La nouvelle saison de l’Odéon.
La nouvelle saison à l’Odéon-Théâtre de l’Europe.
C’est la deuxième saison de Luc Bondy, dont la nomination, l’an passé, par Frédéric Mitterrand, influencé , dit-on, par Carla Bruni, peu de temps avant l’échec de son cher mari, avait créé quelque émoi dans le petit monde théâtral de l’hexagone. (voir Le Théâtre du Blog). Puisqu’était évincé ipso facto Olivier Py, recasé vite fait à la direction du Festival d’Avignon, grâce à un de ces tours de passe-passe- juridiquement des plus contestables-que le Ministère de la Culture-qui n’en est pas à un coup tordu près-garde toujours en stock…
On prédisait le pire à Luc Bondy devenu directeur de l’Odéon comme il voulait depuis longtemps et qui fut sans aucun doute un des plus grand metteurs en scène européens depuis la disparition de Peter Zadek et de Klaus-Michaël Grüber. De ces nouvelles fonctions, Bondy ne s’est finalement pas si mal tiré et a rempli le contrat-à quelques erreurs près, avec une saison surtout allemande mais le public, du moins celui d’un certain âge-, a quand même suivi. Même s’il y a eu une nette tendance au vedettariat, tendance facile et un peu trop fréquente en France et… toujours coûteuse.
Cette saison 2013-2014 verra défiler dix spectacles. Pour la plupart des reprises , et tous des valeurs sûres, de par leur auteur et/ou leur metteur en scène. Luc Bondy n’a guère pris de risques: c’est le moins que l’on puisse dire et la palette va des grands classiques comme Les Fausses confidences, avec notamment Isabelle Huppert-c’est la quatrième fois qu’il mettra Marivaux en scène- ou Cyrano de Bergerac, pièce mythique, revisitée à la lumière de la psychanalyse par Dominique Pitoiset qu’il créa cette année à Bordeaux.
Du côté germanique, il y aura aussi un Fassbinder bien connu: Les Larmes amères de Petra von Kant, mis en scène de Martin Kusej et Le papier peint jaune d’après Charlotte Perkins Gilman, mise en scène de Katie Mitchell .
Comme il vous plaira sera monté par Patrice Chéreau accompagné de son scénographe d’excellence Richard Peduzzi, et salué comme une vedette par le public présent ce soir-là, ou comme Michel Piccoli venu en spectateur.
Du côté des auteurs/metteurs en scène de notre époque, là rien de très neuf mais il y aura la reprise de Au monde et Les Marchands, excellents spectacles de Joël Pommerat,artiste associé de l’Odéon, qui mettra aussi en scène la belle petite pièce de Catherine Anne d’après Rilke Une année sans été qu’elle écrivit et monta avec trois bouts de ficelle quand elle n’avait que vingt-sept ans.
Luc Bondy a aussi fait appel, comme pour se dédouaner un peu, à Angelica Liddell qui n’est plus du tout la quasi-inconnue d’il il y a quatre ans (voir Le Théâtre du Blog) avec Tout le ciel au dessus de la terre. Le syndrome de Wendy qu’elle créera en Avignon cet été. Mais là aussi , peu de risques, même si ses spectacles n’ont pas toujours la même force dans une salle fermée qu’au cloître des Carmes quand elle avait monté son fascinant La Casa de la fuerza.
Le directeur de l’Odéon a eu raison de confier à deux jeunes metteurs en scène déja connus de la profession mais pas du grand public, Jean Bellorini qui créera La Bonne âme de Se-Tchouan de Brecht et Benjamin Porrée, qui reprendra la première pièce fleuve d’un jeune Tchekov de vingt ans Platonov qu’il avait montée au Théâtre de Vanves l’an passé. Dénominateurs communs: texte bien connu, spectacle long, nombreuse distribution. Et une « énergie neuve » comme dit Luc Bondy. Même si cette énergie neuve e ne concerne que deux spectacles…
Bref, une saison solide sans doute mais un peu trop propre sur elle, où l’on aurait aimé qu’il y ait plusieurs événements qui perturbent l’ordre établi et qui donne envie aux jeunes spectateurs de continuer à venir à l’Odéon autrement qu’en service scolaire commandé… Juste par envie, par désir que le grand Spinoza, cité par Bondy, associait dans son Ethique au mot joie…Et de ce côté-là, désolé mais le compte n’y est pas tout à fait.
Les temps certes ne sont plus les mêmes mais il est temps que les directeurs des grandes institutions théâtrales françaises-et surtout parisiennes-prennent davantage de risques (le recours au vedettariat, surtout quand les dites vedettes n’ont plus l’âge requis pour le rôle, est une solution à très court terme!) si elles veulent attirer un public aux cheveux encore foncés, et non des cohortes de jeunes retraitées de l’Education nationale. Il y a vraiment urgence…
Philippe du Vignal
Odéon-Théâtre de l’Europe T: 01-85-44-00