Attifa

Attifa de Yambolé, conception et écriture de Valérie Véril, mise en scène de Philipe Nicolle.

Attifa 332516_2654729808476_1262756120_33141368_1947434132_o-960x721Dans la tradition des contes africains,  Valérie Véril a écrit ce solo qu’elle joue, en grand pagne et,  avec juste,  un petit siège en bois et une table couverte d’une nappe en patchwork où elle a disposé quelques  percussions dont elle se servira au cours de son récit.
C’est l’histoire,  si l’on veut,  d’une petite fille  qui “cherche à se délivrer du grand chagrin qui pèse sur son cœur: celui de n’avoir pas donné à sa mère un dernier baiser, le jour où dans la grand forêt, elle disparut à tout jamais”.

Les hommes et les femmes, leurs  noms et prénoms, comme  les paysages,  sont africains mais  c’est, en fait,  un conte sur le racisme ordinaire,  avec une  caricature féroce de touriste-une Marie-Chantal européenne découvrant une autre civilisation-du genre :“ L’Afrique est un pays cruel”. “ Il ne faut pas les juger, il sont différents”. “Ils n’ont pas les mêmes critères de beauté que chez nous”. “Il n’y avait pas de vin au menu, mais de la bière comme en Allemagne. “Les salutations à l’africaine, c’est spécial et cela dure très longtemps”.  “Ils se ressemblent tous beaucoup”.  Avec une généralisation systématique à partir de faits réels et une mise au pluriel  des sentiments (“ils”) qui frise un début de bon racisme.
Il y a aussi l’évocation de  séjours centrés sur l’humanitaire,  où la Marie-Chantal de service qui se pose plein de questions concernant sa présence en Afrique, fait remarquer “que cela doit tout de même rester des vacances”. et “qu’une partie des dépenses est déductible des impôts”.C’est souvent drôle, et rappelle bien des choses surtout quand on a vécu au Bénin,  et cela fourmille de remarques aussi stupides que vulgaires, au second degré bien entendu : “Nafisssatou, comme celle de DSK , sauf que je l’avais écrit avant lui”.
Un cocktail de culpabilité (nos anciennes colonies), de léger mépris et d‘incompréhension  mais aussi de naïveté mêlée de bêtise, copieusement parfumé à l’ethnocentrisme: “J’ai voulu créer un spectacle sur les préjugés et les stéréotypes raciaux incrustés dans l’inconscient collectif” dit Valérie  Véril. Et c’est souvent assez bien vu dans son jeu décalé et  dans la  direction d’acteurs de Philippe Nicolle, le directeur de la compagnie des 26.000 couverts.
De là , « à nous interpeller sur notre propre vécu »! Là, cela  fonctionne moins bien, surtout quand Valérie Véril essaye de faire chanter et mimer le public, d’autant que le spectacle est quand même un peu long pour le conte qu’il prétend être. Et Nicolle aurait pu  nous épargner  un début pénible où, dans  la ligne du théâtre dans le théâtre des 26.000 couverts, la comédienne nous  avertit que le spectacle,  suite à une erreur dans le texte de présentation et à une mauvaise coordination entre la compagnie et le Grand Parquet, le spectacle est en fait destiné à un public non en-dessous mais au-dessus de quatorze ans!

Alors à voir?  Ces soixante-dix minutes passent assez vite mais le texte-un peu bavard-nous laisse  quand même  sur notre faim , et le spectacle aurait  beaucoup  gagné à être resserré… Donc à vous de voir.

Philippe du Vignal

Le Grand Parquet, 35 rue d’Aubervilliers 75018 Paris Métro Stalingrad, jusqu’au 31 mars.


Archive pour 17 mars, 2013

Le 20 novembre

Le 20 novembre de Lars Norén, traduction de Katrin Ahlgren,  adaptation  et mise en scène de Brigitte Haentjens.

 

Le 20 novembre  novembre20securedownloadCréé en français en 2007 quand  Norén, auteur suédois bien connu, avait  dirigé Anne Tismer au festival de Liège, ce monologue  a vu le jour à Montréal en 2011. C’est l’histoire d’un jeune Allemand, (Christian Lapointe), qui nous lance froidement un défi.Le regard glacial,  un gros sac bourré de tout le nécessaire pour mettre fin aux jours d’une petite communauté d’élèves,  il est là devant nous, nerveux, tendu, inquiet,  avec le regard d’un  fauve, tout à fait  dans le sillage de ces autres êtres profondément troublés (Ingeborg Bachmann et  Sylvia Plath), et dont la vie tragique avait déjà attiré l’attention de la  metteuse en scène montréalaise.
La pièce est inspirée des notes et d’un film postés sur YouTube par  ce  jeune  de 18 ans, peu avant de tuer  élèves et professeurs de son ancienne école. La matière est donc authentique mais Norén explore le  comportement du jeune homme  et essaye de comprendre les causes de cette mise à mort collective qui a choqué le pays tout entier. Le monologue de Norén devient une rencontre en temps réel, entre le public et le jeune homme, une heure avant son geste meurtrier.
Le voici, avec son fusil, gesticulant, hurlant ou parlant plus doucement, quand il affirme : « Il n’y a plus de retour  » « Je ne peux plus vivre parmi vous ». Il estime avoir le droit de  se venger  de cette société bourgeoise qu’il déteste, puisque, selon lui, elle l’a blessé et brûlé. Les explications de sa révolte seraient presque banales. Mais,  grâce à Christian Lapointe, la manière qu’il a de livrer des déclarations confuses met en évidence notre impuissance. Dès que l’acteur  disparait brusquement, c’est la fin, mais le public  ne bouge pas. On ne sait pas s’il faut applaudir ou  s’en aller discrètement.
Il y a, en fait,  dans ce spectacle, une  certaine confusion esthétique. D’abord, la présence  de l’acteur a quelque chose de tellement fort que l’effet de réel est presque parfait, du moins pour ceux qui n‘ont jamais  vu une pièce de Lars Norén, ni  Christian Lapointe. Les spectateurs étaient sidérés par ses envolées délirantes, ses plaintes , sa rage contre un système qui n’a pas permis à un jeune de vivre sa vie librement. Sébastian est un écorché vif qui porte tous les maux de sa génération. Il insiste souvent: « Je ne suis pas nazi « . Mais le poids de l’histoire allemande semble  trop lourd à porter pour cette jeunesse, même après tant d’années.
Curieusement, dans le même souffle, il  développe en effet  un discours xénophobe et raciste,  inspiré de celui des skinheads, pour se réapproprier un passé dont on ne parle plus, pour défier les bien-pensants qui ne veulent pas le voir. Les contradictions sont flagrantes et suffisent à faire comprendre la confusion qui règne dans cette tête,  brûlante de haine,  contre les professeurs, les parents, le système….
Pour le prouver, il menace le public : « Vous allez voir « ,  » Vous allez payer « ,   » Cela suffit maintenant « . Son regard est pénétrant, terrifiant. Il nous fixe des yeux et nous empêche de regarder ailleurs. Sa vengeance a déjà commencé et nous  n’avons pas la possibilité de nous enfuir. Mais le jeu  de Christian Lapointe finit par  tomber dans  une vision  hyperthéâtrale qui neutralise l’effet de réel et change radicalement nos rapports avec cette figure inquiétante. L’horreur de la situation ne nous bouleverse plus et il est évident que l’acteur fait alors semblant.
Sebastian a une  voix d’ange exterminateur :  » Je ne serai pas le dernier », et le voilà visionnaire qui annonce les autres victimes qui suivront. La colère et le délire s’installent. Il saute comme un animal, lèche l’eau dans une assiette comme un chien. Il ouvre la bouche mais sa voix se bloque. Avec un ton de menace à peine voilée,  il invite  des spectateurs à parler: « Vous avez quoi comme voiture?  » Pour qu’ils étalent leurs habitudes de consommation au grand jour, question de leur faire honte et de les punir! Le public est invité à parler mais  on le lui refuse!  Aucun échange en effet entre l’artiste et le public n’est prévu dans le texte: la dictature des institutions  enlève la liberté de parole … Tout n’est que paraître et on  ne peut  plus avancer….
Nous connaissons en effet la suite de l’affaire; nous comprenons les mobiles de son choix de vie. Il n’y a donc plus rien à découvrir et nous avons déjà tout compris. Les gestes du jeune homme, comme ses paroles, deviennent alors  répétitifs,  et le spectacle s’essouffle. Le 20 novembre  commence bien, soutenu par un comédien très solide mais  perd de sa vitalité,  quand il plonge dans un spectaculaire qui s’essouffle.  Captivés  au départ, nous  refusons de nous  laisser prendre à un jeu qui, à la fin,  tourne à vide.
Ce monologue de Norén est  si délicat et fragile qu’il est difficile de prévoir les retombées de la modulation d’un ton de voix, d’un geste, d’un regard, ou d’un effet scénique. Le 20 novembre nécessite une écoute  attentive comme pour Calme de ce  même auteur, que Jean-Louis Martinelli a mis récemment mis en scène au Théâtre Nanterre- Amandiers (voir Le Théâtre du Blog).
Mais Le 20 novembre est  une œuvre forte, et d’une  actualité qui devrait nous faire réfléchir.Norén, négligé au Canada,  devrait y être mieux connu.

Alvina Ruprecht

Théâtre français du Centre national des Arts à Ottawa. du 12 au 16 mars.

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