Jack l’Eventreur
Jack l’Eventreur de Robert Desnos, adaptation et mise en scène de Vincent Poirier.
Robert Desnos, cet immense poète, qui était né en 1900, mourut de typhus dans un camp de concentration en 45 au camp nazi de Theresientstadt en Tchecoslovaquie, s’inspira d’un fait-divers survenu en 1928: la découverte d’une femme retrouvée en morceaux dans les bois de Marly . Et il publia la même année, dans Paris Matinal, une série d’articles autour du célèbre Jack l’éventreur. Il y évoqua les meurtres en série et souvent les véritables dissections que ce triste sire-mais fort élégant personnage-exécuta sur de pauvres filles qui faisaient le trottoir dans le quartier misérable de White Chapel à Londres. Provoquant une panique généralisée dès que la nuit tombait et très habile, il ne fut jamais identifié , avant de passer à la postérité comme un véritable mythe des noirceurs de l’âme humaine.
Possédant de réelles connaissance en anatomie, il tuait puis découpait ses victimes au couteau avec beaucoup de soin. Robert Desnos raconte cela, crime après crime, en insistant sur les modalités de chacune de ces exécutions, sans que cela soit bien passionnant, quand ces évocations, mises bout à bout, se succèdent de façon répétitive.
Sur scène, un violoncelliste présent à l’entrée du public, qui accompagne certaines scènes et au centre, une sorte de cadre de bois vertical, et au sol un peu plus loin,une lampe-torche et deux flûtes dont le violoncelliste fera sortir des notes stridentes. Le récitant/acteur s’empare du texte d’une voix monocorde dans une pénombre qui ne va pas tarder à devenir un noir absolu, de plus en plus souvent accompagné d’une danseuse, dont le visage est couvert par un masque insolite et tout à fait étonnant, celui d’une adolescente au visage poupin encadré de longues nattes qui jouera les différents victimes de Jack l’éventreur.
L’acteur n’en finit pas de détailler les circonstances de chaque meurtre mais c’est mission impossible: très vite, un ennui pesant tombe sur le public composé ce soir-là de jeunes lycéens qui trouvaient plutôt drôle cette litanie dans l’obscurité ou la demi-obscurité, et en riaient, parlaient entre eux en se moquant de cette chose à la fois aussi vaine que prétentieuse… et qui n’arrivait jamais à faire théâtre.
La professeur qui les avait traîné là avait-elle vu le spectacle avant? On peut en douter ! En tout cas, elle a perdu une belle occasion de faire aimer le théâtre à ses élèves qui n’étaient pas dupes de l’extrême médiocrité du projet. Mais que l’on ne vienne surtout pas nous dire que c’était la faute à ce public d’élèves. ne confondons pas cause et conséquence! Cinquante-cinq minutes après, la chose s’est arrêtée soudain, comme en panne, et le comédien, visiblement furieux, le violoncelliste et la danseuse ont salué, avec quelques tout petits applaudissements, puis ont vite disparu…
Que sauver de cette soirée perdue que l’on oubliera très vite? Rien qu’un beau masque, et à la toute fin, l’ombre d’une ombre, comme aurait dit Desnos, d’un frémissement de sens… Mais on se demande encore bien pourquoi Le Lucernaire a cru bon d’accueillir cette démonstration ennuyeuse !
Philippe du Vignal
Théâtre du Lucernaire jusqu’au 16 mars.