L’Oral et Hardi

L’Oral et Hardi, textes de Jean-Pierre Verheggen, par Jacques Bonnafé.

Publié par les éditions Camino Verde, ce livre accompagné d’un CD permet de lire et surtout d’entendre, par la voix  de Jacques Bonnafé, quelques-uns des textes de ce merveilleux écrivain  belge, qui a fait de la parodie, matière à poésie, en n’hésitant pas à  dénoncer les stéréotypes du langage français depuis  sa wallonie natale. C’est aussi brillant que pulpeux,  et fascinant pour un comédien qui veut bien s’emparer de cet incroyable cocktail où les mots et les sonorités se bousculent dans un joyeux  tohu-bohu.
 En 2009, L’Oral et Hardi, donc merveilleusement mis en scène et interprété  par Jacques Bonnafé, fut  récompensé par un Molière.  Et l’acteur a raison de dire que » l’on peut écrire ce que l’on veut sur l’œuvre de Jean-Pierre Verheggen, qu’elle est grandiose, unique, féconde ou fondatrice, provocante, réjouissante, inégalable, publiée, consultée et reconnue par tous les grands lecteurs de poésie contemporaine ou les vrais amateurs d’art, il reste toujours à la faire  entendre. la livre en scène. Crue et et physique ».
Bonnafé s’en donne à cœur joie, et lance, avec une diction et une précision impeccables dans l’art de dire,  ces discours et textes délirants comme, entre autres,  ce Manifeste cochon ou ces Discours officiels ou encore Cafougnette à Ostende que l’acteur sait faire partager avec beaucoup de gourmandise et de jubilation. C’est à chaque fois différent mais ces dix-sept petits textes savoureux, enregistrés pendant des représentations, sont autant de moments d’anthologie. Et, c’est assez rare pour être souligné, l’oralité et la scène,  avec ce que cela suppose de dépense physique chez le comédien, donne une superbe dimension à cette poésie où la langue française est à l’honneur.

Philippe du Vignal

Camino Verde . 20€

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Archive pour 23 mars, 2013

Sam de Jean Martin

Sam de Jean Martin, avec des dessins de Jean-Paul Chambas.

C’est un petit objet précieux, de format carte postale,   composé de dix cahiers de quatre pages chacun avec quelques très beaux dessins de Jean-Paul Chambas. Jean Martin? Un nom qui ne dira rien à la plupart de nos lecteurs… Jean Martin-disparu il y a  trois ans- raconte sobrement  LE moment de sa vie,  en quelques pages…Quelle aventure  En 1953,  jeune  acteur de trente ans qui n’avait pas trop d’engagements, reçoit un jour de Roger  Blin   un pneumatique pour lui  demander de remplacer Pierre Louki dans un rôle qu’il ne pouvait tenir…. Jean Martin se rendit évidemment très vite dans le  petit théâtre de Babylone aujourd’hui disparu dans la cour du 38 Boulevard Raspail, tout près de la station Sèvres-Babylone. Roger Blin, le metteur en scène de la pièce lui dit:  « Ah! Enfin! On a besoin de toi. Je te présente l’auteur. Et Jean Martin de préciser:  » L’homme aux lunettes tira de de sa gorge une raucité  moqueuse et réprobatrice en se tournant vers moi. Je n’oublierai jamais l’impression qu’il me fit, ni son œil, ni son allure ».
 Le rôle: Lucky? La pièce: En attendant Godot! A quoi tient parfois un destin de théâtre!
C’est une histoire comme rêveraient d’en vivre des milliers de jeunes comédiens.. Jean Martin deviendra ensuite un ami intime de Sam, comme il dit, et de son épouse. Quatre ans après Godot, il jouera aussi Clov dans Fin de partie du même Beckett, et ensuite, un peu partout: Ionesco, Vauthier,  Pinget, Brecht, Ribes mais aussi Shakespeare, Claudel, Tchekov avec Roger Blin, Jean-Marie Serreau, Jean-Louis Barrault, Christian Benedetti, Brigitte Jaques, et dans une cinquantaine de films, entre autres:  La Bataille d’Alger  de Gilles Pontecorvo et dans Les Compagnons de Baal de Jacques Champreux et Pierre Prévert en 68.

Philippe du Vignal

Archimbaud éditeur

La Place royale

La Place royale de Pierre Corneille,  mise en scène, décor et costumes d’Eric Vigner, film de Julien Condemine.

La Place royale cdi002_3dPièce de jeunesse de Corneille -il avait 28 ans- La Place Royale parle évidemment… de la jeunesse. Alidor est  amoureux d’Angélique, mais n’envisage pas de se marier avec elle, ce qui signifierait la perte de sa liberté. Angélique est aussi amoureuse mais finit  par en avoir assez des intrigues d’Alidor et  quittera la vie mondaine par entrer au couvent…Éric Vigner a remis en scène,  en 2011, cette même comédie écrite avec intelligence et sensibilité par le futur auteur tragique que Corneille n’était pas encore.
Vigner avait déjà créé la pièce  en 86, quand il était encore au Conservatoire national. Il a choisi cette fois  sept  jeunes interprètes,  entre vingt et trente ans et  tous  de pays différents: Vlad Chirita, Lahcen Elmazouzi, Eye Haidara, Hyunjoo Lee, Tommy Milliot, Nico Rogner, Isaïe Sultan pour lesquels Éric Vigner a créé l’Académie au Centre dramatique de Lorient.  Anne-Laure Liégeois s’était  emparée de cette pièce cette année,  en la situant dans un bal-parquet  des campagnes (voir Le Théâtre du Blog)
Ce DVD essaye de retranscrire fidèlement une mise en scène que nous n’avions pu voir, et pour laquelle Vigner, dit-il, s’est appuyé sur un texte d’Octave Nadal, excellent  spécialiste de Corneille et prof à la Sorbonne dont nous gardons un bon souvenir. Eric Vigner a  voulu « inscrire la pièce dans une socialité plus précise et plus contemporaine, ce qui permettra aux discours exposées d’être mieux entendus, par contraste, tout en faisant résonner cette langue admirable ».
On veut bien… Mais, dans cette mise en scène, il y a du bon et… du vraiment pas très bon. A la fois, un côté décalé-par exemple, juste des plaques de verre montés sur des cubes en bois-on voit que Vigner  a suivi des études d’art plastique- que les comédiens déplacent eux-même suivant les besoins  et un rupture avec une mise en scène classique jusqu’au décapage, et une idée  intelligente: faire appel à de jeunes comédiens étrangers pour renouveler le langage cornélien. Comme ils sont tous jeunes et beaux, cela fait comme un appel d’air tout à fait bénéfique.
Mais cela dit, ensuite, le résultat n’est pas tout à fait à la hauteur: on veut bien admettre que qu’Eric Vigner, ait aussi choisi de dessiner les costumes qui sont malheureusement presque tous d’une rare prétention et d’une cacophonie terrifiante: les filles et garçons, sont  en pantalons étroits aux couleurs blanche, verte, voire jaune et violette, avec des paillettes un peu partout. Sans  doute pour dire la jeunesse dorée?  Avec, au sol, un tapis composé de triangles noirs, rouges, jaunes et blancs! Sans doute, pour dire la modernité? Tous aux abris!
Les jeunes comédiens sont  très à l’aise devant la caméra mais certains ont un accent prononcé et une diction approximative, ce qui est quand même ennuyeux quand on dit du Corneille, et,  comme la prise de son est loin d’être excellente, on n’écoute pas d’une oreille attentive un jeu quelque peu superficiel,  comme si ces jeunes acteurs n’osaient pas aller plus loin. Du coup, le texte passe à la trappe! Dommage! Mais on regarde avec plaisir le danses réglées par Béatrice Massin. On préfère nettement voir La Place royale,  mise en scène de  Brigitte Jaques (92), dans le film réalisé par Benoît Jaquot …
Ce fils du spectacle fait trop souvent penser à un exercice d’acteurs qu’il aurait dû rester!

Philippe du Vignal

DVD édité par La Compagnie des Indes et le CDBB-Théâtre de Lorient-Centre Dramatique National

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