Ubu sur la Table
Ubu sur la Table, d’après l’œuvre d’Alfred Jarry, adaptation et mise en scène d’Olivier Ducas et Francis Monty.
Denis Marleau avait déjà interprété Jarry à sa manière, et ses créations chorégraphiées de toutes ses pièces ( Ubu Cycle) au Centre national des arts d’Ottawa dans les années 80-90 , quand il était directeur artistique du Théâtre français ont sûrement laissé leur marque sur les mises en scène actuelles de l’avant-garde du 19 ème siècle.
Actuellement, une nouvelle génération de comédiens québécois bourrés d’énergie tentent leur chance avec Ubu: son grotesque, sa cruauté et sa stupidité destructrice y sont toujours mais l’esthétique théâtrale en a radicalement changé.
Sur une petite table, transformée en scène miniature, Francis Monty et Olivier Ducas, acteurs féroces doués d’un sens impeccable du temps, font littéralement vivre des objets dans une forme de bricolage théâtral, où le moindre bout de métal ou la moindre forme en plastique peuvent devenir un acteur redoutable, quand ils sont manipulés par ces joyeux lurons: la petite brosse se transforme en mère Ubu, la théière en Roi de Pologne, les fourchettes enfoncées dans des baguettes, en bataillons de soldats, etc …
Pendant une heure (la suite viendra sans doute), ils font parler, danser, voler et agir une foule d’objets, accompagnées de bruitages aussi vivants que les acteurs, pour montrer à leur manière la victoire d’Ubu sur le Roi de Pologne. Les insultes fusent, la vaisselle vole et les hurlements interrompent les discours saupoudrés d’expressions locales et d’improvisations, quand une réplique semble manquer. Le duo clownesque d’Olivier Ducas et Francis Monty doit autant au vaudeville qu’au mime et à l’esprit du cinéma comique américain: Laurel et Hardy, Abbott et Costello, ou les Marx Brothers.
Les comédiens entrent dans la salle, et bavardent avec les spectateurs, puis font sauter toutes les barrières pour tomber dans un chaos orchestré. Une soirée qui se termine dans la confusion où, la fin, ils sont plongés, semble signifier leur impuissance devant ces objets qui les envahissent et qui leur échappent.
Le Théâtre de la Pire Espèce, qui continue ses tournées à travers l’Amérique,est joyeusement impertinent, et c’est bien ainsi…
Alvina Ruprecht
Centre national des Arts d’ Ottawa du 12 au 16 février.