A tire-d’aile
A Tire-d’aile, texte et mise en scène de Pauline Bayle.
Il sont cinq: deux frères, Xavier et Baptiste et trois sœurs Marie, Camille et Louise. On ne sait pas grand-chose d’eux sinon qu’ils sont assez immatures, à peine sortis de l’adolescence, sauf la sœur aînée, Camille qui prépare les repas et veille à la bonne santé physique et mentale de cette fratrie un peu particulière. Les parents ne sont plus présents, et, en tout cas, jamais évoqués. Au dessus de la table, veille un gros oiseau empaillé. On se perd un peu dans le scénario: chacun, vient à tour de rôle, témoigner depuis l’au-delà… La vie, la mort? Et, à la fin, Camille assaisonnera le dernier repas d’une bonne dose de Lexomil; ils s’endormiront-pour l’éternité-la tête dans leur assiette…
Chacun de ces très jeunes gens cherche à construire son identité, et cela ne va pas évidemment sans heurts dans un mode déjà bien dur pour une fratrie normale. Cela parle, cela parle même beaucoup avec parfois de belles phrases, et une certaine poésie.
C’est l’auteur, Pauline Bayle, qui fut élève des Ateliers du soir à l’Ecole du Théâtre national de Chaillot- unité qui aura suscité pas mal de vocations d’auteurs et metteurs en scène (Leyla Metsitane, Xavier Carrar, etc…) qui s’est chargée de la mise en scène de son texte. Elle se dirige, elle et ses copains dont l’un Loïc Renard est issu Conservatoire national et dont Pauline Bayle est encore élève. Les deux autres Yan Tassin et Solène Rossignol sont tout aussi justes. Avec une référence sans doute au cinéma muet: leur gestuelle à tous est impeccable. Comme la diction: condition sine qua non pour entrer au Cons…
Même si on ne peut faire de merveilles sur l’étroite et médiocre scène du Ciné XIII, la mise en scène et la direction d’acteurs de Pauline Bayle sont exigeantes, le son et la lumière tout à fait corrects, mais les costumes médiocres, mais bon… Si les petits cochons ne la mangent pas, elle a le niveau pour entreprendre pas mal de choses.
Le travail tient encore davantage de l’exercice de jeunes acteurs, sympathique certes mais encore brut de décoffrage quant aux intentions: on aimerait que les garçons surtout soient un peu moins propres sur eux, plus violents, comme le suggère le texte. Pauline Bayle, elle, a aussi une belle présence en scène. Mais enfin, même si cela sent la première pièce, l’ensemble qui se termine plus qu’il ne finit, se laisse voir voir, surtout quand on est confortablement lové dans les gros et moelleux canapés en cuir rouge du Ciné XIII et la pièce ne dure que 70 minutes… Sans vidéo pour une fois, ce qui devaient rare, sans artifice aucun, avec une table, cinq tabourets d’horloger, et une autre table qui fait office de desserte; un théâtre à mains nues, juste avec le pouvoir de mots et pour le plaisir de raconter une histoire.
Cela dit, on ne voudrait pas lui faire de morale mais on le lui dira quand même: Pauline Bayle ne devrait pas gâcher de la nourriture ainsi chaque soir: cela fait très enfants gâtés qui n’ont jamais eu faim. Relisez Hugo, miss Bayle…
Philippe du Vignal
Ciné XIII Théâtre, 1 avenue Junot, Paris XVIII ème. T: 01-42-54-15-12 jusqu’au 11 mai.