Ravel
Ravel, de Jean Echenoz, adaptation et mise en scène d’Anne-Marie Lazarini.
Jean Echenoz a bien « fait du roman », en inventant, avec tendresse et ironie, le personnage de Maurice Ravel, inspiré par des témoignages indirects sur le compositeur. Photos, anecdotes dessinent ce petit homme impeccable, bon nageur, idole des foules mais plutôt solitaire, grand consommateur de Gauloises et d’amitiés tyranniques, finalement miné par les effets sournois d’un accident de taxi.
Dans un décor d’un bleu, disons simpliste !(même le piano de concert mais c’est une simple pellicule!), Ravel et les deux narrateurs passent d’un jouet à l’autre: un joli train électrique fait circuler les tournées de Ravel à l’avant-scène, une maquette de paquebot emmène le récit en Amérique, une malle-cabine escamote les épisodes successifs, on joue à l’automobile… Le style de la mise en scène, collé au récit d’Echenoz, est précis, ironique, et parfois cocasse.
Les deux narrateurs (Coco Felgeirolles et Marc Schapira) jouent, successivement et avec bonheur, les personnages rencontrés par Ravel: ArturoToscanini, Ludwig Wittgenstein, puis le pianiste manchot-qui lui avait passé commande du Concerto pour la main gauche-pas satisfait du résultat, et enfin la fidèle Marguerite Long… Une frustration cependant: Anne-Marie Lazarini, emportée par le tempo, ce que l’on veut admettre quand on parle du Ravel du Boléro, ne laisse ni aux acteurs ni à nous, le temps du plaisir du texte. Mais l’auteur a aimé le spectacle! Alors…
Michel Ouimet en Maurice Ravel piquant, à l’unisson de ses partenaires, glisse en douceur vers une fragilité de plus en plus émouvante, jusqu’à être bouleversante : une émotion que l’on n’attendait plus. Cela commence quand il chante, avec une justesse et une simplicité parfaites, une de ses mélodies.
Car la musique tient dans ce spectacle la place qu’elle mérite. Au piano, on entend Yann Robillard ou Andy Emler, qui a écrit sur mesure (!) de courts morceaux en hommage vivant à Ravel, de Ravel, pour Ravel, en souvenir de Ravel, du jazz qu’il aimait, de Gershwin… La musique, elle, prend le temps qu’il lui faut, et c’est très bien ainsi.
Christine Friedel
Théâtre Artistic-Athévains. T: 01-42-81-35-23, jusqu’au 5 mai.
Le texte est publié aux Editions de Minuit.