Notre exception culturelle

Notre exception culturelle : une ambition française ? Dans le cadre de la 22e journée du livre politique à l’Assemblée Nationale.

C’est sous l’or des salons de l’Assemblée Nationale, que s’est déroulée une  rencontre animée par la journaliste Arlette Chabot. Renaud de Spens, auteur d’un Dictionnaire impertinent de la Chine, a parlé des modifications du langage que la mondialisation induit et a pris  pour exemple le « Votre honneur » que les témoins  d’une affaire judiciaire  en France utilisent,  sous l’influence des  séries télévisées américaines !

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Muriel Mayette, administratrice de la Comédie-Française, parle de ses voyages à l’étranger avec  la troupe qui véhicule la langue française et elle  cite la phrase d’un ministre soviétique de la culture en 1950: « Quand les muses parlent, les canons se taisent ». Elle insiste aussi sur l’importance de la traduction et sur  son besoin d’actualisation permanente. La traduction, remarque-t-elle, est une trahison nécessaire ». Pour elle,  la notion d’oralité et de travail obligatoire de la mémoire  pour un comédien semble se perdre aujourd’hui.
Alain-Gérard Slama, journaliste et historien, souligne que la culture française n’a jamais été aussi haute à l’étranger, qu’à l’époque où elle  s’identifiait aux écrivains qui s’occupaient du domaine public, comme Victor Hugo, par exemple. Pour lui, le « tout culturel », sans périmètre défini, a beaucoup de défauts. Il ne pense  pas être conservateur mais, selon lui, nous sommes installés dans une période où il y a une confusion des genres, notamment à cause d’Internet et des réseaux sociaux qui ont bouleversé la diffusion de la culture.
Cette confusion nuit à l’exception culturelle française, en particulier,  quand d’autres cultures sont régies  par des perspectives de rentabilités économiques, comme, là encore,  celle des Etats-Unis,  support de la mondialisation. En 1955, c’était il y a bien longtemps… un utopiste écrivait :  » De toute façon, le théâtre appartient à la vie de l’homme, il lui est aussi nécessaire que le manger. Du moins, en notre Europe. Allemagne, Angleterre, France, Italie, Espagne, Grèce, chacun de ces pays à son tour, a pris en charge, au cours des temps, la civilisation par le moyen artisanal du théâtre. » Il se nommait Jean Vilar.

Jean Couturier
www.lirelapolitique.com


Archive pour 11 avril, 2013

On ne paie pas, on ne paie pas!

On ne paie pas, on ne paie pas! de Dario Fo, version française de Toni Cecchinato et Nicole Colchat, mise en scène de Joan Mompart.

C’est avec Non paga! Non paga! qu’en 74, Dario Fo et son épouse Franca Rame avaient inauguré leur théâtre à Milan. La pièce connut très vite le succès et les Italiens apprécièrent l’anticonformisme et l’engagement social de celui qui devait à plusieurs reprise connaître des démêlés avec la justice de son pays mais aussi avec le Vatican., toujours prêt à donner des leçons de morale sociale, surtout en Italie où il occupait à l’époque  une place prépondérante sur l’échiquier politique.. Mais  Dario Fo devait recevoir en 97 le, prix Nobel de Littérature, et pan sur le bec du Vatican!
On ne paie pas! On ne paie pas! avait été très bien monté par Jacques Nichet en 2007. Trente neuf ans plus tard, après sa création quand de nombreux italiens vivaient encore dans un état voisin de la misère, il était tentant d’aller voir ce que cette farce politique, inspirée par les luttes des quartiers ouvriers en Italie juste après 68, était encore actuelle. Hélas, oui!  A l’heure de la démondialisation, des fermetures d’usines et du chômage en Europe, et des cahuzaqueries en tout genre…Il y eut d’autres luttes et pas seulement en Italie, comme pendant l’été 2012, en Andalousie, des femmes et des hommes remplirent de nourriture une dizaine de caddies dans un super-marché pour aller la redistribuer à des familles qui en avaient un besoin urgent…
Joan Mompart , compagnon de route d’Omar Porras , comédien et metteur en scène suisse, s’est emparé de la pièce et en a réalisé une adaptation qui fait parfois davantage référence à notre monde qui ne tourne toujours pas rond et où les pauvres sont de plus en plus pauvres. La fable initiale: une femme Antonia qui n’arrive plus à payer son loyer ni le gaz ni l’électricité se joint à d’autres pour aller piller un super-marché. Son amie Margherita est plus timorée, a toujours peur que les ennuis n’arrivent. Une fois les provisions rapportées à la maison, ils s’agit de les soustraire au regard de son mari Giovanni, lui, très respectueux de la loi et qui prône l’ordre et la sécurité.

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Antonia, va  alors s’embourber sans des mensonges de plus en plus invraisemblables, jusqu’à lui faire croire que son amie est réellement enceinte, alors que son ventre très arrondi dissimule de la nourriture volée. Antonia, jamais à bout d‘arguments frappés au coin de la mauvaise foi la plus absolue,  devra aussi faire face aux perquisitions du brigadier de police avec lequel son mari sympathisera…

On ne saura jamais si Giovanni est sincère mais il croit longtemps aux mystifications concoctées par sa femme. Jusqu’au grand déballage final où les deux maris, dans un renversement des plus farcesques, avouent qu’ils ont eux aussi soustrait de la nourriture avant de la dissimuler dans un cercueil… Comme l’indique Joan Bompart, la version de 74, Giovanni revendiquait à la fin: “ Un monde où l’on serait même contents de travailler… comme des êtres humains, des hommes et des femmes, et non comme des bêtes abruties, sans joie et sans imagination”.
En 2007, ce n’est plus lui qui est le porte-parole de l’espérance mais son épouse: Dario Fo, qui a en effet changé un peu la fin, fait dire à Margherita : “Si on ne relève pas la tête, si on ne reprend pas courage, on va se diluer petit à petit dans la peinture, comme une antique pièce de musée”.

On ne paie pas , on ne paie pas! n’a rien perdu de sa virulence et les meilleurs scènes de cette farce politique, contemporaine des films engagés d’Elio Petri, de Francesco Rosi ou de Bernardo Bertolucci (dont une photo projetée de son film 1900 clôt le spectacle, sont toujours aussi impressionnantes et révélatrices d’un savoir-faire théâtral en matière de scénario et de dialogue acquis au gré de nombreuses représentations en milieu populaire. Dario Fo ne se prive même pas de faire du théâtre dans le théâtre et les acteurs, parfois, avec toute l’énergie du jeu, expliquent au public très complice,  qu’ils doivent aussi interpréter  un autre personnage!
Reste à mettre en scène et à jouer cette farce qui, construite sur une base réaliste, tourne  vite au délire fantastique. Et là, Joan Mompart ne sait pas vraiment  faire; les comédiens désolé-du moins tels qu’ils ont été dirigés-n’ont la dimension requise pour jouer ce type de spectacle qui devrait être une farce d’une rare violence, où l’expression du corps est essentielle. Brigitte Rosset (Antonia), surtout au début où elle boule son texte que l’on arrive à peine à comprendre, navigue à vue, comme ses camarades, et c’est d’autant plus ennuyeux qu’elle est le pivot de la pièce.
La faute à quoi? Probablement et surtout à un manque de rythme dans la mise en scène -essentiel dans le comique-(voir Keaton, Laurel et Hardy, ou Chaplin),  et à une direction d’acteurs pas trop insuffisante.

La scénographie est au départ assez séduisante, avec l’image en fond de plateau, d’une barre sordide de H.L.M. et ses meubles amenés sur des rails coulissants. C’est de la belle mécanique mais quand tout, à la fin, les meubles comme le plateau, se mettent à osciller, on se dit que l’univers de Dario Fo n’avait pas besoin de tout cela pour fonctionner.
Cela dit, on rit souvent, et le public ne boude pas son plaisir, parce que l’invention verbale de Dario Fo arrive quand même à passer mais cette mise en scène  nous laisse vraiment sur notre faim…

Philippe du Vignal

Théâtre 71, Malakoff jusqu’au 15 avril. T: 01-55-48-91-00

Seuls

Seuls, texte et mise en scène de Wajdi Mouawad.

Seuls seuls-3Wajdi Maouwad est un bon lecteur: on l’avait entendu dire ses propres textes mais ici, il a osé se lancer seul comme acteur dans un solo de plus de deux heures où il s’est lui-même mis en scène et où interviennent de nombreux personnages en voix off.
Le spectacle, créé en 2008, est donc parfaitement rodé  mais n’a rien perdu de sa beauté. Seul dans son studio, assis sur un lit, il se raconte par le biais d’Harwan, un jeune Libanais d’une trentaine d’années qui a fui son pays en proie à la guerre, pour aller vivre au Québec.
Il a commencé une thèse de  doctorat sur le metteur en scène Robert Lepage qu’il doit rencontrer mais qui est en Russie. Qu’importe, il s’envole pour Moscou mais, pas de chance, Robert Lepage est revenu au  Canada!

Harwan se lance alors dans une une sorte de quête existentielle. Que reste-t-il de la mémoire de ce Liban si chéri et si détesté à la fois.? Que reste-t-il de ses origines, de son passé,  là-bas sur les bords de cette Méditerranée tant aimée, alors qu’il vit dans le froid et le manque de lumière? Où sont ses racines? Où est l’arabe, sa langue natale qu’il n’a plus l’occasion de parler mais dont il a encore la saveur dans la bouche? Est-il encore un exilé, alors qu’il vit dans une communauté où il a trouvé sa place, et dont il parle maintenant couramment la langue qu’il a eu le courage d’apprendre.
C’est d’Herwan qu’il s’agit mais aussi, bien entendu, on le comprend très vite vite, de Wajdi Mouawad, auteur et metteur en scène maintenant reconnu au Canada comme en France.
Le spectacle est né d’un besoin de se retrouver un peu seul, « loin des acteurs et de leurs névroses » dont il dit avoir assez. « Je dis cela avec beaucoup d’amour et sans aucune amertume. Je crois qu’au-delà de bien des choses, liées à la langue maternelle et à l’histoire de ce personnage, j’avais envie et besoin de retrouver un état amoureux avec l’acte de jouer, avec le théâtre ».

Sur scène, juste un lit et quelques châssis vitrés dont l’un cache un écran vidéo qui, pour une fois, remplit exactement un rôle d’amplificateur de la vision mentale. La scénographie, intelligente et précise signée Emmanuel Cloius, est d’une rare qualité et sur le grand plateau de la salle Jean Vilar, Wouajdi Mouawad, acteur et metteur en scène de son texte, possède une énergie et d’une concentration impeccables. Il a des  conversations au téléphone, notamment  avec son père,  d’une force et d’une vérité tout à fait étonnantes.
Ce monologue, habilement ponctué d’images et d’excellentes voix off: Nayla Mouwad, Michel Maurer, Isabelle Larivière, Robert Lepage, Abdo Mouawad, Eric Champoux, Jean Fortunato, coule ainsi pendant deux heures sans la moindre rupture de rythme, sans aucun accroc: avec Wajdi Mouawad, il y a aussi une équipe artistique derrière lui et sans laquelle le spectacle ne pourrait exister.

La fin où il se met à arroser de peinture des châssis transparents qui l’entourent comme un mur, est peut-être moins convaincante. Mais l’auteur-metteur en scène-acteur réussit là une performance hors du commun, et le public, séduit, l’a longuement, et avec raison, acclamé.  Cela faisait du bien de retrouver du vrai théâtre dans la salle Jean Vilar! Wajdi Mouawad concevra l’an prochain les autres maillons du cycle. Après Seuls, viendront Sœurs, frères  puis Père et Mère, sous la forme de solos ou duos…

Philippe du Vignal

Le spectacle s’est joué au Théâtre national de Chaillot du 19 au 29 mars.

 

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