Thermidor Terminus
Thermidor Terminus : la mort de Robespierre, d’André Benedetto, mise en scène de François Bourcier.
La pièce est un huis-clos entre deux ex-compagnons et amis de Robespierre, jetés dans un même cachot : Maurice Duplay, est au bord de la folie après la mort violente de Maximilien et après avoir perdu femme et filles, et Philippe Buonarotti, auteur du Manifeste des égaux, absent de France au moment de Thermidor, le presse de questions. Il veut comprendre l’effondrement, puis l’exécution de Robespierre, le 28 juillet 1794, dans un simulacre de procès, sans interrogatoire ni défense : «Tu sais tout, tu es le seul à tout savoir» dit-il à Duplay, comme une supplique.
André Benedetto a sculpté ce récit avec âpreté, à partir de la remémoration et d’une reconstitution de la chronologie des faits. Homme engagé, il a mis la personnalité de Robespierre, « l’homme le plus important de la Révolution », au cœur du sujet, en a dessiné les complexités et cherché les énigmes, en brisant les mensonges qui courent sur son compte et prenant parti : « Non, la Terreur ce n’est pas lui », affirme-t-il. L’auteur, également metteur en scène et chef de troupe, connaissait le plateau, son texte est un plaisir poétique, en même temps qu’un rappel historique.
Ici, l’espace est vide, fermé d’un écran noir où sont projetées par moments des images - silhouettes, ombres et quelques portraits -, laissant peu de profondeur, mais cela convient : on est dans la geôle, avec les protagonistes qui se déplacent transversalement, entre cour et jardin. Les lumières de Frédéric de Rougemont, définissent la scénographie.
Dans la nuit du 9 au 10 Thermidor, tout le monde devient suspect et Robespierre, à qui l’on doit la devise Liberté Egalité Fraternité, est un homme très contesté, sur fond d’épuration, de répression et de vengeance. Et pourtant, « alors que le sang coule, il voulait sauver les autres, il voulait l’égalité et cherchait le levier pour la mettre en marche », dit l’auteur. Et la question qui revient, en leitmotiv : «Pourquoi n’ont-ils rien fait ? Saint-Just, muet, signe l’appel aux armes… il commence à signer… et alors qu’il peut tout faire, il ne fait rien» » Pour Benedetto, « c’est en eux que quelque chose s’est arrêté ».
Duplay et Buonarotti racontent leur héros, le font revivre en se travestissant, avec redingote et perruque, chacun à leur tour, (costumes de Sylvie Blondeau). Ils refont inlassablement le film : « D’après l’enquête, du 8 juin au 26 juillet, Robespierre ne va plus à la Convention, ni au Comité du Salut Public, comme s’il n’était plus là. On exécutait des innocents, il cherchait la solution « . Et lorsqu’il monte à l’échafaud, avec Saint-Just et d’autres, «une femme meurt en dedans », c’est Eléonore, la propre fille de Duplay, qui lui était secrètement destinée et qui a disparu, le jour de son arrestation. « Et la Révolution qui devait s’arrêter à la perfection du bonheur, s’est arrêtée ».
Les acteurs s’emparent de ce texte, jamais didactique, avec intelligence et précision, avec passion. Ils habitent leurs personnages, leur donnant beaucoup d’humanité. Dans le duo, Buonarotti, (Francois Bourcier), est un peu en retrait : est-ce sa position de metteur en scène (assisté ici d’Andrieve Chamoux), qui le décale légèrement, ou bien l’écriture, qui fait la part belle à Duplay (Roland Timsit), dans sa folie, ou encore le style de jeu et le vocabulaire corporel spécifique à chaque acteur ?
L’équilibre n’est pas tout à fait trouvé entre un Duplay très présent, qui gagnerait à raboter un peu son rôle et Buonarotti, qui ne se départit pas complètement de sa position de metteur en scène, distancié, sur le plateau. Mais le spectacle est fort et beau, d’autant par les séquences décalées aux éclairages rouges, irréels et surréalistes, où Duplay, sorte de Christ recrucifié, suspend le temps et nous ramène au présent. «Ce qui est mort avec lui, c’est cette capacité de doute, mais qui peut comprendre ça ?»… Et la révolution s’immobilise, comme d’autres, ailleurs et aujourd’hui.
Brigitte Rémer
Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine, 1 Place Jean Vilar, les 15 et 16 février.
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