On ne paie pas, on ne paie pas!

On ne paie pas, on ne paie pas! de Dario Fo, version française de Toni Cecchinato et Nicole Colchat, mise en scène de Joan Mompart.

C’est avec Non paga! Non paga! qu’en 74, Dario Fo et son épouse Franca Rame avaient inauguré leur théâtre à Milan. La pièce connut très vite le succès et les Italiens apprécièrent l’anticonformisme et l’engagement social de celui qui devait à plusieurs reprise connaître des démêlés avec la justice de son pays mais aussi avec le Vatican., toujours prêt à donner des leçons de morale sociale, surtout en Italie où il occupait à l’époque  une place prépondérante sur l’échiquier politique.. Mais  Dario Fo devait recevoir en 97 le, prix Nobel de Littérature, et pan sur le bec du Vatican!
On ne paie pas! On ne paie pas! avait été très bien monté par Jacques Nichet en 2007. Trente neuf ans plus tard, après sa création quand de nombreux italiens vivaient encore dans un état voisin de la misère, il était tentant d’aller voir ce que cette farce politique, inspirée par les luttes des quartiers ouvriers en Italie juste après 68, était encore actuelle. Hélas, oui!  A l’heure de la démondialisation, des fermetures d’usines et du chômage en Europe, et des cahuzaqueries en tout genre…Il y eut d’autres luttes et pas seulement en Italie, comme pendant l’été 2012, en Andalousie, des femmes et des hommes remplirent de nourriture une dizaine de caddies dans un super-marché pour aller la redistribuer à des familles qui en avaient un besoin urgent…
Joan Mompart , compagnon de route d’Omar Porras , comédien et metteur en scène suisse, s’est emparé de la pièce et en a réalisé une adaptation qui fait parfois davantage référence à notre monde qui ne tourne toujours pas rond et où les pauvres sont de plus en plus pauvres. La fable initiale: une femme Antonia qui n’arrive plus à payer son loyer ni le gaz ni l’électricité se joint à d’autres pour aller piller un super-marché. Son amie Margherita est plus timorée, a toujours peur que les ennuis n’arrivent. Une fois les provisions rapportées à la maison, ils s’agit de les soustraire au regard de son mari Giovanni, lui, très respectueux de la loi et qui prône l’ordre et la sécurité.

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Antonia, va  alors s’embourber sans des mensonges de plus en plus invraisemblables, jusqu’à lui faire croire que son amie est réellement enceinte, alors que son ventre très arrondi dissimule de la nourriture volée. Antonia, jamais à bout d‘arguments frappés au coin de la mauvaise foi la plus absolue,  devra aussi faire face aux perquisitions du brigadier de police avec lequel son mari sympathisera…

On ne saura jamais si Giovanni est sincère mais il croit longtemps aux mystifications concoctées par sa femme. Jusqu’au grand déballage final où les deux maris, dans un renversement des plus farcesques, avouent qu’ils ont eux aussi soustrait de la nourriture avant de la dissimuler dans un cercueil… Comme l’indique Joan Bompart, la version de 74, Giovanni revendiquait à la fin: “ Un monde où l’on serait même contents de travailler… comme des êtres humains, des hommes et des femmes, et non comme des bêtes abruties, sans joie et sans imagination”.
En 2007, ce n’est plus lui qui est le porte-parole de l’espérance mais son épouse: Dario Fo, qui a en effet changé un peu la fin, fait dire à Margherita : “Si on ne relève pas la tête, si on ne reprend pas courage, on va se diluer petit à petit dans la peinture, comme une antique pièce de musée”.

On ne paie pas , on ne paie pas! n’a rien perdu de sa virulence et les meilleurs scènes de cette farce politique, contemporaine des films engagés d’Elio Petri, de Francesco Rosi ou de Bernardo Bertolucci (dont une photo projetée de son film 1900 clôt le spectacle, sont toujours aussi impressionnantes et révélatrices d’un savoir-faire théâtral en matière de scénario et de dialogue acquis au gré de nombreuses représentations en milieu populaire. Dario Fo ne se prive même pas de faire du théâtre dans le théâtre et les acteurs, parfois, avec toute l’énergie du jeu, expliquent au public très complice,  qu’ils doivent aussi interpréter  un autre personnage!
Reste à mettre en scène et à jouer cette farce qui, construite sur une base réaliste, tourne  vite au délire fantastique. Et là, Joan Mompart ne sait pas vraiment  faire; les comédiens désolé-du moins tels qu’ils ont été dirigés-n’ont la dimension requise pour jouer ce type de spectacle qui devrait être une farce d’une rare violence, où l’expression du corps est essentielle. Brigitte Rosset (Antonia), surtout au début où elle boule son texte que l’on arrive à peine à comprendre, navigue à vue, comme ses camarades, et c’est d’autant plus ennuyeux qu’elle est le pivot de la pièce.
La faute à quoi? Probablement et surtout à un manque de rythme dans la mise en scène -essentiel dans le comique-(voir Keaton, Laurel et Hardy, ou Chaplin),  et à une direction d’acteurs pas trop insuffisante.

La scénographie est au départ assez séduisante, avec l’image en fond de plateau, d’une barre sordide de H.L.M. et ses meubles amenés sur des rails coulissants. C’est de la belle mécanique mais quand tout, à la fin, les meubles comme le plateau, se mettent à osciller, on se dit que l’univers de Dario Fo n’avait pas besoin de tout cela pour fonctionner.
Cela dit, on rit souvent, et le public ne boude pas son plaisir, parce que l’invention verbale de Dario Fo arrive quand même à passer mais cette mise en scène  nous laisse vraiment sur notre faim…

Philippe du Vignal

Théâtre 71, Malakoff jusqu’au 15 avril. T: 01-55-48-91-00


Archive pour avril, 2013

Seuls

Seuls, texte et mise en scène de Wajdi Mouawad.

Seuls seuls-3Wajdi Maouwad est un bon lecteur: on l’avait entendu dire ses propres textes mais ici, il a osé se lancer seul comme acteur dans un solo de plus de deux heures où il s’est lui-même mis en scène et où interviennent de nombreux personnages en voix off.
Le spectacle, créé en 2008, est donc parfaitement rodé  mais n’a rien perdu de sa beauté. Seul dans son studio, assis sur un lit, il se raconte par le biais d’Harwan, un jeune Libanais d’une trentaine d’années qui a fui son pays en proie à la guerre, pour aller vivre au Québec.
Il a commencé une thèse de  doctorat sur le metteur en scène Robert Lepage qu’il doit rencontrer mais qui est en Russie. Qu’importe, il s’envole pour Moscou mais, pas de chance, Robert Lepage est revenu au  Canada!

Harwan se lance alors dans une une sorte de quête existentielle. Que reste-t-il de la mémoire de ce Liban si chéri et si détesté à la fois.? Que reste-t-il de ses origines, de son passé,  là-bas sur les bords de cette Méditerranée tant aimée, alors qu’il vit dans le froid et le manque de lumière? Où sont ses racines? Où est l’arabe, sa langue natale qu’il n’a plus l’occasion de parler mais dont il a encore la saveur dans la bouche? Est-il encore un exilé, alors qu’il vit dans une communauté où il a trouvé sa place, et dont il parle maintenant couramment la langue qu’il a eu le courage d’apprendre.
C’est d’Herwan qu’il s’agit mais aussi, bien entendu, on le comprend très vite vite, de Wajdi Mouawad, auteur et metteur en scène maintenant reconnu au Canada comme en France.
Le spectacle est né d’un besoin de se retrouver un peu seul, « loin des acteurs et de leurs névroses » dont il dit avoir assez. « Je dis cela avec beaucoup d’amour et sans aucune amertume. Je crois qu’au-delà de bien des choses, liées à la langue maternelle et à l’histoire de ce personnage, j’avais envie et besoin de retrouver un état amoureux avec l’acte de jouer, avec le théâtre ».

Sur scène, juste un lit et quelques châssis vitrés dont l’un cache un écran vidéo qui, pour une fois, remplit exactement un rôle d’amplificateur de la vision mentale. La scénographie, intelligente et précise signée Emmanuel Cloius, est d’une rare qualité et sur le grand plateau de la salle Jean Vilar, Wouajdi Mouawad, acteur et metteur en scène de son texte, possède une énergie et d’une concentration impeccables. Il a des  conversations au téléphone, notamment  avec son père,  d’une force et d’une vérité tout à fait étonnantes.
Ce monologue, habilement ponctué d’images et d’excellentes voix off: Nayla Mouwad, Michel Maurer, Isabelle Larivière, Robert Lepage, Abdo Mouawad, Eric Champoux, Jean Fortunato, coule ainsi pendant deux heures sans la moindre rupture de rythme, sans aucun accroc: avec Wajdi Mouawad, il y a aussi une équipe artistique derrière lui et sans laquelle le spectacle ne pourrait exister.

La fin où il se met à arroser de peinture des châssis transparents qui l’entourent comme un mur, est peut-être moins convaincante. Mais l’auteur-metteur en scène-acteur réussit là une performance hors du commun, et le public, séduit, l’a longuement, et avec raison, acclamé.  Cela faisait du bien de retrouver du vrai théâtre dans la salle Jean Vilar! Wajdi Mouawad concevra l’an prochain les autres maillons du cycle. Après Seuls, viendront Sœurs, frères  puis Père et Mère, sous la forme de solos ou duos…

Philippe du Vignal

Le spectacle s’est joué au Théâtre national de Chaillot du 19 au 29 mars.

 

Nos amours bêtes

Nos amours bêtes de Fabrice Melquiot, mise en scène et chorégraphie d’Ambra Senatore.

 

Nos amours bêtes ph-elisabeth-carrechio-02-18am049Ce spectacle qui fait partie de la deuxième édition du parcours Enfance et jeunesse du Théâtre de la Ville, est placé sous le signe du jeu.
Trois danseuses et deux comédiens jouent à « un deux, trois, soleils », en se fixant respectivement des gages qui  peuvent être donnés par le jeune public, ou se trouver sous des galets disposés sur le plateau nu. Il y a juste, à jardin, un projecteur mobile et une servante.
Dans cette ambiance ludique, Fabrice Melquiot a écrit  un texte autour de La Peau d’un phoque, un conte populaire islandais. Cela dure une heure et ressemble à un travail bien fait d’ateliers d’élèves d’une école de théâtre. Une des danseuses le répète: « Le mystère le plus grand, c’est d’être sans limite ». Ambra Senatore brouille ainsi les pistes, et la danse n’apparaît ici qu’accessoirement. L’imaginaire des enfants de la salle est stimulé, et  ils ne s’ennuient pas. La succession des improvisations sur le thème de l’imitation des animaux, de celle du cheval à celle du piranha, leur plaît beaucoup. Comme l’auteur le fait dire plusieurs fois aux comédiens: « Chaque animal est la moitié d’un être humain caché ».
C’est un spectacle léger avec des artistes heureux d’être en scène, dont l’un d’eux confie: « Parfois,  on se demande ce qu’on fait là ! » Une partie du public sans doute devenu déjà un peu adulte n’adhère pas vraiment au jeu…

 

Jean Couturier

Théâtre des Abbesses jusqu’au 13 Avril.

 

 

Fractures

Fractures ( strangers, babies), mise en scène de  Stuart Seide.

Fractures m_675_320_fractures11Linda Mc Lean, née à Galsgow a beaucoup écrit depuis 94 pour le théâtre et la radio; elle est l’auteur d’une vingtaine de pièces qui ont été jouées en Europe et aux Etats-Unis et qui ont fait l’objet de lectures. Mais c’est la première fois qu’un de ses textes est monté en France.
Fractures
n’est pas un monologue, même si le personnage central est une jeune femme qui parle tout le temps, confrontée  au regard et à la parole de cinq hommes qu’elle rencontre successivement et qui sont ou ont été tous été proches d’elle à un moment de sa vie.
Il y a d’abord Dan, son mari, qui se préoccupe beaucoup d’elle, trop sans doute. Puis, Duncan, son père ,vieil homme hospitalisé, près de la mort et accroché à sa pompe à morphine, à qui elle a beaucoup de reproches à faire. Roy, un futur amant qu’elle retrouve dans une chambre d’hôtel, après l’avoir rencontré sur Internet. Et ensuite Denis, son frère avec lequel elle a des relations quelque peu tendues, et enfin un assistant social venu vérifier qu’elle s’occupe bien de son bébé. Ces longues scènes sont assez grinçantes et il n’y a pas beaucoup d’humour…

L’arrivée de chaque homme agit en effet comme une sorte de révélateur qui permet de découvrir  la personnalité pour le moins assez trouble de la jeune femme qui semble s’être rendu coupable de quelque chose de grave  dans son enfance ou son adolescence- dont on ne saura finalement jamais rien mais qui a eu des conséquences désatreuses sur sa vie personnelle.
Les dialogues tricotés par Linda Mc Lean sont  aussi habiles que denses; la jeune femme ne s’explique jamais, même si elle parle beaucoup et parfois avec une certaine maladresse, révélatrice de son mal-être.
Et, comme le dit Stuart Seide, « mettre en scène cette œuvre consiste essentiellement à explorer les relations humaines et à examiner les effets sur le présent d’un acte antérieur ».  C’est, comme d’habitude chez lui, une réalisation extrêmement rigoureuse dans la direction d’acteurs et Stuart Seide réussit à faire sentir tout le poids d’un passé qui ne cesse de remonter à a la  surface de la vie de May.
« Le passé me tourmente et je crains l’avenir »,  écrivait  déjà le grand Corneille dans Le Cid…  Un plateau nu et gris à l’éclairage assez glauque d’une verrière qui entoure la scène. Juste  quelques meubles et indispensables accessoires: un lit qui se transforme en banquette et des chaises dessinés par Philippe Marioge.

Avant l’apparition de chaque homme, May, aidée par une costumière,  change de vêtements à vue. C’est Sophie-Aude Picon qui joue May. La jeune actrice,  avec une gestuelle et une diction impeccables,  assume ce rôle écrasant avec beaucoup de solidité. Les cinq hommes ( Eric Castex, Stuart Seide, absolument remarquable dans le rôle du père hospitalisé, Maxime Guyon, Jonathan Heckel et Bernard Ferreira  lui renvoient la balle dans ce match avec efficacité.
La pièce n’a sans doute rien d’éblouissant mais est habilement construite. Même si elle  a quelque chose d’un peu sec et démonstratif,   elle fait penser, aux meilleurs moments, à certains dialogues de Pinter qui a sans doute influencé Linda Mc Lean.

A voir? Oui, pour  découvrir un nouvel auteur et surtout une jeune et remarquable comédienne.

Philippe du Vignal

Théâtre Ouvert jusqu’au 13 avril.

Woyzeck

 

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Woyzeck, (je n’arrive pas à pleurer), d’après Georg Büchner, mise en scène de Jean-Pierre Baro.

Inspirée d’un fait réel, Woyzeck est une pièce fragmentaire et inachevée – l’auteur meurt du typhus en 1837, à vingt-quatre ans, sans avoir eu le temps de la mener à sa conclusion – Elle raconte l’histoire d’un jeune soldat, Franz Woyzeck, amoureux de Marie dont il a un enfant. Il tire le diable par la queue et fait divers travaux pour rapporter quelques sous de plus, (il rase son capitaine, ou se prête aux expériences d’un médecin fou) afin de satisfaire sa belle.
C’est un homme singulier, souvent moqué, dont la vie bascule quand un tambour-major, de passage dans la ville, remarque Marie et lui fait des avances. Les boucles d’oreilles qu’il lui offre et la danse provocante de la jeune femme le rendent fou, et Woyzeck la tue.
La dramaturgie du fragment ou du montage, qu’apporte Büchner ouvre la voie à de nouvelles formes théâtrales et permet aux metteurs en scène, de donner aujourd’hui leur vision. Jean-Pierre Baro, pour raconter sa propre histoire, s’empare de la pièce à sa manière; il signe l’adaptation et la mise en scène, et avec Magali Murbach,  la scénographie et les costumes.
Le père de Jean-Pierre Baro travailleur immigré sénégalais, est arrivé en France dans les années 60, sa mère qu’il interroge, livre des fragments de sa mémoire, justifiant le sous-titre : Je n’arrive pas à pleurer. Woyzeck est donc noir et  Jean-Pierre Baro rejoint Büchner sur la thématique de l’autre, de l’étranger et de la différence.
Tout est à vue  dans le bel espace de jeu du Monfort où on entre comme dans un piano-bar. Au fond, côté jardin sur le côté un portant à costumes, et l’on voit de dos un pianiste qui joue,  et une femme  ( la mère ) qui l’écoute.  Côté cour, un juke-box. Sur un écran, comme, en commentaire, un grand champ, une croix projetée, quelques images. Le sol de la scène luisant, réfléchit la lumière qui  ira jusqu’au bleu, blanc et rouge-signe discret de la France-Afrique-dispensés par des tubes fluo.

Andrès se lave dans une cuvette, quand entre Woyzeck, inquiétant : « ça cogne, derrière moi, au-dessous de moi… c’est creux, tu entends ». Alcool, folie, singularité ? Une femme, chargée de sacs, arrive et se raconte, c’est le lien au réel, l’histoire de vie. Elle fait référence aux peuls et au mariage mixte, à l’exil, – s’en aller et se perdre -, au couvre-feu.
Une jeune mère, moderne et provocatrice, Marie, pousse son enfant dans un landeau, et lui raconte. « Tu es belle comme le pêché », lui dit Franz qui passe en coup de vent. « Il n’a même pas regardé l’enfant »,  remarque-t-elle, et l’enfant pleure.

On entend des chants, des gospels, du jazz, diffusés par le juke-box, (création sonore de Loïc Le Roux). La voix du récit parle d’accueil dans la famille africaine, et du beau-père, mécanicien dans les avions. Les scénarios s’entrecroisent. Woyzeck dialogue avec son capitaine, qu’il lave : « - Woyzeck, tu as un enfant ? – Non reconnu – Et la vertu, Woyzeck ? – Nous, les gens ordinaires, c’est seulement la nature qui nous pousse, je suis un pauvre type. – Toujours l’air aux aguets » ! Le médecin-mais aussi  pianiste-dérègle le jeu et le capitaine sème le doute.
Arrive au pas de l’oie, le tambour-major,  pantalon rayé et gants blancs dans un bruit de bottes. Et Marie, dans sa belle robe orange danse avec lui. Bruits de fête, pluie de paillettes, mais plus elle danse, plus il s’enfonce. Dialecte africain et provocations en tout genre continuent à se mêler, jusqu’à ce qu’une ligne de fracture, violette, s’affiche sur écran. Un échange entre Marie de Magdala, et Marie, sœur de Marthe et Lazare, sur l’adultère et l’alcoolisme, référence biblique, est suivi du meurtre de Marie, sorte de sacrifice.
Les récits parallèles voyagent entre deux niveaux de langage, collectif et individuel : celui du soldat malmené par la société, et celui du père émigré qui se perd dans l’alcool, tous deux  comme étrangers au monde. Ce mélange entre le réel – l’histoire du metteur en scène – et la fiction, celle de Woyzeck, ralentit le rythme et brouille les parcours des personnages, – interprétés par Simon Bellouard, Cécile Coustillac, Adama Diop, Sabine Moindrot, Elios Noël, Philippe Noël et Tonin Palazzotto.
Le mélange des genres ici ne convainc pas vraiment et Jean-Pierre Baro, en dépit de son talent, nous laisse naviguer à vue.

Brigitte Rémer

Théâtre Sylvia Monfort, jusqu’au 6 avril, à 20h30. T : 01-56-08-33-88 – www.lemonfort.fr – Scène Nationale de Quimper-Théâtre de Cornouaille, le 16 avril, (www.theatre-cornouille.fr) Extime Compagnie.

Texte paru dans la traduction de Jean-Louis Besson et Jean Jourdheuil aux éditions Théâtrales.

Carte blanche à Armel Roussel

Festival Artdanthe  Carte blanche à Armel Roussel

Ivanov/ Re/Mix d’Armel Roussel.

Le Festival Artdanthe, fondé voilà quinze ans par José Alfarroba, directeur du Théâtre de Vanves, se donnait pour objectif d’ouvrir ce théâtre municipal à la danse contemporaine. Cette mission a été pleinement remplie par une équipe de dix personnes, avec des moyens singulièrement modestes, ceux d’un théâtre municipal, confortés par une convention de la D.R.A.C. , mais aussi par des aides de la Région et du Conseil général.
Pour cette édition 2013, 65 spectacles ont été  présentés du 29 janvier au 5 avril dans la petite salle Panopée et au Théâtre de Vanves.
Armel Roussel,  metteur en scène français installé en Belgique depuis 90 , est  professeur à l’INSAS de Bruxelles et a aussi  donné des stages en France, Suisse,  Sénégal et Roumanie. Il fonde sa compagnie Utopia en 96, actuellement en résidence au Théâtre des Tanneurs à Bruxelles. Il présente ici  un Ivanov d’après Tchekhov et Nothing hurts de Falk Richter et a invité des artistes amis  avec  leurs créations.

Nous sommes accueillis sur des gradins , et il y a une table chargée de petits verres de vodka qu’Armel Roussel installé à vue à la table de régie, viendra offrir aux spectateurs.Ivanov Re/Mix nous convie à une mise en pièces  de la pièce plutôt lumineuse:
Nicolas-Ivanov, affalé sur son lit avec son ordinateur,  tient des propos désabusés: « Les médecins c’est comme les avocats, ça joue au squash (…) Toujours répondre à des questions stupides, aucun moyen de s’en sortir (…) Je n’ai pas la force de me comprendre moi-même (…) . Je pense que je suis un cochon, un crétin comme les autres…  »
Les personnages d’Ivanov portent ici les prénoms des douze comédiens qui interprètent des différents rôles avec un humour bienfaisant,  et qui font ressortir avec vivacité la déroute d’un  tout début de XXe siècle qui ressemble étrangement au nôtre.

Théâtre de Vanves, salle Panopée, jusqu’au 13 avril à 20 h, relâche les 7, 8, 11 avril, T: 01 41 33 92 91.

Nothinh Hurts  de Falk Richter, mise en scène d’ Armel Roussel.

« J’ai voulu travailler sur des images mentales. L’accent est mis sur ce qui n’est pas représenté… » dit le metteur en scène. Quatre acteurs, deux hommes et deux femmes se retrouvent à une heure indécise pour clamer leur solitude et leur angoisse.
L’un d’eux en slip porte des oreilles de lapin, l’autre se démène aux percussions et à la technique, une blonde, court vêtue, au charmant accent britannique déclame un long monologue angoissé, la deuxième  toute en noir secoue sa longue chevelure brune déclame, se contorsionne, et reste longuement prostrée par terre.
Le sens est difficile à capter, on entrevoit une errance dans la drogue. Malgré de belles images, ces fuites solitaires, même interprétées par de bons acteurs nous laissent au bord du chemin.

Salle Panopée de Vanves, le 5 avril.

Good mourning ! de et par Florence Minder,  avec  la collaboration de Sébastien Monfè et  Brice Cannavo

Florence Minder, haute silhouette coiffée d’une longue perruque blonde, entre en scène d’un pas déterminé, armée d’un fusil. Elle s’exprime bizarrement en anglais avec un redoutable accent américain, heureusement sur-titré.
Le fusil, dit-elle, « c’est à cause des loups ! »  Elle retrace son parcours erratique, son année horrible, mais on peut « dénier le déniement » et « toujours trouver quelqu’un dans une forme pire que la vôtre ! » »
Elle procède à une longue énumération des livres qu’elle a lus, décrit son voyage sur l’Atlantique… Déterminée, féroce, pitoyable, elle est  aussi pleine d’un redoutable humour. Good Mourning,  c’est « bon deuil », on peut aussi entendre Good Morning, » bonjour ! »

Théâtre de Vanves, le 5 avril.

Edith Rappoport

comment ça va sur la terre ?

Comment ça va sur la terre ?  Poèmes de Robert Desnos, Raymond Queneau, Jean Tardieu et Michelle Buirette,

Nous avions découvert Michèle Buirette à la fin des années 1980 avec le trio Pied de Poule , , un joyeux ensemble musical qui avait ravi des centaines de spectateurs jeunes et moins jeunes pendant des années.
Elle  a heureusement fondé un nouveau trio, le Pavé Volubile avec des jeunes musiciennes aux talents multiples Linda Edsjö (percussions, vibraphone et chant, Elsa Birgé (chant et acrobatie), accompagnement artistique de Praline Gay Para, et elle-même  (accordéon et chant) pour mettre en musique des poèmes qui nous reviennent en mémoire, sur les sévices causés par l’homme à la nature.
Les trois complices jouent avec des paysages sonores fantaisistes qui nous promènent des coins de la savane aux jardins potagers. La grâce d’Elsa Birgé donne une fraîcheur étonnante à ce spectacle impeccable,  délicieux accessible à à tous. « Le théâtre pour enfants, c’est du théâtre pour adultes, mais en mieux ! » disait Stanislavski.

Edith Rappoport

Théâtre Dunois, jusqu’au 14 avril, T:  01 45 84 72 00 et en tournée en France.
http://www.michèlebuirette.com

Frères de sang

Frères de sang d’André Curti et d’Artur Ribeiro.

    Frères de sang freres_de_sangMême si la belle tension élaborée sur la scène souffre parfois de chutes dans l’attention exigée du spectateur, la dernière création d’André Curti et d’Artur Ribeiro,  ne déroge pas au répertoire singulier de la Compagnie Dos à Deux:  l’exploration d’un même univers onirique, à la fois sombre et coloré.
Tous les personnages d’une famille originelle se tiennent sur le plateau, arpentant et dansant dans l’espace céleste des rêves et des souvenirs, en marcel blanc, et  pantalons et bretelles noirs pour les garçons, et robes printanières pour la seule figure féminine, maternelle ou sororale.
Le spectateur voit se déployer, à la façon des fleurs de papier japonaises qui se déplient au contact de l’eau, l’héritage infini d’une mémoire existentielle à consonance freudienne, fondatrice de l’être en devenir entre un père, une mère, des frères et une sœur, depuis la plus tendre enfance jusqu’à la maturité avancée précédant la mort. quant à la fin fatale, les deux artistes d’ origine brésilienne savent de quoi ils parlent : la mort du père qui ouvre le spectacle propose une image particulièrement forte–cassante et macabre- en jouant de l’art douloureux et délicat de la manipulation.
Autour de la dépouille, un chœur de pleureuses masquées que tient et brandit Matias Chebel, comédien acrobate. Le cadavre paternel – effigie ou pantin – est appréhendé dans son état absolu, une marionnette abandonnée aux mains de ses proches, qu’on lave et prépare une dernière fois. Planche glissée, abaissée ou bien relevée, le cercueil tient lieu de balançoire enfantine ou même du toboggan aux provocations vertigineuses. Pour que le deuil se fasse, le retour au temps de l’enfance s’impose avec son cortège de jeux et de joies mais aussi de souffrances, d’humiliations et de haines.
Les garçons s’amusent sur un tourniquet de jardin qui mène à l’ivresse et revient sans cesse sur des scènes fondatrices intimes, la jalousie éprouvée pour un troisième frère que, pour se venger, on n’inclut pas dans les jeux. La mère est là, souveraine et royale, accordant la vie ou la mort intime, suivant le jeu des chaises musicales et des préférences du cœur. À moins que ce ne soit une sœur dont on est soi-même le rival dans une concurrence acharnée pour la quête de reconnaissance parentale.
Les blessures s’ouvrent à ces instants des débuts de la vie sans jamais se refermer. Ballon de foot énorme, poupée déchiquetée de l’un ou l’autre des enfants, robes somptuaires ou quotidiennes de la mère, les objets sont des étapes qui jalonnent la promenade dans la marée houleuse des souvenirs en désordre. La mère a pour garde-robe une armoire-castelet, une maison de poupées dont elle est la gardienne face aux bambins qui n’ont pas le droit de résidence en ces lieux.
La musique envoûtante de Fernando Mota ajoute au charme désuet de la reconstitution d’un passé qui ne vous quitte pas, entre les voix enfantines jamais tues des récréations scolaires et les musiques qu’on aime écouter dans la solitude de la jeunesse. Pour la présence maternelle, la silhouette éthérée de Cécile Givernet s’impose dans la grâce.
Face à elle, les acteurs/danseurs Matias Chebel, André Curti et Artur Ribeiro s’emparent de l’espace scénique avec  une souplesse et une  vivacité des corps en accord  avec  les sentiments exprimés. Un travail original dont l’univers griffé fraie avec l’intime autant qu’avec l’universel.

Véronique Hotte

Le 12 avril à l’ECAM au Kremlin-Bicêtre, le 16 avril au Théâtre Jean Vilar à Ifs, le 19 avril au Théâtre Victor Hugo à Bagneux, les 22 et 23 avril au Théâtre-Scène nationale Bayonne-Sud Aquitain, le 25 avril à L’Odyssée – Scène conventionnée de Périgueux, le 27 avril au Centre Culturel Egia à San Sebastian en Espagne.

Le Parloir

Le Parloir de Pépito Matéo, mise en scène d’Olivier Vandeputte

 

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©Valérie Vanhoof

Le plateau est de si petite dimension que l’acteur est vraiment en prison, et le spectateur serait son compagnon de cellule. Les yeux dans les yeux, donc, il raconte l’enfermement, la difficulté de coller avec la réalité, les cauchemars, le lieu de l’isolement et de la solitude.

Seul en scène, le raconteur (Olivier Segura) esquisse quelques portraits de ses voisins de cellule : Neto et ses oiseaux voyageurs qu’il envoie en mission, métaphore de liberté par excellence ; Eddy le tatoué, l‘esprit en labyrinthe ; Abdel, l’écrivain public, qui enfile son costar comme s’il allait en boîte, et qui écoute la chanteuse à tue-tête, perchée sur l’abribus, de l’autre côté du mur ; Gilot, l’homme au morceau de miroir, qui dessine des rais de lumière, dans les couloirs et tente, à l’aide de son rétroviseur, de regarder les arbres. Il donne, en peintre impressionniste, l’ambiance, la dépression, les violences nocturnes, la sexualité forcée, la fabrication des rumeurs, le gardien menteur, et celui qui est là depuis plus de trente ans, le spécialiste de la chaise électrique, la tentative de suicide avec le sang qui pisse, et l’antidote à tout, la camisole chimique.

Il dépeint les actes de la vie quotidienne : la promenade, la cuisine, les ateliers dits d’expression, cantiner, car tout se monnaie, se troque et s’échange, et il parle du temps qui s’étire, «comme un élastique».
Il pointe le vocabulaire: procédure, accusé, avocat, écrou, etc, et la compagnie des cafards. Le parloir donne l’espoir aux détenus: les familles, les bras pleins de cabas et après un piquet d’attente sur le trottoir, rencontrent chacune, leur détenu, et tentent de lui parler, délicat moment où le fils rend visite à son  père ou l’inverse, sans trop savoir que lui dire. Pourvu que quelqu’un t’attende à la sortie, quand sortie, il y aura !
Il y a l’arrestation de la fille de Simone, le mouvement des nouveaux arrivants, la recherche d’objectifs allant jusqu’à soigner les mulots, le son de l’eau, libre, qu’on guette, dans les canalisations ; mal-être, règlements de compte, peurs de la nuit, et rêves qui s’écroulent, jusqu’à la folie.
Ainsi va le récit, écrit par Pépito Matéo, qui a mené des ateliers  à la Maison du Conte, en même temps qu’il travaillait sur l’oralité, au sein de la prison, en prise directe avec l’expérience des détenus : « J’avais surtout envie, dit-il,  de montrer l’humanité des gens qui sont en prison, en mettant au centre la question du conteur ». Olivier Vandeputte, metteur en scène et directeur de la Compagnie Le Palindrome, oscille,  dans sa direction d’acteurs , entre conte et théâtralisation.
Le spectateur apostrophé ne reçoit pas, du coup, l’intensité qu’il espère; faute de précision et d’un peu de distance, l’acteur semble flotter de l’un à l’autre. Dans un petit coin rétréci, hors cellule, un guitariste, Nicolas Mazzola, l’accompagne, jouant la musique composée par Ruben, spécialiste de guitare jazz et bossa nova, dont il a fait les arrangements. Des sons mixés aident aussi à l’identification de l’univers carcéral (Michaël Constant/PixelProd), complétés d’éclairages en ombres et lumières (Marie-Laure Rocher).
« Mais l’évidence de la prison se fonde aussi sur son rôle, supposé ou exigé, d’appareil à transformer les individus. Comment la prison ne serait-elle pas immédiatement acceptée? Elle ne fait, en enfermant, en redressant, en rendant docile, que reproduire, quitte à les accentuer un peu, tous les mécanismes du corps social ? La prison : une caserne un peu stricte, une école sans indulgence, un sombre atelier, mais, à la limite, rien de qualitativement différent », dit Michel Foucault dans Surveiller et punir, un ouvrage qui fait référence.
Reste, avec  Le Parloir , une entreprise généreuse et la force d’un témoignage et restent tous les Abdel du monde, rendez-vous : station Liberté, comme dans le texte.

 

Brigitte Rémer

 

Théâtre du Temps, 9 rue du Morvan, 75011 Paris , jusqu’au 14 avril, tous les samedis à 17h et dimanches à 16h. T : 06-18-93-64-01 (www.lepalindrome.blogspot.com)

Le texte est édité chez Paradox (ww.editionsparadox.com)

 

 

The changing Room

The changing Room,  texte et mise en scène d’Alexandre Fecteau.

 

The changing Room changing_room_0-1C’ est un spectacle qui nous ramène à  une époque révolue du théâtre québécois, où les personnages troubles de Michel Tremblay dominaient la scène montréalaise.   Hosanna et La Duchesse de Langeais avaient quelque chose de comique et de pathétique. On retrouve ici une ambiance semblable mais Alexandre Fecteau a recours à des moyens scéniques plus contemporains. Les techniques de la  téléréalité, le docudrame, le spectacle interactif, l’improvisation et le théâtre « verbatim « sont des moyens efficaces pour séduire la salle.
Des scènes merveilleuses de « lip synch », et des chorégraphies burlesques, avec une musique pop, des paillettes, des plumes, des talons aiguilles, des robes flamboyantes, des maquillages, et des perruques de toutes les couleurs, éblouissent  le spectateur. Le côté exhibitionniste de ces artistes qui  découvre sur la petite scène recouverte de velours rouge kistchissime, des artistes au côté un peu exhibitionniste mais la caméra nous livre des séances de téléréalité en les suivant  dans les coulisses où elle capte de vrais échanges dans les loges ( changing room).
Il y a  une petite scène pour les danseurs et  chanteurs  placée frontalement à  la salle,  et  la caméra nous montre, à l’écran, l’espace plus intime des coulisses où les acteurs  font leurs confidences et nous dévoilent  un peu de leur  vie des drag-queen.  Peu à peu, le spectacle creuse la manière dont ces personnages scéniques sont construits, et se dessine une réflexion sur l’identité sexuelle. Les acteurs expliquent leurs rapports complexes avec leurs personnages: chacun s’inspire d’artistes connus à Montréal. Ils ne seraient donc que de pauvres copies de vedettes?  Mais cela change-t-il quelque chose?  Ils ont tous recours  en fait à différents niveaux de jeu.  L’identité est surtout construite dans un ensemble de rapports variés avec  le corps transformé par l’acte théâtral, par la médecine, par les pulsions profondes, et par le milieu social…
Finalement, qu’il s’agisse des acteurs qui jouent des personnages inspirés de vrais drag-queen, où des femmes qui jouent des hommes en « drag « ,  ou des hommes « straight » qui jouent des transsexuels, ou même un vrai drag-queen qui gagne sa vie tous les jours dans ce contexte professionnel, le spectacle remet en question la notion même de réalité   identitaire, puisqu’ils sont tous en train de se mettre en scène, de jouer afin de construire un personnage.
Et pour présenter les saynètes,  une femme (Délice)-qui serait en fait un transsexuel,-taquine les politiciens, le public de toute origine et de toute orientation et nous  invite à nous défendre et à nous exprimer librement.  L’improvisation est mise au service d’une forme d’expression qui encourage les spectateurs  à défendre leurs choix, quels qu’ils soient.

Moins réussis sont les moments sérieux filmés  dans les coulisses  où les artistes parlent de leur vie et font des révélations surprenantes. Mais difficile en effet de ne pas être ému par  Dory, au corps délicat ravagé par la maladie, même s’il joue avec  un excès de pathos, dans un  monde où tout semble du théâtre pur.  Le paradoxe est étrange…. Quelle que soit la manière dont les individus s’identifient, ce qui unit vraiment la race humaine, est notre capacité de souffrance.Malgré  la frénésie clinquante de ce spectacle étonnant, inattendu, et  divertissant,  The changing Room nous y fait réfléchir…

Alvina Ruprecht

 Centre national des Arts à Ottawa, du 3 au 6 avril.

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