Et puis si nous passions le pantalon français

Et puis si nous passions le pantalon français, mise en scène de Philip Boulay,  d’après l’œuvre d’Abdelmalek Sayad.

Et puis si nous passions le pantalon français et-puis-nous-passions_5746-300x199Nous avions pu apprécier le talent de metteur en scène Philip Boulay, petit elfe voyageur et passionné, avec Roberto Zucco et Dans la solitude des champs de coton au Blanc-Mesnil, et Topdog Underdog de Susan Lori-Parks, est un spectacle qui avait laissé, lui-aussi,une belle rémanence !
C’est dire l’attente suscitée par ce titre étrange Et puis si nous passions le pantalon français ! Malgré l’engagement de dix-sept amateurs dans cette évocation des souffrances des Algériens en France dans les bidonvilles depuis l’indépendance, le texte souffre d’un grave défaut de construction et les acteurs restent inaudibles la plupart du temps. Les rôles d’hommes tenus par des femmes sont peu crédibles dans des  personnages pas vraiment dessinés. Hormis quelques séquences dansées où jaillit une certaine énergie sur des musiques saturées, la déception est à la mesure de l’attente.
Pour raconter cette page d’histoire,il aurait fallu quelqu’un comme Kateb Yacine, remarquable écrivain disparu en 1989.

Edith Rappoport

Cité Nationale de l’histoire de l’immigration, samedi 16 février à 20 h et  dimanche 17 à 16 h
reservation@histoire-immigration.fr, 293 av. Daumesnil, 75012 Paris. T: 01-53-59-64-30


Archive pour février, 2013

Invisibles

Invisibles invisibles

 

Invisibles, texte et mise en scène de Nasser Djemaï.

Nasser Djemaï n’est pas un inconnu;  il avait reçu le prix Sony Labou-Tansi en 2007 Une Etoile pour Noël, sa première pièce il est aussi l’auteur  de Les Vipères se parfument au jasmin mais Invisibles est sans doute son texte le plus abouti. C’est l’évocation de la vie des Chibanis, en arabe « les anciens », des émigrés pauvres et  analphabètes qui sont venus depuis le Maroc et l’Algérie,  travailler en France, dans les années 50-60, le plus souvent  dans l’industrie métallurgique ou chimique, et le bâtiment.   On oublie trop souvent que ce sont eux qui ont fortement contribué à la réussite des fameuses trente glorieuses… Ils ont eu  une vie de travail dur et mal payé, parfois non déclaré, dans des emplois peu qualifiés et précaires, avec des périodes de chômage, loin de leur village, parfois rejoints par  leur femme. Exploités et humiliés, citoyens de seconde zone sans beaucoup de droits, dans une société hostile et souvent raciste, ils ont  quand même réussi à éduquer leurs enfants dans des conditions de logement difficiles.
En retour, la République toujours généreuse-tous gouvernements confondus-leur a procuré une retraite  dérisoire et l’allocation supplémentaire de solidarité aux personnes âgées à une condition: continuer à résider en France pour la  percevoir.  Pauvres parmi les pauvres, vivant seuls dans des foyers, et souvent en mauvaise santé, ils ont fui dans leur jeunesse la misère et  en retrouvent une autre à la fin de leur vie. Et impossible  pour eux, de revenir chez eux dans leur famille. La situation
Ils sont là, ces cinq  émigrés, aux cheveux blancs, solidaires, à jouer aux dominos et aux cartes dans leur cuisine commune, à se promener et à aller prier à la mosquée. A la fois, enracinés en France, notamment à Marseille où il seraient environ 15.000, ils y ont vécu la plus grande partie de leur vie, et  déracinés loin des leurs qu’ils ne revoient en général qu’un mois par an.
Cinq hommes âgés restés dignes dans leur souffrance et leur solitude, qui ont des réactions diverses: il y a ainsi Hamid, assez amer et qui ne croit plus à grand-chose, Shériff en butte à des souffrances physiques: « Moi je suis cassé de partout..La santé. Les papiers. la mosquée. C’est tout ce qui reste. » Driss qui, très déçu par son pays, sent  bien que le temps a passé et que les liens familiaux ne sont plus ce qu’ils étaient; cela fait quarante ans qu’il ne voit sa femme  que chaque été. El Hadj est malade et assez résigné. Majid parle peu mais remâche sans arrêt les horreurs de la guerre qui a cassé l’Algérie en deux. Angelo Aybar, Azzedine Bouayad, Kader Kada, Mostefa Stiti et Lounès Tazaïrt, ne surjouent jamais et sont tous les cinq exemplaires.
Nasser Djemaï n’a pas voulu, dit-il, « parler de ces hommes comme des victimes » et il a sans doute eu raison, même si on est en complète empathie avec ses personnages: « J’avais besoin d’une mémoire apaisée pour débarrasser ces hommes de leur image de victime(…) Je ne pouvais parler de cette histoire sans inclure les récits de mon père, mes enquêtes menées à travers les différents foyers de vieux immigrés, les cafés, les mosquées, les montée d’immeubles et différents ouvrages traitant de ce sujet « .
Comme il n’a pas voulu tomber dans le théâtre documentaire, il a aussi imaginé le personnage de Martin, bien joué par David Arribe, dont la mère vient de mourir et qui vient essayer de retrouver son père parmi ces immigrés retraités qui vont l’entourer rapidement de leur affection, lui retrouvant l’image du père et eux  celle  de leur fils. Cette histoire à faire pleurer dans les chaumières est sans doute le maillon faible de la pièce. Et, malgré la qualité de la direction d’acteurs, la mise en scène souffre souvent d’un côté démonstratif inutile et  Nasser Djemaï aurait pu nous épargner l’évocation  des personnages féminins de l’histoire avec de grandes vidéos en fond de scène.
Malgré ces réserves, cette tragédie des chibanis, pendant quatre-vingt-dix minutes, va droit au cœur du public qui ne mégote pas son attention. Nasser Djemaï a réussi loin de tout pathos et de tout misérabilisme, avec une écriture remarquable de  délicatesse  et d’intensité, à en parler sur une scène. Et ce type de démarche  est tout à a fait originale dans le théâtre contemporain…

Philippe du Vignal

Spectacle vu à Mondeville (Calvados); Invisibles est actuellement  en tournée puis du 19 au 24 avril au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, et ensuite au Théâtre 14 à Paris.

Les Criminels

Les Criminels de Ferdinand Bruckner, traduit de l’allemand par Laurent Muhleisen, mise en scène de Richard Brunel.

Les Criminels  criminelsTheodor Tagger,  dit Ferdinand Bruckner (1891-1958) était né d’un père autrichien, et d’une mère française. A trente-cinq ans, il écrit en 26, une pièce Le Mal de la jeunesse, puis Les Criminels en 1928, La Créature en 1929, et enfin , un drame historique, comme Les Criminels, à scènes simultanées, Élisabeth d’Angleterre  considéré alors comme son chef-d’œuvre.
Il est alors plus connu que  Brecht et  Zuckmayer et ses pièces sont montées par des metteurs en scène comme Heinz Heilpert ou le grand Max Reinhardt,  et à l’étranger,  par Georges Pitoëff dès 29 à Paris, dans un décor génial imaginé par lui et probablement le premier du genre; la pièce se déroulait en effet dans sept pièces (cuisine, salle-à-manger, chambres, salon, etc…) disposées sur trois étages d’un immeuble  sans facade.

On retrouve sans doute chez Bruckner l’influence d’ Ernst Töller, l’auteur de  Hop! là,  nous vivons, Töller  dont il est proche comme  son ami Ödön von Horváth. Il développera  le genre du Zeitstück, « pièce actuelle », une sorte de théâtre documentaire  traitant des  soubresauts de son  pays face  aux  crises économiques   en rafale qui vont conduire l’Allemagne au nazisme, après que la révolution communiste ait été très durement réprimée… Peu de temps après, on l’oublie trop souvent, après la défaite morale et financière  qui avait fait suite à la guerre 14-18 et qui avait mis le pays à genoux. Anarchie politique et  cynisme  des banques et des milieux d’affaires,  nihilisme des jeunes gens largués dans une société à la dérive  où ils ne se retrouvent pas, graves conflits sociaux.
Les Criminels, cela se passe donc dans un immeuble-on pense évidemment au Perec de La Vie mode d’emploi.  Bruckner, très au fait des théories freudiennes, n’hésite pas à parler sexe-ce qui devait être tout à fait provocateur au temps de la République de Weimar. Il n’hésite pas non plus à mettre même en scène des « crimes » :une aristocrate démunie paye les études de ses enfants, Liselotte et Ottfried, en vendant les bijoux que lui a confiés son beau-frère Dietrich, qui vit  en Amérique du Sud. Olga et Kummerer docteur en philosophie, travaillent pour survivre et  Olga finit par se résigner à l’idée de donner son futur bébé à Ernestine, la cuisinière des Berlessen qui fait donc semblant d’être enceinte de Tunichtgut, un serveur au chômage, son amoureux, séducteur impénitent.
 Quant à Frau Berlessen, la bourgeoise d’âge mûr, elle est amoureuse d’Alfred, un ami d’enfance de son jeune fils Frank qui  vient de se faire surprendre entre les bras d’un jeune homme. A l’époque, l’homosexualité est encore un délit, et  il est victime d’un maître chanteur. Frank se fait conseiller par Ottfried, amoureux de lui sans espoir de retour mais pas très net. Josef, le deuxième fils de Frau Berlessen, observe les choses avec la distance et l’acuité de celui qui n’habite plus là. Il essaye de séduire  la bonne Mimi qui se laisse volontiers faire contre de l’argent.
Mais Ernestine  s’aperçoit que  Tunichtgut la trompe avec la Kudelka, la patronne du bar. Jalouse, elle tue sa rivale et annonce à Olga qu’elle renonce à l’enfant et compromet Tunichtgut pour qu’il soit accusé du meurtre. Tunichtgut est accusé de meurtre ; Olga est jugée parce qu’elle a tué son enfant ; Alfred a volé de l’argent pour s’enfuir avec Frau Berlessen ; Frank témoigne en faveur du maître-chanteur. Olga est condamnée à la prison et Tunichtgut à la peine de mort mais  Alfred bénéficiera d’un sursis, et le maître chanteur sera relaxé.
Procès assez caricaturaux, qui se déroulent,  bien entendu, avec de grandes différences selon la classe sociale. Et cette  justice pas très claire et inadaptée va nourrir tout naturellement  les conflits et la perte des valeurs chez ceux qui en sont les victime désignées. Qui est criminel dans l’histoire, qui ne l’est pas, nous avertit Bruckner!..La leçon est encore valable.

Les plus cyniques s’en sortiront mais  Frank se fait arrêter pour faux témoignage. Ernestine se venge et  refuse de sauver Tunichtgut, donne ses économies à Kummerer et finit par se suicider. Kummerer, libéré des soucis d’argent, pourra  se consacrer à son livre de philosophie en attendant qu’Olga sorte de prison.
Bref, dans une  société  gangrenée et dépourvue de repères, les malversations financières, le vol et  le meurtre ne sont jamais très loin, et cela, chez les riches comme chez les pauvres… L’analyse et la  critique sociales à l’écart de tout jugement moral, sont des plus virulentes. Le théâtre chez  Bruckner deviendra  une arme politique..
Bien pessimiste quant à l’avenir de l’Allemagne, il  fait preuve d’une lucidité exceptionnelle et  son œuvre, dans cette période troublée, comporte une analyse politique tout à fait  visionnaire, quand il s’attaque au fascisme. Quelques années plus tard, quand Hitler prendra le pouvoir, il comprendra vite qu’il vaut mieux pour lui s’exiler en Autriche puis en France, en Suisse; il partira  enfin pour les  Etats-Unis en 36,  où il restera onze ans.
Les Criminels-et c’est tout à fait rare à l’époque-fait preuve d’une étonnante construction et Bruckner sait ce que dramaturgie veut dire. Les dialogues sont étincelants de force et de modernité et  les courtes scènes, ponctuée de silences, se succèdent rapidement comme dans un film-on peut presque penser au fameux Shortcuts de Robert Altman avec, une trentaine de  personnages soumis aux petits et grands drames de la vie quotidienne, et elles semblent avoir été écrites hier.  Quant aux personnages, ils restent, presque un siècle après, tout à fait crédibles, même si, bien entendu, l’actualité politique et sociale est  toute autre.
Mais la mise en scène de Richard Brunel  ne nous a pas vraiment convaincu. Certes, il y a de belles images et il sait manifestement diriger sa bande de seize comédiens, ce qui n’est pas simple sur ce double plateau… Claude Duparfait (Tunischgut), Murielle Colvez ( Frau von Wieg), Laurence Roy ( la présidente du tribunal) et  Angélique Calirand (Ernestine) s’en sortent très bien, mais  les autres moins… La pièce n’est sans doute pas facile à traiter mais Richard Brunel semble avoir  quelque mal à gérer l’espace et le temps. On  se demande  pourquoi il a  équipé ses acteurs de micros HF-maladie très actuelle-ce qui uniformise les voix et n’apporte absolument rien, d’autant plus que l’acoustique du Théâtre de la Colline est excellente.
Quant au double plateau tournant  et, tout de blanc vêtu,  conçu comme une architecture plutôt convaincante sur le plan esthétique, il  ne correspond à aucune nécessité dramaturgique. Et cette incessante circulation de personnages ne renforce en rien l’action , provoque le tournis et casse le rythme. Mieux vaut oublier les costumes  dont on ne sait à quelle époque ils peuvent bien appartenir…
On ne voit pas non plus pourquoi il y a un entracte, juste après un premier acte de soixante minutes, si ce n’est pour changer le décor, ce qui est des plus maladroits!Cela ressemble à une scénographie mais ce n’en est pas une. On ne s’ennuie pas vraiment mais  on se dit qu’il aurait  sans doute fallu ou choisir de restituer la pièce dans son époque- beaucoup de choses sont très précisément datées-ou bien de l’adapter…

Alors à voir? Pourquoi pas? Mais peut-être plus pour découvrir Bruckner. Sinon, on risque d’être assez déçu, d’autant plus que le spectacle dure trois heures…On vous aura prévenus, donc  à vous de voir.

Philippe du Vignal

Théâtre de la Colline jusqu’au 2 mars et:  Théâtre National de Toulouse du 13 au 15 mars; Comédie de Clermont-Ferrand du 27 au 28 mars;Théâtre du nord de  Lille du 4 au 12 avril.

Le texte de la pièce est publié aux Editions théâtrales (2011)

Actes sans paroles I

Actes sans paroles I de Samuel Beckett, mise en scène de Dominique Dupuy.

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 Acte sans paroles I, créé en  1957 au Royal Court Theatre de  Londres, fut repris quelques semaines plus tard au Studio des Champs-Élysées. C’est, quatre ans après Fin de Partie, une pièce assez rare qui va orienter l’écriture de Beckett  vers deux autres petites pièces: Quad et Film, un  court métrage expérimental  muet de vingt minutes, réalisé par Alan Schneider en 64 avec un seul personnage joué par Buster Keaton, qui influença sans doute, comme Actes sans paroles I , Bob Wilson alors à ses débuts.
Le texte d’Actes sans paroles I, ne comporte évidemment qu’une longue suite de didascalies, très précises quant à le gestuelle à adopter, tout en laissant une certaine marge de manœuvre à l’interprète:  » Un homme. Geste familier : il plie et déplie son mouchoir. Projeté à reculons de la coulisse droite, l’homme trébuche, tombe, se relève aussitôt, s’époussette, réfléchit. Coup de sifflet coulisse gauche. Il réfléchit, sort à gauche. Rejeté aussitôt en scène, il trébuche, tombe,  se relève aussitôt, s’époussette, réfléchit. Coup de sifflet coulisse gauche. Il réfléchit va vers la coulisse gauche, s’arrête avant de l’atteindre, se jette en arrière, trébuche, tombe, se relève aussitôt, s’époussette, réfléchit. Etc…
Ces indications très précises donnent à montrer une suite d’enchaînements que  « l’homme » comme Beckett le décrit, doit accomplir avec minutie. Il y a trois cubes, et un petit arbre qui descend des cintres, ainsi qu’une bouteille d’eau suspendue, que l’homme ne parviendra jamais à atteindre, et, au sol, une grosse paire de ciseaux pour couper une corde. Beckett a cherché ici à créer une sorte de gestuelle fondée sur la répétition, autre grand thème du théâtre wilsonien, et vouée à l’échec: L’Homme n’arrive pas à monter sur l’un des cubes, tombe souvent, recommence mais ne pourra jamais s’emparer de cet objet paradisiaque que représente pour lui une simple bouteille d’eau suspendue en l’air. Et le langage oral se réduit à quelques murmures à peine audibles.
Et,  quelque dix ans plus tard, on verra des images proches de celle-ci ),  comme cette  chaise ou cette arbre suspendu. Et aussi  l’arrivée en scène de Wilson, en habit noir, dans son mythique Regard du sourd (1970) qui arrivait à balbutier: « Ladies ans gentlemen, Ladies and gentle, laladies and gent…. C’était les derniers mots prononcés avant la suite d’images fabuleuses pendant  les six heures que durait  le spectacle.
Le mimodrame appartient en fait à une longue tradition du théâtre en France avec Debureau au 19 ème siècle puis  Decroux  au début des  années 30, puis  Barrault en 38 puis en 50, avec de pièces comme Maladie ou  Agonie et Mort, et Marcel Marceau enfin dans les années cinquante, Marceau dont nous avions vu avec un parent complètement sourd, une pièce Le Loup de Tsu Ku Mi, auquel personne dans le public n’avait rien compris.  A l’entracte, le dit parent avait ensuite expliqué  tout le scénario aux autres spectateurs! Le regard d’un sourd… Sacrée leçon de théâtre pour un adolescent à une époque où le verbe était  roi!
Dominique Dupuy, danseur, chorégraphe et théoricien, a travaillé auprès de Jérôme Andrews puis,   fonda en 55 avec sa femme Françoise, une compagnie dédiée à la recherche chorégraphique. Ils ont marqué d’un empreinte remarquable toute l’histoire de la danse contemporaine. Ce sont aussi eux qui introduisirent Merce Cunningham en France. Dominique Dupuy a ici  imaginé un spectacle en deux volets dont chacun reprend le scénario de Beckett dont il connaît l’œuvre depuis longtemps: « J’ai eu la chance, dit-il d’assister à la première d’En attendant Godot en 1953, puis d’être le témoin de la gestation en 1957 d’Acte sans paroles(…) Depuis, l’oeuvre et la pensée de Beckett ont nourri mes propres œuvres, notamment mes nombreux soli et, tout mon travail de création, de pédagogie, de recherche et d’écriture. Ainsi, inventer une nouvelle interprétation d’Acte sans paroles semble être une évidence aujourd’hui dans mon parcours de créateur et d’interprète. » J’ai imaginé donner de cette courte pièce, deux versions différentes, données consécutivement La première a pour interprète l’artiste de nouveau cirque,  et  je suis moi-même l’interprète de la deuxième ».
Tsirihaka Harrivel, est à la fois acrobate et danseur : miracle de la jeunesse du corps: ses mouvements sont d’une  magnifique  fluidité et il se coule avec  aisance sur le petit plateau noir où il y a juste un  régisseur qui tire les fils, et soit Dupuy soit Harrivel qui sert  alternativement d’assistant. Harrivel tombe, monte sur les cubes, court vers les doubles portes grises côté cour et côté jardin pour en ressortir en arrière, comme poussé par le vent, dans la gestuelle imaginée par Dominique Dupuy, à partir du texte de Beckett.
Dans la seconde partie, rigoureusement identique à la première, il va prendre la suite. Bien entendu, à quelque cinquante ans de distancee, le corps n’est pas identique mais Dupuy assume  avec beaucoup  de solidité le personnage de l’Homme, en butte aux objets. Chaque geste, plus lent sans doute, chaque attitude sur le plateau est d’une précision et d’une rigueur absolue, et le plus émouvant est de voir ces deux corps affronter successivement, dans une traduction personnelle,  les mêmes situations proposées par Beckett.
Et, pendant ces quelque quatre-vingt-dix minutes, ils proposent  une gestion du temps et de l’espace telles qu’on est  transporté dans un autre monde. Comme si, petit à petit, on était emporté par cette compulsion de répétition dans la vie psychique dont parle Freud qu’il  plaçait  au-dessus du principe de plaisir. Le public très attentif se laisse emmener par les images et  joue le jeu! Et les 90 minutes de ce spectacle étrange  et fascinant passent,  sans même que l’on s’en rende compte, comme dans une sorte de rêve éveillé. C’est, dans le silence absolu du studio,  quelque chose d’aussi brillant que singulièrement émouvant et qui aurait, dit Dominique Dupuy, aurait intéressé Laurence Louppe, historienne de la danse, disparue il y a juste un an…

Philippe du Vignal

Le spectacle a été donné au Théâtre National de Chaillot et est  joué en tournée:Les Hivernales d’Avignon, Théâtre du chien qui fume: le 24 février à 16h et  à la Comédie de Caen du 12 au 14 mars.

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Souterrainblues

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Souterrainblues de Peter Handke, adaptation et mise en scène de Christophe Perton

Jeté là sur le plateau, il hésite avant de s’y lancer, l’homme sauvage, puis il rugit, invective, prend à partie les voyageurs de la rame, car d’après le décor, les lumières et la bande son, c’est dans le métro qu’il fait irruption. »Et encore vous. Et encore devoir être parmi vous. Alleluia ! Miserere. Marée basse sans marée haute. Si au moins vous étiez des malfaiteurs ». Cependant la scène est vide, sauf un rang de strapontins de part et d’autre qui s’ouvrent et se referment, figurant les allées et venues de voyageurs fantômes.
Pendant près d’une heure et quart, Yann Collette, sorte de clochard métaphysique aux allures félines, tiendra le crachoir. Au fil des stations, du flux et reflux de passagers invisibles, il vitupère l’époque et accuse ses contemporains de laideur, le monde d’avoir abdiquer la beauté.
Rien ne trouve grâce à ses yeux : « Cessez de lire dans le métro – partout en public, d’ailleurs. À qui vous voulez donner ainsi donner la comédie de la lecture ? Lecture et lieux publics, deux choses qui s’excluent. Et par lecture, j’entends la vraie lecture, active. Ce que vous faites, là, avec ces livres entre les mains, c’est tout autre », dit-il.
Comme dans  sa toute première pièce, Outrage au public, Handke récidive trente huit ans plus tard : en 2004 Souterrainblues avait  été montée en allemand par Claus Peyman.  Mais , cette fois,dans ce long monologue, l’invective est plus ambiguë et, proférée par un personnage profondément malheureux, désespéré et solitaire, chargée d’humanité Le titre français ne peut traduire le jeu de mot du titre allemand Untertagsblues dont le sous-titre, Ein Stationsdrama  renvoie ironiquement à une forme théâtrale ancienne, et qui, ici, évoque autant les stations d’une ligne de métro que celles du chemin de croix ou d’une descente aux enfers : « Il n’y a plus qu’ici, dans la lumière des catacombes, que nous apparaissons? « Pourquoi rentrer chez soi ? Pourquoi ne pas rouler ainsi encore jusquʼà la fin amère et bienheureuse ? » se plaint l’homme.
Il faut du souffle pour entraîner l’auditoire dans ce voyage souterrain vers nulle part, au coeur des ténèbres de l’humanité occidentale moyenne, vilenpidant sa morale hypocrite, sa laideur et sa médiocrité. Et Yann Collette n’en manque pas, qui a su se saisir du texte dans toute son ambigüité, et en faire ressortir l’humour. Mais il y a un manque, un flottement dans la mise en scène, comme si parfois il s’y trouvait perdu. Il faut dire que c’était le soir de la première.
Espérons qu’au contact du public, il trouvera rythme et énergie. Ce n’est en tous cas pas la femme sauvage qui l’y aidera: deus ex machina, elle surgit au terminus, telle une furie ,pour l’accuser à son tour et lui ouvrir les yeux, ou lui montrer une voie de sortie, si l’on prend la pièce comme la métaphore d’une époque sans issue. Même si, dramaturgiquement, le personnage est conçu pour lui redonner espoir et humanité, cette apparition n’est pas très heureuse. Question d’écriture, de réalisation, d’interprétation ? À vous de voir.

Mireille Davidovici

Théâtre du Rond-Point jusqu’au 9 mars 20 T: 01-44-95-98-21

Souterrainblues traduit de l’allemand par Olivier Le Lay à paraître au Manteau d’Arlequin (Gallimard) mars 2013

Touchée par les fées

 

Touchée par les fées de Marie Despleschin, mise en scène de Thierry Thieu Niang. 

Ariane Ascaride avait répondu à une commande de la SACD  pour le Festival d’Avignon 2010 pour Les Sujets à vif dans la petite cour du lycée Saint-Joseph. Puis, à la demande de Philippe Mourrat et de Christine Chalas qui avaient vu cette première ébauche, elle a remis le fer à l’ouvrage avec Marie Desplechin et Thierry Thieu Niang pour élaborer un spectacle plus long.
Elle entre en scène  en  combinaison rouge, ses longs cheveux flottant sur ses épaules,  et s’étonne de l’incongruité de la commande: « Quel rôle avez-vous rêvé d’interpréter ? ».Elle fait le tour de ses rêves impossibles comme  jouer La Dame aux camélias… et tant d’autres.
Ariane Ascaride revient aussi à son enfance à Marseille, entre une mère muette devant un mari infidèle, représentant chez L’Oréal et  par ailleurs, père  passionné de théâtre amateur qui envoyait  ses enfants sur scène. Des rôles, elle en a joué depuis sa tendre enfance, avant d’entrer au Conservatoire National, d’épouser Robert Guédiguian et de tourner avec lui.
Elle est naïve, tendre et drôle, avec parfois, un brin d’accent marseillais qui lui revient, dans ce savoureux solo, qu’il n’était  pour autant pas nécessaire de rallonger…
Mais Ariane Ascaride donne ici un récit plus savoureux de son enfance que son frère Pierre, dans Inutile de tuer son père, le monde s’en charge, qu’elle avait mis en scène, il y a une dizaine d’années….

Edith Rappoport

Maison des Métallos jusqu’au 24 février T: 01-48-05-88-27
Autour du spectacle, films: Les neiges du Kilimandjaro le 16 février à 17 h et  La Ville est tranquille le 17 février à 17 h de Robert Guediguian
Ceux qui aiment la France d’Ariane Ascaride le 22 février à 14 h 30
et le dimanche 24 février à 17 h 30.

Le Réel/Lo Real/The Real

Le Réel/Lo Real/The Real par la Compagnie Israel Galvàn

Le Réel/Lo Real/The Real  le_reel_lo_real_the_real1Une tête d’oiseau, un port de bras unique, un corps fin avec un dos légèrement courbé font d’Israel Galvàn ,cet animal étrange que le public attend de revoir à chacun de ses passages parisiens.
Danseur de flamenco, formé à Séville, il en a fait exploser les codes .Pour cette nouvelle création , accompagné de ses deux danseuses, Belén Maya et Isabel Bayon, il a décidé de danser le réel, celui d’un épisode de l’histoire des gitans.
Un récit lié au flamenco: parmi les racines multiples de cette danse, est primordiale est l’influence de ce « peuple de promeneurs »,  comme dit Alexandre Romanes.
Le plateau nu,  va progressivement être occupé par des danseurs, des chanteurs et des musiciens,   pour évoquer la persécution et l’extermination des gitans durant la seconde guerre mondiale. Israel Galvàn commence par un prologue On tranche l’air. Seul, torse et pieds nus, avec un geste évoquant le salut nazi, il frappe, dans la pénombre, le sol rendu sonore par des micros,  et,  d’emblée,  nous reconnaissons sa danse désarticulée.
En surtitrage français, apparaissent alors  des textes comme  J’ai trouvé Hitler dans mon cœur ou Des cadavres poussent des fleurs… Une gitane vient heurter le sol de ses sabots, initiant un flamenco brutal,  qu’accompagne un mélange de chants,  de guitare, de violon, de piano, de saxo et de percussions, aux tonalités d’Europe centrale.
L’évocation des camps de concentration est parfois un peu trop illustrative, comme ces barbelés qui rendent prisonnière une danseuse, ou les images projetées des trains dans  Canta Gitano, le film  de Tony Gatlif. Mais ce voyage particulier a une force réelle, quand il évoque les cabarets de la mort, tel que l’on pouvait en voir dans le camp de  Terezin.
Israel Galvàn, avec ce spectacle de près de deux heures, prend  des risques  puisqu’il veut emporter le public dans son récit.  »Il s’agit de danser ce qui ne peut être dansé », dit-il, mais ce  n’est pas toujours évident avec une danse qui pourrait se suffire à elle-même. Le spectacle, mal accueilli en Espagne, a suscité  l’enthousiasme du public parisien et a dû le rassurer, même s’il avoue qu » à présent, je danse de façon plus claire et je parle de façon plus claire. Mais je suis sûrement encore plus perdu ».

Jean Couturier

Théâtre de la Ville jusqu’au 20 février.

www.israelgalvan.com

La femme gauchère

La femme gauchère, d’après le roman de Peter Handke, adaptation et mise en scène de Christophe Perton.
La femme gauchère femme-gauchere« »Sans raison », sous le coup d’une « illumination « , Marianne demande à son mari de partir, et de la laisser seule avec  leur fils de  dix  ans.
La voici, désormais sans homme, dans son pavillon de banlieue, aux prises avec la vie quotidienne et avec  la nécessité de travailler.
Confrontée à l’isolement jusqu’à la déréliction. Sous le microscope de  Handke, les faits et gestes insignifiants de sa vie quotidienne prennent une dimension singulière, et nous entrons de plein pied dans l’expérience quasi ascétique de la solitude.

Interviewé en 78 au Festival de Cannes, à la sortie du film qu’il a réalisé à partir de son roman, Handke dit de son héroïne : «C’est une femme qui n’existe pas encore, une utopie, une femme au-delà du discours féministe ; j’ai voulu montrer une femme seule qui s’en sort, forte, touchée par la grâce.»
Traduit en français par George-Arthur Goldsmidt en 80, le roman, comme le film, est souterrainement habité par le mouvement féministe et fut reçu en tant que tel. Si Christophe Perton n’a pas voulu traiter du féminisme, celui infuse le spectacle, renforcé par  une adaptation fidèle, et le décor et les costumes des années soixante-dix. « La femme » du roman s’incarne en Marianne, comme dans le film auquel on pense aussi fortement,  de par l’utilisation panoramique du plateau, le découpage en séquences ponctuées par  la voix off d’André Wilms.
Mais Judith Henri n’a rien à envier à Edith Clever, la Marianne du film: sa présence à la fois méticuleuse, désinvolte  et lunaire donne à la pièce toute son épaisseur. Une Marianne frêle et endurante face au faux calme de son mari (Grégoire Monsaingeon), aux déclarations intempestives d’Olivier Werner en bûcheron tendre, et à la cour discrète de son éditeur, (Yann Collette). L’enfant, très bien dirigé, porte, lui, un regard malicieux sur ce monde d’adultes pas mal dérangés.
Une belle scène le met en présence de son père, un Jean-Pierre Malo pétri d’ironie. Il dit à un type rencontré dans la rue et qui s’avère être un acteur au chômage: “Pour un acteur, vous n’êtes pas assez culotté. Vous voulez être un type comme dans ces films américains et pourtant, vous ne vous mettez jamais en jeu. C’est pourquoi, vous ne faites que poser. A mon avis, vous devriez un jour apprendre à courir vraiment, à crier vraiment, à ouvrir la bouche toute grande ».

Marianne, elle,  va jusqu’au bout d’elle-même, c’est cette radicalité sans idéologie qui la porte et qui porte le spectacle: « Mon mari dit de moi: ma femme est une rêveuse. Si rêver veut dire, être ce qu’on est, dit-elle, alors,  je veux être une rêveuse ».
Grâce au talent de Handke, ici très bien servi par la mise en scène et les interprètes, on suit le spectacle, malgré quelques longueurs,  comme une sorte de roman-photo. Dans le sillage des personnages qui gravitent autour de cette femme gauchère, il nous plonge dans un univers à la fois étrange et familier.

Mireille Davidovici

Théâtre du Rond-Point jusqu’au 9 mars T :0-44-95-98-21; T.N.P. à Villeurbanne du 12 au 16 mars  Villeurbanne. T: 04-78-03-30-00
 tnp-villeurbanne.com; Théâtre national de Nice du 20 au 23 mars. T: 04-93-13-90-90 tnn.fr

Montedidio

Montedidio, d’ Erri de Luca, adaptation et mise en scène de Lisa Wurmser

Erri de Luca est de ces auteurs qu’on adopte immédiatement, qu’on croit avoir toujours connu. Avec une très grande simplicité et une aussi grande élégance, populaire, mais ni prolétarienne ni, encore moins, populiste, il raconte dans Montedidio son enfance de gamin de Naples, au milieu du siècle dernier (il est né en 1950).
Sa Naples est à la fois très épurée et très riche : les ordures traînent par terre, mais peu importe : l’enfant regarde vers le haut, la mer scintille, le pêcheur capture parfois un thon – il y aura à manger pour une semaine ! -il y a de l’amour sans faille entre les parents (même si la mère s’en va dans la folie) et les anges existent. Au moins un : Don Rafaniello, le cordonnier, qui cache ses ailes dans sa bosse : un jour, il s’envolera pour Jérusalem.
L’ange fabrique des sandales pour les va-nu-pieds et laisse entrevoir à l’enfant un monde terrible, quelque part au milieu de l’Europe. Enfant, enfant… mais, à treize ans il travaille. déjà.  De là, à devenir homme, il n’y a qu’un pas, et c’est le  thème de ce récit.
Lisa Wurmser s’est approprié Erri de Luca à sa façon, légitime. Elle avait mis en scène La Grande magie, d’Eduardo de Filippo, et elle connaît Naples “en vrai“, sans folklore, dans ce que raconte de la ville, sa littérature et  son théâtre. Elle a trouvé en Michel Iodice un artiste scénographe qui va dans le sens de cette Naples véritable, populaire et poétique : son décor où entre de la magie, est comme un grand jouet, comme un ex-voto à la vie, une allusion à l’art naïf des croyances populaires. Pour croire aux saints, peut-être on n’a-t-on pas besoin de croire en Dieu.
Les comédiens sont justes et touchants (Chad Chenouga, le père, Andrea de Luca, le menuisier et le pêcheur) mais les deux plus jeunes (Léa Girardet et Jérémie Lipman) sont un peu trop bondissants pour la petite scène de l’Atalante. Une mention particulière pour François Lalande (Don Rafaniello) : avec la pudeur extrême qu’Erri de Luca donne au personnage, dans ses silences, dans la douleur des ailes qui se déploient – de pauvres ailes de théâtre-, il atteint la poésie du tragique.
Montedidio
fait beau récit à trois: l’auteur, la metteuse en scène qui apporte son Naples, un scénographe  dont on peut voir quelques œuvres en photo dans le hall du théâtre. Après cela, lisez Erri de Luca, et il vous appartiendra, à vous aussi.

Christine Friedel

Théâtre de l’Atalante jusqu’au 9 mars. T: 01-46-06-11-90

Métamorphose

Métamorphose, d’après la nouvelle de Kafka, adaptation et mise en scène Sylvain Maurice.

 

Métamorphose metamorphoseLa tragédie commence toujours par:  » ce jour-là…. Les contes aussi : « un jour…, le jour où un accident, un événement se produit. Métamorphose est le conte le plus fantastique et le plus réel que l’on connaisse. Ce jour-là Grégor Samsa, soutien de famille – c’est-à-dire d’un père commerçant ruiné, d’une mère qui fait de la couture et d’une sœur trop jeune – ne se réveille pas, ne prend pas son train et ne va pas travailler.
Il a craqué. Kafka représente ce craquage par la métamorphose en une sorte de cancrelat inreprésentable, et en tout cas, pas présentable du tout, dont les craquements terrifient et dégoûtent la maisonnée.
Puis, du jour où l’inutile Gregor disparaît du cercle-ou du carré-familial, le reste de la famille reprend du poil de la bête. Le fils mort, le parasite écrasé, ce sera la délivrance des énergies, des désirs. Quant aux restes d’amour maternel et sororal, ils auront été dispersés avec les restes et l’odeur de la bête. Laissons de côté toute interprétation métaphorique et constatons la belle proportion mathématique qui existe entre la force de Gregor et la faiblesse de sa famille et inversement.
Sylvain Maurice avait fait du théâtre-récit avec L’Adversaire, tiré du roman d’Emmanuel Carrère, qui a pour thème l’affaire Romand. Ici, il fait du théâtre-images. En peu de mots, il met sur le plateau un système familial qu’on voit se dérégler, au prix de l’anéantissement du fils. D’abord invisible, il est enfermé dans un énorme cylindre-lourde image de la machine à broyer-, puis apparaît furtivement, en homme maigre et inquiet, réfugié dans son armoire, tandis que le “locataire“, l’intrus qui devrait apporter un peu d’argent à sa place, apparaît, lui, avec un masque monstrueux. Si l’on voit peu Gregor, grâce à la vidéo, on voit ce qu’il voit : la caméra subjective suit ses attentes, ses peurs, l’épouvante de la cascade de déchets qui lui est versée comme nourriture… Pendant ce temps, la tournette désarticule le cylindre en un labyrinthe où la famille se croise, implacablement séparée ou grotesquement réunie.

Tout est très bien fait, la mécanique est impeccable, le travail du son remarquable, et ça ne fonctionne pas vraiment. Le décor trop lourd laisse peu de place aux très bons Nadine Berland et Marc Berman (les parents). Leur partition est trop courte et trop logiquement banale pour qu’ils puissent s’imposer face à cette machine. Ils ont quand même de beaux élans, Arnaud Lecarpentier apporte en belle étrangeté en vieille femme virile, Emilie Bobillot (la sœur) réussit un mélange assez rude de brutalité et de tendresse. Cela ne suffit pas. Peut-être fallait-il qu’ils prissent (prissent !) le temps d’aller jusqu’à la grâce de la marionnette. Sylvain Maurice avait parfaitement réussi l’équilibre du son, de l’image, de l’acteur avec La Chute de la Maison Usher, l’année dernière à la Maison de la Poésie. Cette fois, l’équilibre n’y est pas.

Christine Friedel

 

Théâtre de la Commune d’Aubervilliers – jusqu’au 23 février – 01 48 33 16 16

 

 

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