La Vie de Galilée de Bertolt Brecht, mise en scène de Christophe Luthringer
La Vie de Galilée de Bertolt Brecht, mise en scène de Christophe Luthringer
Brecht a quarante ans en 1933 et doit quitter l’Allemagne quand les nazis brûlent son œuvre! Il arrive au Danemark où il écrit La Vie de Galilée. Il vit ensuite en Suède, puis en Finlande et s’installe en Californie en 41, mais il oit en repartir en six ans plus tard, chassé par le maccarthysme.
Après avoir vécu en Suisse, il retrouvera l’Allemagne en 48: après quinze années d’exil! Et cette pièce ne fut créée à Zurich qu’en 43, puis reprise à Hollywood en 47, cette fois dans une mise en scène de lui. Impossible de ne pas faire le lien entre un auteur dont les autorités de la République Démocratique Allemande trouvaient les pièces peu conformes au principes du réalisme socialiste et ce Galileo Galilei , professeur de mathématiques à Padoue qui veut démontrer la vérité du nouveau système du monde imaginé par Copernic que l’Inquisition mettra à l’index en 1616
La fable écrite par Brecht dans une belle langue ne manque pas de charme, même si elle traîne parfois en longueur: les répliques pourraient souvent être plus courtes. Jean-François Sivadier qui en avait fait une remarquable mise en scène, fait justement remarquer qu’elle « raconte la destruction d’un certain ordre du monde et l’édification d’un autre. En Italie, au début du XVIIe siècle, Galilée braque un télescope vers les astres, déplace la terre, abolit le ciel, cherche et trouve des preuves, fait voler en éclats les sphères de cristal où Ptolémée a enfermé le monde et éteint la raison et l’imagination des hommes. Il fait vaciller le théâtre de l’Eglise et donne le vertige à ses acteurs. L’Inquisition lui fera baisser les bras, abjurer ses théories sans pouvoir l’empêcher de travailler secrètement à la « signature » de son œuvre, ses Discorsi ».
Reste à savoir si, quand on élague ainsi un texte, il peut encore avoir un sens… La réponse est évidemment non, ou alors il faudrait des acteurs capables d’emmener un public comme ceux du Théâtre de l’Unité mais là on est loin du compte! Christophe Luthringer a pris le parti d’en faire une sorte de pièce de tréteaux, en gardant la trame mais avec cinq acteurs seulement pour interpréter la cinquantaine de personnages de la pièce originale… « L’œuvre, dit-il, délivre un message simple où Galilée dit : « Je crois en la douce violence de la raison sur les hommes. Mais ce message n’a rien de didactique, il procède d’une distanciation ludique, faite de clins d’œil et de légèreté, de cette légèreté amusée qui caractérise le personnage de Galilée ».
Christophe Luthringer essaye bien de faire ressortir tout ce que la pièce peut avoir de joyeux mais ne s’en sort pas très bien… A de rares moments, la fable de Brecht arrive quand même à passer mais cette suite de petites scènes reste peu convaincante. Il y a quand même quelques belles idées de mise en scène comme ce coffre/malle à tout faire ou cette gondole faite d’une grande bande de tissu rouge mais l’interprétation est des plus limites, parfois même proche de l’amateurisme… Et les lumières sont d’une laideur absolue, la direction d’acteurs est aux abonnés absents et tout le monde criaille presque sans arrêt, ce qui devient vite fatigant.
Et Christophe Luthringer aurait pu nous épargner cette petite scène de théâtre dans le théâtre avec cette engueulade -cent fois vue- entre un comédien et le technicien, qui sonne faux comme ce n’est pas permis. Si on veut à tout prix augmenter encore le fameuse distanciation brechtienne, autant le faire proprement! Le spectacle ne dure qu’une heure quinze et malgré tout traîne en longueur, faute d’une véritable structure dramaturgique….
Nous n’étions que dix-sept à voir cette chose approximative et nous ne vous inciterons pas à y aller.
Philippe du Vignal
Théâtre du Lucernaire jusqu’au 24 août, du mardi au samedi 21 h 30, le dimanche à 17 h T : 01 41 22 26 50.