Le septième Kafana
Le septième Kafana de Nathalie Pivain, d’après les récits de Mikhai Fusu, Nicoleta Esinencu et Dimitri Crudu, traduit du roumain par Danny Aude Rossel.
Le septième Kafana , élaboré dans le cadre d’une saison roumaine en Syldavie organisée par la Maison d’Europe et d’Orient, y avait été présenté en février. Il vient heureusement d’être repris mais pour une très courte série …Céline Barcq, Frédéric Gustaedt, Salomé Richez et Nathalie Pivain. nous font partager le drame vécu par des milliers de femmes après l’éclatement de la Yougoslavie, qui ont dû quitter leurs familles pour chercher un travail illusoire. Mises en esclavage et forcées à se prostituer, elles sont battues, vendues, voire mises à mort…
Un Kafana, c’est un bar à café dans les régions d’Europe du Sud-Est, et ces femmes y sont vendues, d’un Kafana à l’autre. Elles résistent comme elles peuvent, mais, au septième Kafana, c’est la mort inéluctable. Ce trafic d’êtres humains dénoncé au niveau européen, génère près de vingt milliards de dollars par an, et il n’est pas donc près de prendre fin.
Nathalie Pivain s’est emparée des témoignages recueillis auprès de femmes de villages moldaves pour élaborer un spectacle dont le thème remonte à Homère, Eschyle et Sophocle, qui évoquaient déjà ce butin de guerre habituel dont… profitent maintenant les capitales européennes!
On sort désespéré de la lecture de la pièce mais, étrangement, sa mise en scène met une distance et presque un humour autour de cette terrible réalité. Dans une salle des fêtes décorée de guirlandes, il y a une longue table pleine de bouteilles vides et de restes de banquet; deux femmes racontent leur calvaire avec une diction calme, à peine audible et des gestes de désespoir silencieux, l’une plonge longtemps sa tête dans un seau d’eau, et l’autre porte un masque de chèvre.
Ces scènes alternent avec d’autres d’une étrange hystérie, comme celle d’un homme qui se lance dans un ballet frénétique avec une poupée gonflable. Les deux femmes viennent aussi chuchoter à l’oreille des spectateurs. Nathalie Pivain, qui gère les projections, vient à son tour apporter des témoignages, de façon aussi neutre aussi neutre que possible…
C’est un spectacle qui nous a profondément remué.
Edith Rappoport
Théâtre de l’Opprimé, Festival Migractions, T: 01-43-40-44 jusqu’au 5 mai, du mercredi au samedi à 20 h 30, dimanche à 17 h.
Le texte est publié aux éditions l’Espace d’un instant.