu’il a réalisé à partir de son roman, Handke dit de son héroïne : «C’est une femme qui n’existe pas encore, une utopie, une femme au-delà du discours féministe ; j’ai voulu montrer une femme seule qui s’en sort, forte, touchée par la grâce.»
Traduit en français par George-Arthur Goldsmidt en 80, le roman, comme le film, est souterrainement habité par le mouvement féministe et fut reçu en tant que tel. Si Christophe Perton n’a pas voulu traiter du féminisme, celui infuse le spectacle, renforcé par  une adaptation fidèle, et le décor et les costumes des années soixante-dix. « La femme » du roman s’incarne en Marianne, comme dans le film auquel on pense aussi fortement,  de par l’utilisation panoramique du plateau, le découpage en séquences ponctuées par  la voix off d’André Wilms.
Mais Judith Henri n’a rien à envier à Edith Clever, la Marianne du film: sa présence à la fois méticuleuse, désinvolte  et lunaire donne à la pièce toute son épaisseur. Une Marianne frêle et endurante face au faux calme de son mari (Grégoire Monsaingeon), aux déclarations intempestives d’Olivier Werner en bûcheron tendre, et à la cour discrète de son éditeur, (Yann Collette). L’enfant, très bien dirigé, porte, lui, un regard malicieux sur ce monde d’adultes pas mal dérangés.
Une belle scène le met en présence de son père, un Jean-Pierre Malo pétri d’ironie. Il dit à un type rencontré dans la rue et qui s’avère être un acteur au chômage: “Pour un acteur, vous n’êtes pas assez culotté. Vous voulez être un type comme dans ces films américains et pourtant, vous ne vous mettez jamais en jeu. C’est pourquoi, vous ne faites que poser. A mon avis, vous devriez un jour apprendre à courir vraiment, à crier vraiment, à ouvrir la bouche toute grande ».

Marianne, elle,  va jusqu’au bout d’elle-même, c’est cette radicalité sans idéologie qui la porte et qui porte le spectacle: « Mon mari dit de moi: ma femme est une rêveuse. Si rêver veut dire, être ce qu’on est, dit-elle, alors,  je veux être une rêveuse ».
Grâce au talent de Handke, ici très bien servi par la mise en scène et les interprètes, on suit le spectacle, malgré quelques longueurs,  comme une sorte de roman-photo. Dans le sillage des personnages qui gravitent autour de cette femme gauchère, il nous plonge dans un univers à la fois étrange et familier.

Mireille Davidovici

Théâtre du Rond-Point jusqu’au 9 mars T :0-44-95-98-21; T.N.P. à Villeurbanne du 12 au 16 mars  Villeurbanne. T: 04-78-03-30-00
 tnp-villeurbanne.com; Théâtre national de Nice du 20 au 23 mars. T: 04-93-13-90-90 tnn.fr

 


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