La Ronde de nuit

Création collective, mise en scène d’Hélène Cinque.

La Ronde de nuit  la_ronde_de_nuitDepuis 2005, le Théâtre du Soleil s’est beaucoup investi en Afghanistan. Ariane Mnouchkine avait réalisé un premier stage à Kaboul au milieu des ruines et des roses d’un jardin qui avait donné naissance au Théâtre Aftaab, « jeune troupe afghane mixte et courageuse, un petit Théâtre du Soleil d’Asie centrale ». Plusieurs séjours et échanges ont dynamisé la troupe, la création de Roméo et Juliette avec Maurice Durozier, des ateliers de formation à Paris autour du Tartuffe, du Cercle de craie caucasien joué à Kaboul et en Inde, puis à Paris en 2008, enfin la première création collective Ce jour-là sous la direction d’Hélène Cinque.
Ces deux spectacles ont été joués au Festival Sens Interdit des Célestins à Lyon puis , en tournée en région Rhône-Alpes en 2009. D’autres spectacles et stages ont suivi:  L’Avare monté par Hélène Cinque à Kaboul, Sophocle/Oedipe Tyran monté par Mathias Langhoff à Lyon, Avignon et au Théâtre du Soleil en 2011, une reprise de Ce jour-là et de L’Avare à Paris-Quartiers d’Été, à Chateauroux et à  Calais, enfin maintenant  La Ronde de nuit.
Dans la bonne tradition du Soleil, dix-huit  acteurs sur le plateau. Leur décor figure la salle de répétitions avec, à la cour, un espace ouvert où tombe une neige drue. Un nouveau gardien est accueilli par la directrice technique qui lui donne ses instructions :il doit laisser pénétrer une femme qui y est hébergée dans une alcôve confortable, accueillir un sans-logis qui vient prendre prendre sa douche, sauf s’il est ivre.
Le gardien doit faire sa ronde régulièrement toute la nuit. Il est surpris par un camarade afghan qui doit partir le lendemain pour Kaboul, après avoir enfin réussi à obtenir le sésame magique attendu depuis longtemps, un passeport: ce qui  émerveille son compagnon qui en est dépourvu !
Les visiteurs annoncés se succèdent, puis, pendant la première ronde, débarque un groupe d’Afghans frigorifiés qu’on ne peut décemment repousser. On sort les matelas, mais ils doivent repartir le lendemain par le premier métro. Entre deux rondes, heureusement, grâce à un vieil ordinateur, le gardien peut communiquer avec sa famille, sa femme qui le presse de la faire venir, sa mère interprétée par un homme qui en fait des tonnes, son père affirmant son autorité.
Une prostituée débarque gelée elle-aussi, hurlements de toute la famille afghane qui assiste à la scène par Skype !…Malgré quelques séquences un peu maladroites, ce spectacle autobiographique dans tous les sens du terme-on sait qu’Ariane Mnouchkine a toujours mené un combat déterminé pour les sans-papiers qu’elle continue d’accueillir au Théâtre du Soleil-captive un  public un peu  clairsemé en ce soir de première.

Edith Rappoport

La Ronde de nuit sera accueillie à Paris Quartier d’Été Théâtre 13 Seine, puis au Théâtrre des Amandiers-Nanterre , au Théâtre du Nord à Lille, au Festival Sens Interdits des Célestins de Lyon et au Festival International de Kaboul.


Archive pour 19 avril, 2013

Voir Paris et mourir jeune

Voir Paris et mourir jeune, de et par Valéry Ndongo.

Voir Paris et mourir jeune 0d4c060592fefad205f4c354cab68f3c-300x148Ah, Paris, à nous la vie ! Tout frais débarqué de l’aéroport, il entre au milieu du public, et le salue, ravi de voir de « vrais blancs « . Il se présente : Tazo, venu pour faire carrière au théâtre.
D’emblée, sa tchatche s’impose et les spectateurs réagissent au quart de tour  quand il leur demande de participer, pour accompagner le voyage initiatique de Tazo,  pour s’intégrer, et pour entendre avec lui les sages conseils que le Doyen lui prodigue, personnage qu’il endosse aussi , comme beaucoup d’autres, rencontrés à Paris aussi et au Cameroun.
Sa vie chez nous: un parcours du combattant pour les papiers, pour draguer une française, ou survivre au fond de la Creuse qui a, en commun avec l’Afrique,  sa nature et  une certaine forme d’arriération.On rit aux inventions verbales de Tazo, à sa logique implacable et au regard faussement naïf, toujours décalé, qu’il porte sur notre monde d’ici et de là-bas.
Ndongo brille par un humour qui repose sur le camfranglais, le parler des jeunes du Cameroun du kwatt (quartier) : une langue imagée et vivante qui joue avec les mots en changeant leur signification. Il aborde ainsi des sujets aussi graves que l’immigration, l’identité nationale (française et camerounaise), la démocratie et les droits de l’homme (en France et en Afrique). « Aujourd’hui, il me semble qu’écrire un spectacle d’humour sans parler de l’ actualité politique reviendrait à faire la politique de l’autruche « .
L’engagement de Ndongo va au-delà de la dénonciation des travers de notre époque  par ses propres spectacles qu rencontrent partout un chaleureux accueil ; il vient de créer un réseau d’humoristes africains, Africa Stand up.  Une académie pour réunir, aider et diffuser les artistes africains dans tout le continent et au-delà.

Mireille Davidovici


Au Tarmac, festival de spectacles en solo, jusqu’au 20 avril;  Sautes d’humour de Zanina Mircevsa (Esperanza) du 22 au 27 avril. T:  01-42-64-80-80 et à l’Institut français de Yaoundé en juillet prochain.


Atem le souffle

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Atem le souffle, pièce de Josef Nadj, chorégraphie de Josef Nadj et Anne-Sophie Lancelin.

 

C’est une gravure sur cuivre d’Albrecht Dürer, Melencolia 1, inscrite dans une série de trois œuvres et dont l’ange est la figure centrale, ainsi que la poésie de Paul Celan sur la mémoire et la mort, qui nous font pénétrer dans la sphère du magique et l’inspiration de Josef Nadj. Un gradin accueillant une soixantaine de spectateurs en surplomb, fait face à une boîte noire de trois mètres sur quatre, qui se révélera pleine de trappes et d’imprévus.
Solos et duos se succèdent, comme une statuaire en mouvement, dans une pénombre savamment régulée par la lumière d’un lustre  à bougies. Au-delà de cette construction, c’est une mise en abyme et en images, une atmosphère mystique et même ésotérique que distillent les chorégraphes/interprètes, Anne-Sophie Lancelin et Josef Nadj.
Elle, comme une noyée, posée à l’horizontale, robe grise de possédée, reflet de la peinture allemande en clair-obscur, s’inscrit dans un jeu de poulies, obsessionnellement, jusqu’à se fondre dans le mur qu’elle escalade comme un félin, par une trappe.
Disparition, apparition. Lui, se dé-mure progressivement. Homme tronc, il sculpte les ogives qui filtrent la lueur des candélabres. Son solo, plein d’étrangeté, appelle un  second tableau de Dürer , Saint-Jérôme dans sa cellule, là où l’esthétique et la pensée se rejoignent.
Elle, revient, de noir vêtue,  et se glisse dans un magnifique duo au bâton, comme s’enroulant autour d’un mât chinois. C’est un fondu enchaîné de l’un à l’autre, en pure harmonie, suivi d’un second duo, véritable corps-à-corps de grande délicatesse.
Puis l’homme, à son tour, devient obsessionnel, casqué comme le chevalier de Dürer, troisième gravure de la série avec Le Chevalier, la mort et le diable, et frappe en cadence sur une colonne, à coups de marteau. On le dirait tailleur de pierre ou bâtisseur de cathédrale. Est-il un révélateur de l’âme, et celui qui accompagne vers l’éther ?
Un solo de la danseuse, ténébreuse, comme la figure de l’ange, en robe claire et enveloppante, lui succède, gestes de tétanie et mouvements continus. Tout est étrange et désynchronisé, même les musiques originales d’Alain Mahé assisté de Pascal Seixas, qui débutent lentement puis s’amplifient, prises en relais par des rythmes, et comme frappées de l’outre-tombe.

On est dans l’au-delà, dans les limbes du cerveau et la remémoration, entre hypnose et vision, solitude et mélancolie. On pense à des films comme Stalker de Tarkovski, et à la métaphysique de ceux de Bergman, à la limite entre le sacré et le profane, au basculement vers la folie. On entre dans l’intime et la miniature au sens d’enluminure, la finesse du détail et le petit format du spectacle étant inversement proportionnels au talent et à la maîtrise des danseurs.

Symboles, méditation et silence, la «forme pure» selon  Witkiewicz, accompagnent la poétique de Nadj, directeur du Centre chorégraphique national d’Orléans, qui déploie sa palette d’ombres et de lumières depuis 86, au fil de créations virtuoses et proches du théâtre, qui mettent le spectateur en état d’apesanteur.


Brigitte Rémer

Théâtre de la Ville, au Centquatre, 5, rue Curial, 75019 Paris M°: Stalingrad, jusqu’au 28 avril  (www.theatredelaville-paris.com)

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