Grand Guignol

 L’Amant de la morte de Maurice Renard, mise en scène de Frédéric Jessua, Le Baiser de sang  de Jean Aragny et Francis Neilson, mise en scène d’Isabelle Siou et Les Détraquées d’Olaf et Palau, mise en scène de Frédéric Jessua.

Grand Guignol amant-de-la-morte-7Cette série de trois pièces appartient à un répertoire de pièces  qui furent  écrites et mises en scène pour un théâtre qui s’appelait Le Grand Guignol de 1897 à 1962, cité Chaptal à Paris , avant de  prendre le nom  de Théâtre 347 où il accueillit notamment Le Living Theater.
Au menu de chaque représentation grand guignolesque: trois courtes pièces avec, surtout du terrifiant, de l’épouvantable: exécutions, amputations et assassinats en cascade , sang qui coule en abondance, mais aussi, pour varier les plaisirs,  une  petite dose de romantisme et de comique
.

Dans L’Amant de la morte, une pièce de 25 minutes, un peintre raté,  passionné d’hypnotisme, est venu rendre visite à Simone, la femme de son meilleur ami dont il est éperdument amoureux. Mais il va hypnotiser Simone par mégarde…  Puis dans Le Baiser de sang, le professeur Leduc  est en train d’opérer un patient qui va mourir sur le billard. Il reçoit alors la visite d’un certain Joubert qui veut absolument  subir l’ablation d’un doigt qui, dit-il, le fait souffrir de façon atroce et permanente. mais  le médecin ne voit absolument aucune lésion sur ce doigt prétendument atteint et refuse  d’opérer cet homme pour le moins perturbé…
Enfin, Les Détraquées offre le tableau d’une institution pour jeunes filles à Versailles dirigée par Madame de Challens qui est en train de préparer la traditionnelle fête de remise des prix .  Elle demande donc à  Solange, une professeur de danse qu’elle a déjà employée de l’aider. Mais une élève disparaît par mystère dans l’établissement même. On va vite s’apercevoir que Solange a filé le parfait amour avec Madame de Challens et que les deux femmes sont en réalité les  deux criminelles recherchées par le commissaire aidé par un médecin.
Quelque quatre vingt dix ans après leur création, Jessua,  qui avait déjà monté des pièces de Grand Guignol, a décidé de redonner vie à ces pièces  « courtes denses, à la mécanique implacable, de véritables » machines à jouer’; des pièces où tout est dit en l’équivalent d’à peine deux actes traditionnels ».
Mais, quoiqu’en dise Frédéric Jessua,  les deux première pièces, dont on a l’impression qu’elles ont été vite écrites, ne sont vraiment pas du bois dont on fait les flûtes: l’intrigue, comme les personnages,  sont trop  peu consistants pour que l’on puisse s’y intéresser. C’est dire que nos aïeux ne devaient pas être trop difficiles!
La troisième,  un peu bavarde sur la fin, est quand même plus solide  et plus efficace  du côté du scénario comme du dialogue. On pense souvent  aux Diaboliques de Henri-Georges-Clouzot, d’après le roman de Boileau et Narcejac.
Et, même si le public, à la fin, commence à avoir  de sérieux doutes sur l’honnêteté de la directrice, l’image  brutale du  corps ensanglanté de la petite élève dissimulé dans un placard  a quelque chose d’un choc d’assez violent. Mais il aura fallu la mériter , cette image! Ce qui précède n’est en effet guère convaincant.

Les trois mises en scène-de Frédéric Jessua, puis d’Isabelle Siou, et de nouveau, de Frédéric Jessua-manquent singulièrement de rythme et surtout de direction d’acteurs. Pourtant les deux comédiennes qui jouent  Solange et Madame de Challens dans Les  Détraquées, sont tout à fait remarquables, ce qui donne une belle vraisemblance à la fin de la pièce. Mais  ces deux heures sont quand même bien longuettes…
Il aurait sans doute fallu un travail plus en profondeur en matière de dramaturgie, de scénographie-bien inutilement compliquée-dont les éléments assez laids  sont longs à mettre en place, et de mise en scène (Ah! Ces inutiles allers-et-retours dans la salle qui semblent être la marque de fabrique de tous les spectacles du Théâtre 13!), pour que les choses soient vraiment plus crédibles…
De toute façon, à l’impossible, nul n’est tenu, et  on ne pouvait faire de miracle avec des textes aussi faibles…

Alors à voir? Ce n’est pas vraiment  nécessaire,  à moins que vous ne soyez un inconditionnel du Grand Guignol!

Philippe du Vignal

Théâtre 13 / Jardin jusqu’au 28 avril.


Archive pour 26 avril, 2013

Fool for Love

Fool for Love  de  Sam Shepard, traduction de Michèle Magny, mise en scène de Kevin Orr.

 

Fool for Love   foolgetattachmentDans une chambre de motel minable, les  quinze spectateurs sont pris comme des rats voyeurs entre ces murs qui suintent le sexe, en compagnie de ces  deux personnages enfermés dans leur couple autodestructeur.  Le lieu choisi par la compagnie Les Cybèle est parfait:  ambiance crue, espace étouffant et bien adapté à cette rencontre entre deux êtres qui s’aiment et se détestent  avec une passion égale.
Il l’avait quitté pour une autre femme. May s’est enfuie  et  il l’a rattrapée: ils se retrouvent  maintenant dans cette chambre, après un long voyage à travers le désert, et les voilà en pleine fable western, où les bons et les méchants ne sont pas du genre évident et où la violence ne tarde  pas à se déclarer.
Relégué dans un coin, le père, figure mystérieuse, observe attentivement le couple, en gardant ses distances; c’est pourtant lui qui détient  la clé de cette histoire d’inceste qui déchire sa famille. Et c’est, par moments, une expérience  pénible: May, la jeune femme, recroquevillée sur le lit,  cache son visage dans un geste  désespéré. Eddie, en  débardeur,  bottes de cuir  et chapeau de cowboy, assis en face du lit,  tripote  un lasso et lui parle mais elle refuse de le regarder.
Le vieux père, lui,  pince les cordes de sa guitare et  murmure  quelques paroles en guise de mise en bouche à ce récit d’un far-west mythique. C’est à nous en fait qu’il s’adresse: il se tient bien en retrait du couple et on a l’impression qu’il n’appartient pas  ni au monde des spectateurs, ni à celui  des personnages qui s’apprêtent à vivre leur histoire intime devant nous, dans un paysage western  hyper naturaliste angoissant.Le père a une présence qui nous renvoie ailleurs mais qui  se matérialisera  bientôt devant Eddie, le fils, au moment où les segments du récit se mettent en place; il  avait abandonné sa famille…. Et, comme un revenant, il est  le modèle du père  qu’il imitera. Ce qui explique toute cette tristesse, cette frustration, et cette rage.
L’espace, décor ici incontournable, reflète  la solitude de May, l’intensité brûlante des émotions conflictuelles  qui  rapprochent  le couple et l’insoutenable mépris d’Eddie  face à Martin, un gentil jeune homme qui essaie de sortir avec la jeune femme.  Le quatuor de personnages aux émotions complexes  a quelque chose de  fascinant, comme  le rythme du spectacle  où le dialecte local est pour beaucoup.
Yves Turbide interprète remarquablement un  Eddie jaloux face au jeune prétendant;, et qui emploie  la  séduction brutale pour récupérer sa femme, et dont les accès de sadisme sont alimentés par l’alcool. La manière qu’il a de reproduire la vie désordonnée du père, nous emmène  sur  les traces d’une vision  tragique  de l’Amérique. Son monologue , quand il raconte sa découverte de la deuxième famille de son père, est magistral.
Paul Rainville (le père), comédien plus classique que les autres, a une présence inquiétante: il a bien capté l’ambiguïté de ce  père mystérieux, à la fois absent et présent, et à l’origine des  comportements destructeurs auxquels sa  famille  a été condamnée.  La  porte de la chambre s’ouvre: la lumière entre, une lumière crue et libératrice venant du parc  de stationnement, où  le bruit des voitures et le crissement des pneus  produisent  les  effets d’une véritable  hyper-réalité et qui attirent Eddie, l’éternel  vagabond.
L’excellente mise en scène de Kevin Orr s’impose vite, soutenue par cette équipe d’excellents comédiens  qui nous emmènent dans les moindres manifestations de l’ intimité de leurs personnages. Mais, pour les anglophones, le français est parfois difficile à suivre et lire un résumé de la pièce ne sera pas un luxe: c’est important d’en suivre de près le récit…

Alvina Ruprecht

 Motel Concorde, 333 Chemin de Montréal, jusqu’au  27 avril.

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