Les Apaches
Les Apaches, mise en scène, décors et costumes de Macha Makeieff.
Cela se passe dans la salle d’un vieux théâtre, le Nickelodéon, une sorte de cabaret américain avec une petite scène étroite au rideau minable et aux pilastres doriques en mauvais état. C’est un univers glauque que l’on pourrait situer dans les années 20, où des artistes réincarnent les Apaches, les voyous et souteneurs prêts à tirer leur couteau qui régnaient sur le Paris de Montmartre et des fortifications.
Règne ici un joyeux foutoir: palmier en pot qui n’en peut plus, vieux piano, caisses, malles, et rangées de fauteuils aux sièges en bois comme dans les cinémas d’autrefois. C’est, sur le, plan plastique, parfaitement réussi et Macha MakeIeff n’a rien perdu de son savoir-faire. Les artistes, dirigés par un gros bonhomme habillé d’un smoking blanc, sont tous un peu pathétiques: ils se croient en haut de l’affiche mais ont un peu de mal à réussir leur numéro. Il y a ainsi des danses entre amoureux, un combat de boxe plusieurs bagarres entre mauvais garçons d’opérette, un numéro d’illusionniste, avec des chaises qui s’envolent au ciel par miracle ou, plus classiques mais toujours appréciés par le public, celui du foulard qui se change en bâton ou en bouteille, le tout sur musique enregistrée, ou en direct, avec l’excellent accordéoniste Philippe Borecek qui a abandonné les Toccatas de Bach pour des airs de bastringue-et métamorphosé ici en russe barbu de cabaret avec de grandes bottes rouges…
Les numéros s’enchaînent, ou plutôt s’ajoutent, sans guère de fil rouge, mêlés à des séquences de film muet en noir et blanc qui, très réussies, ont été habilement filmées par Simon Wallon qui avait déjà travaillé avec Macha Makeieff et Jérôme Deschamps.
La réalisation est soignée, et les huit acteurs, dont une seule femme, sont parfaits-en particulier, Braulio Bandeira qui joue les travestis noirs avec une superbe élégance, et le spectacle, créé à Marseille en janvier dernier, est bien rodé, à la limite de la virtuosité. Malgré cela, on s’ennuie très vite.
” Entrées en scène frénétiques, rituels de l’avant spectacle, solitudes des longues tournées, pantomimes infatigables. Je me suis rappelé, pour dire la scène comme déclassement dangereux et sublime, quelques grandes figures féminines : Mireille Havey, Claude Cahun ou Marguerite Moreno qui m’accompagnent depuis longtemps”, dit Macha Makeïff. On veut bien… Mais la traduction de tout cela reste trop conventionnelle et souvent longuette: les petites scènes, déjà pas très passionnantes, se répètent et le second degré rejoint le premier… Sans doute aussi, nous a-t-on sans doute trop souvent fait le le coup du théâtre dans le théâtre, thème de nombreuses comédies musicales et il manque au spectacle une folie et un délire qui étaient à la base des spectacles des Deschiens auxquels Macha Makeïeff aura beaucoup apporté (pas de nostalgie mais un simple constat) .
Folie et délire que l’on retrouve heureusement vers la fin, quand tout commence à se déglinguer. Tout d’un coup, le spectacle prend une autre dimension. Quand on voit, par exemple, Henri VIII et Anne Boleyn à l’écran et, en même temps sur scène, parfaitement ridicules, ou quand les comédiens, tous en marins de pacotille, vont vivre la fin du Titanic, en se réfugiant dans une cabine, agglomérés les uns aux autres. Il y a, comme cela, de belles et fortes idées de théâtre que l’on aurait bien aimé trouver avant…Dommage!
Un spectacle très réussi sur le plan scénographique, maîtrisé sans doute mais trop inégal, dont les effets se perdent dans la grande salle de Bobigny, que l’on voit avec plaisir aux meilleurs moments mais qui nous a laissé, pour le reste, sur notre faim…
Philippe du Vignal
M. C. 93 Bobigny jusqu’au 21 avril. T: 01- 41-60-72-72
Merci de votre message et de votre lucidité; oui, c’est bien de déception qu’il s’agit, le compte n’y est pas! Et on ne peut pas tout mettre sur le dos de la grandeur de la selle de Bobigny peu adaptée sans doute à ce genre d’exercice. Dommage.
Cordialement
Oui, cette fois la mayo est bien longue à prendre. Et des fantômes plus jeunes que Marguerite Moreno hantent le plateau : Jérôme Savary, les Mirabelles, Dzi Croquetts… Autres bémols : la seule fille horripile et le meneur de revue, qui s’est fait une tronche à la W.C Fields, chante assez juste mais sans voix. Le sens de la première partie reste obscur, reposant sur le principe d’une baffe-une bise-une baffe, procédé assez vain de musculation d’un récit qui cherche quoi dire. On frôle le spectacle d’élèves. Ensuite, à partir du numéro loupé exprès de ventriloque, lui très réussi, les choses s’améliorent. On laisse, sans regret, ces pseudo-Apaches pour de bons vieux numéros de travestis, dans la plus pure tradition du Bal des Quat’zarts et des Branquignols. Ils ont d’autant plus de mérite que la salle de la MC 93 est, en effet, gaie comme une feuille d’impôts. Bref, des gens qu’on quitte, juste quand on commençait à bien les aimer. « Fantômes pareils à de grands soleils couchants sur les grèves… »