Bourreaux d’enfants


La  Pluie d’été de  Marguerite Duras , mise en scène de Lucas Bonnifait.

 

Bourreaux d'enfants 632cac3e4dd73172f1c55eb46d4647f0Le Théâtre de l’Aquarium accueille le second acte de son cycle  Bourreaux d’enfants, avec deux  pièces  qui traitent de près ou de loin des questions familiales. Publié en 90, après un silence dû à des soucis de santé, La Pluie d’été  se situe à Vitry-sur-Seine , dans une famille d’immigrés. Le texte est issu de celui  des Enfants tourné en 84 par Duras, déjà dans cette ville qu’elle arpentait alors  avec Yann Andréa; elle se passionnait pour  un univers éloigné de ses habitudes et  qu’elle découvrait, .
Ernesto, un des sept enfants d’une famille refuse d’aller à l’école; il se plaint de n’y apprendre que des choses qu’il sait déjà. Ses parents,  qui le soutiennent,  vont trouver l’instituteur, très étonné par ce jeune garçon pas comme les autres, pour lui expliquer sa décision .
La connaissance d’Ernesto se forge peu à peu et devient inquiétante; il s’interroge sur l’existence de Dieu, sur son rapport à ses parents, son avenir… Des parents qui ne croient plus en grand chose, si ce n’est en leurs enfants, et qui tentent d’exister;  c’est une  famille déracinée qui est quelque part sans être chez elle.

Lucas Bonnifait nous propose une lecture  particulière de  la pièce et  installe le public aux quatre  coins du plateau, où les comédiens commencent par se distribuer les rôles: « celui qui fait Ernesto », « celle qui fait la Mère » et « celui qui ne fait rien » mais qu’on appelle pour tenir le livre, support  bien vite abandonné,  au fur et à mesure que l’on pénétre dans la pièce.
Les trois comédiens nous amènent peu à peu dans un  univers qui prête d’abord au rire, Ava Hervier  épluche des pommes de terre, en se faisant une place parmi les spectateurs; elle  campe une mère à demi-folle qui s’exprime très lentement avec des regards appuyés et des expressions figées aux limites de la grimace. Et on arrive à rire de cette situation  presque ubuesque.
Les autres rôles sont échangés: Jean-Claude Bonnifait et Raouf Raïs incarnent tour à tour le père, l’instituteur, le frère… Les deux comédiens ont un jeu plus traditionnel, moins outré qu’Ava Hervier, ce qui fait  une différence  et  ne sert pas le propos. Mais on  est captivé par  le jeu de la comédienne. Et quand elle n’est pas en scène, on attend sa prochaine rentrée.
La mise en scène permet à ce texte de sortir véritablement du livre en  nous proposant des personnages spirituels, absurdes et presque fantastiques. Le petit garçon va très loin dans ses interrogations sur la vie; il en devient angoissant et surnaturel:  on est aux limites du conte.
Malgré une direction  d’acteurs  inégale et une sonorisation peu convaincante, Lucas Bonnifait propose un regard original sur une oeuvre de Marguerite Duras qui compte certainement parmi ses plus singulières…

J. B.

Théâtre de l’Aquarium


Notre avare,  d’après L’Avare de Molière mise en scène de  Jean Boillot.

Le public entre sur le plateau  de l’Aquarium et est accueilli par les comédiens qui, dans le brouhaha, disent  certaines répliques du texte que l’on peine à entendre distinctement. On nous sert un petit verre au liquide coloré, comme si nous étions à une fête. Ce genre d’entrée qui se veut originale est  quand même  du genre vu et revu.
Comme ce n’est pas si évident avec la langue de Molière, cela donne du coup l’impression d’être « joué »: c’est aussi un talent que de savoir commencer un spectacle, proposer une première image, embarquer les spectateurs dans un rythme, une forme. Mais là,  nous sommes face à des personnages un peu hallucinés, un jeu outré mais auquel on finit par s’habituer, et  qui apporte alors  à la pièce un vrai ressort et beaucoup d’humour.
Et  les comédiens s’accordent assez bien à la mise en scène. Jean Boillot a choisi le  parti pris d’un plateau presque nu, avec une rampe de projecteurs, des costumes actuels et juste deux tables. Malgré cette scénographie pourtant assez intelligente, on entend mal  certaines scènes: les comédiens qui sont en fond de scène nous tournent le dos!
Mais il y a une belle interaction avec la salle, et les personnages y  vont souvent;  la langue et surtout l’intrigue de Molière sont délicieuses et l’ont voit arriver le dénouement et les coups de théâtre avec plaisir.  Les comédiens joueront tour à tour Harpagon avec sa fraise; la fameuse scène qui compte parmi les plus célèbres de théâtre français (Ma cassette …) est un passage délicat plutôt bien abordé, avec une accélération du rythme et une polyphonie des comédiens dont l’engagement est indéniable. Bref, une heure et demi de bonheur…

Julien Barsan.

Théâtre de l’Aquarium


Archive pour 12 avril, 2013

Bourreaux d’enfants


La  Pluie d’été de  Marguerite Duras , mise en scène de Lucas Bonnifait.

 

Bourreaux d'enfants 632cac3e4dd73172f1c55eb46d4647f0Le Théâtre de l’Aquarium accueille le second acte de son cycle  Bourreaux d’enfants, avec deux  pièces  qui traitent de près ou de loin des questions familiales. Publié en 90, après un silence dû à des soucis de santé, La Pluie d’été  se situe à Vitry-sur-Seine , dans une famille d’immigrés. Le texte est issu de celui  des Enfants tourné en 84 par Duras, déjà dans cette ville qu’elle arpentait alors  avec Yann Andréa; elle se passionnait pour  un univers éloigné de ses habitudes et  qu’elle découvrait, .
Ernesto, un des sept enfants d’une famille refuse d’aller à l’école; il se plaint de n’y apprendre que des choses qu’il sait déjà. Ses parents,  qui le soutiennent,  vont trouver l’instituteur, très étonné par ce jeune garçon pas comme les autres, pour lui expliquer sa décision .
La connaissance d’Ernesto se forge peu à peu et devient inquiétante; il s’interroge sur l’existence de Dieu, sur son rapport à ses parents, son avenir… Des parents qui ne croient plus en grand chose, si ce n’est en leurs enfants, et qui tentent d’exister;  c’est une  famille déracinée qui est quelque part sans être chez elle.

Lucas Bonnifait nous propose une lecture  particulière de  la pièce et  installe le public aux quatre  coins du plateau, où les comédiens commencent par se distribuer les rôles: « celui qui fait Ernesto », « celle qui fait la Mère » et « celui qui ne fait rien » mais qu’on appelle pour tenir le livre, support  bien vite abandonné,  au fur et à mesure que l’on pénétre dans la pièce.
Les trois comédiens nous amènent peu à peu dans un  univers qui prête d’abord au rire, Ava Hervier  épluche des pommes de terre, en se faisant une place parmi les spectateurs; elle  campe une mère à demi-folle qui s’exprime très lentement avec des regards appuyés et des expressions figées aux limites de la grimace. Et on arrive à rire de cette situation  presque ubuesque.
Les autres rôles sont échangés: Jean-Claude Bonnifait et Raouf Raïs incarnent tour à tour le père, l’instituteur, le frère… Les deux comédiens ont un jeu plus traditionnel, moins outré qu’Ava Hervier, ce qui fait  une différence  et  ne sert pas le propos. Mais on  est captivé par  le jeu de la comédienne. Et quand elle n’est pas en scène, on attend sa prochaine rentrée.
La mise en scène permet à ce texte de sortir véritablement du livre en  nous proposant des personnages spirituels, absurdes et presque fantastiques. Le petit garçon va très loin dans ses interrogations sur la vie; il en devient angoissant et surnaturel:  on est aux limites du conte.
Malgré une direction  d’acteurs  inégale et une sonorisation peu convaincante, Lucas Bonnifait propose un regard original sur une oeuvre de Marguerite Duras qui compte certainement parmi ses plus singulières…

J. B.

Théâtre de l’Aquarium


Notre avare,  d’après L’Avare de Molière mise en scène de  Jean Boillot.

Le public entre sur le plateau  de l’Aquarium et est accueilli par les comédiens qui, dans le brouhaha, disent  certaines répliques du texte que l’on peine à entendre distinctement. On nous sert un petit verre au liquide coloré, comme si nous étions à une fête. Ce genre d’entrée qui se veut originale est  quand même  du genre vu et revu.
Comme ce n’est pas si évident avec la langue de Molière, cela donne du coup l’impression d’être « joué »: c’est aussi un talent que de savoir commencer un spectacle, proposer une première image, embarquer les spectateurs dans un rythme, une forme. Mais là,  nous sommes face à des personnages un peu hallucinés, un jeu outré mais auquel on finit par s’habituer, et  qui apporte alors  à la pièce un vrai ressort et beaucoup d’humour.
Et  les comédiens s’accordent assez bien à la mise en scène. Jean Boillot a choisi le  parti pris d’un plateau presque nu, avec une rampe de projecteurs, des costumes actuels et juste deux tables. Malgré cette scénographie pourtant assez intelligente, on entend mal  certaines scènes: les comédiens qui sont en fond de scène nous tournent le dos!
Mais il y a une belle interaction avec la salle, et les personnages y  vont souvent;  la langue et surtout l’intrigue de Molière sont délicieuses et l’ont voit arriver le dénouement et les coups de théâtre avec plaisir.  Les comédiens joueront tour à tour Harpagon avec sa fraise; la fameuse scène qui compte parmi les plus célèbres de théâtre français (Ma cassette …) est un passage délicat plutôt bien abordé, avec une accélération du rythme et une polyphonie des comédiens dont l’engagement est indéniable. Bref, une heure et demi de bonheur…

Julien Barsan.

Théâtre de l’Aquarium

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