Dénommé Gospodin
Dénommé Gospodin de Philippe Löhle, mise en scène de Benoît Lambert.
C’est toujours avec appétit qu’on s’apprête à découvrir un nouvel auteur sur nos plateaux.
A trente-cinq ans, Philip Löhle, est déjà largement reconnu en Allemagne et ne déçoit pas notre attente, d’autant qu’il est ici intelligemment servi par la mise en scène et les comédiens
La pièce fait partie de ce qu’il appelle La Trilogie des rêveurs et Gospodin (en russe :seigneur ) en est bien un de rêveur : il entend vivre dans la société capitaliste mais …en dehors du système capitaliste.
Quand son lama lui est enlevé « qui me permettait de survivre de façon agréable en dehors du capitalisme, en dehors de toute exploitation par le travail, de façon relax … » il entreprend de se défaire de toute propriété, de se passer d’argent et d’avoir recours au troc. Dans sa douce utopie, il se demande: « Ne suis je pas en train de devenir heureux ? Prendre le capitalisme par les couilles ! ».
Il va à la cave, à l’endroit où était le lama et va chercher le bidon de lait avec lequel il donnait à boire au lama. Il repose donc le bidon, l’ouvre et écrit de sa main nue avec du lait de façon à peine lisible, son dogme. »
Christophe Brault, grand bébé hirsute, indigné et boudeur, pétillant de malice, incarne Gospodin ; Don Quichotte non violent de la décroissance, il résiste aux assauts de la société. Deux acteurs postés à l’avant-scène, se font tantôt narrateurs, car la pièce se présente comme le récit des aventures de Gospodin, illustré par une série de brefs tableaux mettant en jeu le protagoniste face à sa petite amie, la copine de celle ci, sa mère et ses potes dont un mystérieux malfrat.
Mais voilà aussi les deux acteurs entrés dans l’histoire : Chloé Réjon, endosse avec virtuosité tous les personnages féminins. Emmanuel Vérité, interprète avec fougue toutes les figures masculines. Leur vivacité, la rapidité de passage d’une saynète à l’autre tranchent avec la force tranquille de notre héros
Benoit Lambert, nommé récemment directeur du centre dramatique national de Dijon, fait évoluer les acteurs dans une boîte lumineuse qu’il fera imploser en cours de route, dévoilant les coulisses de la fable. La scénographie rythme et soutient la narration. Construite comme une bande dessinée où l’on saute de case en case, la pièce explore en s’amusant les effets dérégulateurs du capitalisme et rejoint des questionnements proches de ceux du mouvement des Indignés ou d’Occupy Wall Street.
Il n’y a ici ni déploration ni rancœur, tout au plus une rêverie ironique, une utopie désabusée. Un spectacle dans l’air du temps pour réfléchir en riant !
Mireille Davidovici
Théâtre de la Colline jusqu’au 15 juin. T: 01- 44-62-52-52