Le Réel/Lo Real/The Real
Le Réel/Lo Real/The Real par la Compagnie Israel Galvàn
Une tête d’oiseau, un port de bras unique, un corps fin avec un dos légèrement courbé font d’Israel Galvàn ,cet animal étrange que le public attend de revoir à chacun de ses passages parisiens.
Danseur de flamenco, formé à Séville, il en a fait exploser les codes .Pour cette nouvelle création , accompagné de ses deux danseuses, Belén Maya et Isabel Bayon, il a décidé de danser le réel, celui d’un épisode de l’histoire des gitans.
Un récit lié au flamenco: parmi les racines multiples de cette danse, est primordiale est l’influence de ce « peuple de promeneurs », comme dit Alexandre Romanes.
Le plateau nu, va progressivement être occupé par des danseurs, des chanteurs et des musiciens, pour évoquer la persécution et l’extermination des gitans durant la seconde guerre mondiale. Israel Galvàn commence par un prologue On tranche l’air. Seul, torse et pieds nus, avec un geste évoquant le salut nazi, il frappe, dans la pénombre, le sol rendu sonore par des micros, et, d’emblée, nous reconnaissons sa danse désarticulée.
En surtitrage français, apparaissent alors des textes comme J’ai trouvé Hitler dans mon cœur ou Des cadavres poussent des fleurs… Une gitane vient heurter le sol de ses sabots, initiant un flamenco brutal, qu’accompagne un mélange de chants, de guitare, de violon, de piano, de saxo et de percussions, aux tonalités d’Europe centrale.
L’évocation des camps de concentration est parfois un peu trop illustrative, comme ces barbelés qui rendent prisonnière une danseuse, ou les images projetées des trains dans Canta Gitano, le film de Tony Gatlif. Mais ce voyage particulier a une force réelle, quand il évoque les cabarets de la mort, tel que l’on pouvait en voir dans le camp de Terezin.
Israel Galvàn, avec ce spectacle de près de deux heures, prend des risques puisqu’il veut emporter le public dans son récit. »Il s’agit de danser ce qui ne peut être dansé », dit-il, mais ce n’est pas toujours évident avec une danse qui pourrait se suffire à elle-même. Le spectacle, mal accueilli en Espagne, a suscité l’enthousiasme du public parisien et a dû le rassurer, même s’il avoue qu » à présent, je danse de façon plus claire et je parle de façon plus claire. Mais je suis sûrement encore plus perdu ».
Jean Couturier
Théâtre de la Ville jusqu’au 20 février.