Elena’s Aria
Elena’s Aria chorégraphie d’Anne Teresa de Keersmaeker.
En l’espace d’un mois le public du théâtre de la Ville découvre deux œuvres marquantes de la danse contemporaine, Kontakthof par le Tanztheater Wuppertal de feu Pina Bausch et cette pièce de la chorégraphe flamande, vingt-sept ans après sa création.
Elena’s Aria a marqué un tournant dans la vie de sa compagnie; c’est une œuvre de jeunesse, audacieuse, pas simple d’accès pour le grand public et qui n’avait jamais été reprise.
Les vingt dernières minutes sont d’une impressionnante beauté, mais voilà: la pièce en dure 110… Pour la première fois, la chorégraphe utilisait des textes , et des projections vidéo en association avec la danse. Sur un plateau nu, une vingtaine de chaises de couleur pastel, un lampadaire à cour, et un ventilateur à jardin.
La pièce débute par la lecture d’un texte peu compréhensible, ce qui est d’emblée gênant! Parmi les chaises, cinq danseuses, dont la chorégraphe, contraintes dans leurs robes moulantes et courtes, tentent d’initier quelques pas de danse, et parfois se dessine un solo, un trio, voire un quatuor.
Aidé par de belles lumières, le tableau est remarquable et la chorégraphie, toute en hésitations et changements de rythme, est d’une grande précision.
Mais il existe une vraie dissociation entre ce qui est donné à voir et ce qui est donné à entendre. Autant les images, quoique répétitives, sont fortes, autant le son, utilisé comme bruit parasite, met le public à l’épreuve, que cela soit celui du ventilateur, des musiques, d’un discours de Che Ghevara faiblement entendu depuis les coulisses, ou encore celui des textes lus par les danseuses ou des talonsqui frappent le sol.
S’y ajoute le bruit de fermeture des fauteuils … même si une majorité de spectateurs est reste quand même. Les dernières minutes sont remarquables: devant le rideau de fer descendu, les longs silences et les longues périodes d’immobilité ont disparu, et les danseuses, face public, assises sur leur chaise, nous prennent à témoin, en voulant nous transmettre gestuellement quelque chose sans jamais y réussir, sur une musique de Mozart: bref, l’émotion est là… Mais cela valait-il une aussi longue attente ?
Jean Couturier
Théâtre de la Ville jusqu’au 19 mai.