Der Weibsteufel (Le Diable fait femme)

Der Weibsteufel (Le Diable fait femme), de Karl Schönherr,  mise en scène de  Martin Kusej, en allemand surtitré. 


Der Weibsteufel (Le Diable fait femme) diable

Karl Schönherr (1867-1943) était né au Tyrol. Il écrira dès 95 Le Judas du Tyrol puis, après avoir été médecin,  renoncera à exercer en 1905 et  écrira une trentaine de pièces dont Foi et Patrie (1910), Peuple en détresse (1916), Le Médecin des pauvres (1927). Mal connu en France, il fut pourtant, avec Arthur Schnitzler, l’auteur dramatique autrichien qui eut le plus de succès avant la première guerre mondiale.
Pas de didascalies inutiles et l’auteur va droit au but: « L’homme. Sa femme. Un jeune chasseur alpin. Scène : une salle. »C’est une sorte de fable fondée sur le fameux triangle mari, femme, amant  avec des scènes courtes, très proches de dialogues de cinéma où la pièce a été souvent adaptée. Cela se passe dans la montagne autrichienne. Le mari, un  trafiquant notoire dit à sa femme qu’un nouveau douanier, arrivé il y a  peu, veut de l’avancement donc qu’il va  sans doute mettre  le nez dans les petites affaires louches qui lui rapportent beaucoup d’argent, argent qu’il emploie à la  construction d’une belle maison.
C’est un projet auquel tient aussi beaucoup la jeune femme  et  son mari lui propose donc un pacte diabolique et la persuade donc de séduire le jeune douanier. Mais , bien entendu, le choses ne vont pas se passer comme cela, et cette jeune femme, apparemment  pas très heureuse cache dans un coffre de la layette pour bébé, dont le douanier va casser le couvercle. Très séductrice, la jeune femme en semble vite amoureuse et lui dit le plus grand mal de son mari… Mais chacun des trois protagonistes est en fait, à tour de rôle, la victime des deux autres:  » Je ne peux plus vivre avec toi  » et la femme  du trafiquant lui répond: « T ne me feras plus rêver de toute façon! » Les deux hommes finiront par s’affronter physiquement et le jeune douanier tuera le mari d’un coup de poignard…

L’écriture, du moins si on en juge par le surtitrage exemplaire, est d’une rare modernité, et même si les péripéties du scénario de Karl Schönherr sont souvent quelque peu téléphonées, on se laisse vite prendre au jeu.
Pour ce spectacle monté la première fois par Martin Kušej au  Burgtheater de Vienne en 2008, Martin Zehetgruber a créé une scénographie assez étonnante sur le plan plastique: de gros troncs d’arbre enchevêtrés. éclairés par de savantes lumières de Tobias Löffler et Felix Dreyer… Oui, c’est beau mais pas vraiment efficace sur un plateau: les grands troncs seront évidemment  constitués  de plusieurs parties et en résine de synthèse (et cela se voit même sur la photo!) et bougent quand les acteurs marchent dessus! Sans compter la grande concentration qu’il leur faut pour ne pas tomber…

Cela dit,  la direction d’acteurs de Martin Kušej  est vraiment impeccable; Werner Wölbern, Birgit Minichmayr et Tobias Moretti, dès qu’ils entrent en scène, sont immédiatement crédibles; la jeune femme qui est aussi comédienne de cinéma, à 36 ans, possède, comme ses deux camarades, un jeu fascinant de vérité dans les moindres nuances. Elle réussit à créer un personnage à la fois plein de charme et assez inquiétant. Et, quand elle dit avec un air triomphant: « Et comme un matou amoureux, tu as levé les yeux vers ma chambre à coucher; ma foi, ma foi, mon petit chasseur, t’a déjà posé une patte sur le gluau », elle atteint des sommets d’interprétation.

Et comme l’écrit  Martin Kušej avec raison: « Karl Schönherr semble employer un langage simple, peu complexe et sa constellation de personnages n’a rien de renversant au premier coup d’œil. Et pourtant il parvient, comme un compositeur particulièrement subtil, à créer une musique hautement dramatique ». Et ce qu’il ne dit pas, c’est, grâce à sa mise en scène intelligente et forte,grâce aux bêtes de scène que sont ces trois acteurs allemands, le public est emmené au plus profond d’expériences intimes, voire sexuelles qu’il a lui-même vécues.

Il est rare en tout cas de voir une salle entière aussi concentrée pendant  une centaine de minutes. Vraiment du grand art théâtral. Courez-y si vous le pouvez: ce sont souvent les aléas des tournées mais ce formidable spectacle n’aura été joué que quatre fois à l’Odéon! On peut seulement espérer qu’il sera repris…


Philippe du Vignal  

 Odéon Théâtre de l’Europe, place de l’Odéon, Paris 6e. T : 01-44-85-40-40.  De 6 € à 34 €. Attention c’est à 20 heures, jusqu’au 23 février.


Archive pour 23 février, 2013

L’humanité tout ça tout ça

L’humanité tout ça tout ça,de Mustapha Kharmoudi, mise en scène de Véronique Vellard

 

L’humanité tout ça tout ça humanite-tout-ca-tout-ca-615-300x285Une mère et sa petite fille remettent leur destin entre les mains d’un passeur, pour franchir clandestinement la frontière. Elles quittent un pays en guerre où les hommes meurent au combat et les familles éclatent ; destination la France, avec l’espoir d’une autre vie.
Mais que trouvent-elles de l’autre côté de la frontière, après toutes les embûches du passage ? La mendicité, «amanji siyoupli», la consommation, la tentation, le vol, le rêve sans suite car sans argent : « Maman elle dit oh là là, tout ça tout ça… Je vois les bonbons, j’ai envie le bonbon, je dis rien… Je vois les habits des enfants, je dis maman chérie je veux la robe elle est rose… Maintenant je vois les nounours, je vois les poupées. Je cours, je tombe »… La mère abandonnera l’enfant pour lui permettre de survivre.
Chaque jour, aux frontières, se jouent des destins et se perdent des vies. On ne choisit pas son pays de naissance. Cette lutte de certains, à la recherche de paix et d’un peu de liberté, est un sujet politique et de société, qui nous concerne, tous.
Interdit de séjour au Maroc pendant plusieurs années, militant pour l’intégration des immigrés au Maroc et en France, Mustapha Kharmoudi s’empare du sujet. Il ne nomme pas le pays d’origine, induisant l’universalité du propos, mais illustre l’angoisse du passage et l’incertitude, l’absence de lendemain, par les mots de la petite fille, qui raconte. La ligne de fracture entre l’avant et l’après, la peur de l’autre et la perte des repères, l’exploitation et la commercialisation de la misère, ne laissent pas indemnes.
Et pourtant, je ne suis pas entrée dans l’histoire : est-ce la langue sur laquelle j’achoppe ? Je la trouve, sur le plateau, fastidieuse et appliquée en originalité, une langue minimale, entre le pipicaca de la petite enfance et un dialecte, revu et corrigé :
« La voiture elle s’arrête. Maman elle dit il faut pas tu bouges, il faut pas tu parles. Je dis à son oreille maman j’ai faim ; elle dit plus fort à mon oreille idiote tu penses qu’à ton ventre ; je dis non je pense à la pomme le monsieur gentil il m’a donnée. Elle dit il faut pas tu t’approches de ce salaud. Je dis il est gentil, il m’a fait le câlin, il m’a donné la pomme »…
Est-ce le concept de mise en scène (signé de Véronique Vellard, assistée de Julie Vuoso) auquel je n’adhère pas ? Les ballons blancs, par grappes, qui emplissent le plateau, se veulent-ils signe d’enfance, ballons lestés par des chaussures qui pourraient indiquer la marche vers… les tout petits pas… les chaussures posées en sortie de mosquée ? Après les ballons, allons-y pour les chaussures…
Est-ce le récit de la comédienne, (Caroline Stella), dont la prouesse est déjà de connaître le texte, mais où on ne se retrouve pas  ? Pourquoi ce ton, dans la partition, entre le sériel et le surjoué, pour faire comme une petite fille, et sans relief quand elle porte la voix de la mère ou celle du passeur ? Pourquoi la perche-t-on, comme sur un tabouret, n’utilisant pas, de ce fait, l’espace du plateau ? Pour nous rappeler qu’elle est petite?
Je n’ai pas trouvé l’épaisseur des signes, à la Barthes, dans cette « Humanité », ni les plis de Deleuze. Je n’ai pas trouvé la terre mère ni le chaos de l’exil ; il me manque la couleur, l’odeur, l ‘inquiétude intérieure, l’arrachement ; le fil de la détresse vraie, la musique nostalgie et l’angoisse qui tétanise. Ce pays aléatoire, de l’autre côté, vu par ses stéréotypes, est-ce l’unique vision de ceux qui nous rejoignent ?
Le spectacle existe, les lumières de Guillaume Parra donnent de l’intime et le son de Stéphane Monteiro, de la contextualisation ; il est un objet emballé, mais dans l’emballage, je ne trouve pas le trésor annoncé.

Brigitte Rémer

 

Le Tarmac, 59 avenue Gambetta. 75020, du 12 février au 2 mars

Le texte est publié chez Lansman Editeur, col. Le Tarmac chez Lansman

 

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