Le Nazi et le barbier
Le Nazi et le barbier, adaptation de David Nathanson, mise en scène de Tatiana Werner.
Edgar Hilsenrath, né en 1926 dans une famille de commerçants juifs à Halle en Allemagne. En 1933, le nazisme arrive: brimades à l’école, confiscation des biens… Il s’enfuit avec son jeune frère et sa mère chez ses grands-parents à Roumanie. En 41, Hilsenrath, son frère et sa mère, furent déportés dans le ghetto roumain de Mogilev-Podolsk, qui fut libéré en 44 par les troupes russes,avec de nombreux juifs survivants, tous munis de sauf-conduits étrangers, il alla en Palestine où il ne se sentit jamais bien et rejoignit en 47 en France sa famille qui s’y était trouvée réunie avec son père. Et ils émigrèrent à New-York.
Edgar Hilsenrath écrit son premier roman, La Nuit, mais son éditeur effrayé par la crudité du texte, retira le livre de la vente.Le Nazi et le barbier, écrit à Munich en 68-69, et paru aux Etats-Unis en 71, avait été refusé par plus de soixante maisons d’édition allemandes! Mais en 77, un petit éditeur de Cologne Helmut Braun fit connaître Hilsenrath comme écrivain en Allemagne et dans le monde entier, et depuis dans 22 pays… En 75, Edgar Hilsenrath, revenu définitivement en Allemagne, vit à Berlin.
C’est une sorte de satire qui évoque, avec une grande précision et un humour souvent glacial, les tristes heures du nazisme, quand Max Schulz s’engage dans les SS. Nazi exemplaire, il est très heureux de participer au génocide de nombreuses populations juives et tue même son ami d’enfance, Itzig Filkenstein et sa famille. Mais après la défaite du régime hitlérien, il prend l’identité d’ Itzig Filkenstein, part pour Israël et devient un sioniste fanatique…Sans jamais reconnaître sa culpabilité.
Et cela donne quoi, quand c’est porté à la scène sous la forme d’un monologue adapté du roman par David Nathanson qui incarne Max Schulz, et bien d’autres personnages masculins ou féminins, avec un solide métier d’acteur pendant 80 minutes? C’est du genre bien mis en scène, et la direction d’acteurs de Tatiana Werner est solide. Mais, cela dit, on ne partage pas vraiment l’avis de David Nathanson selon qui “ ce long roman à l’écriture très parlée était taillé pour la scène”.
Oui, comme il le dit, “le style d’Hilsenrath, mélange de réalisme cru, de grotesque et de lyrisme (quelque part entre Charles Bukowski et Philip Roth) a quelque chose d’éminemment théâtral”. Mais c’est sans doute un syllogisme de penser qu’il a toutes les qualités requises pour devenir un monologue sur une scène. Il s’agit d’autre chose! Et que l’auteur, dit-il, ait été enthousiaste à cette idée, ne nous impressionne guère. Les auteurs, surtout au soir de leur vie, sont presque toujours flattés que l’on fasse incarner leurs personnages sur un plateau…
Très franchement, ici, si c’était plus captivant, il y aurait plus de monde que les quatorze pauvres bougres que nous étions ce vendredi soir; même si David Nathanson, avec sobriété et précision, fait le maximum pour nous emmener dans la saga de ce narrateur atteint d’une parfaite schizophrénie. On l’écoute mais on s’ennuie quand même vite… Mieux vaut sans doute relire le roman.
Philippe du Vignal
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