Oblomov

Oblomov  d’Ivan Alexandrovitvch  Gontcharov, traduction d’André Markowicz, adaptation et mise en scène de Volodia Serre.

Oblomov oblomov-brigitte-enguerand

©Brigitte Enguérand

Enclin à se promener sur les terres de la littérature et du théâtre russes puisqu’il a co-traduit, monté et joué Les Trois Sœurs de Tchekhov (2011)-le comédien et metteur en scène Volodia Serre Oblomov, adapté du roman de Gontcharov paru en 1859, traduit en France en 1969 et revisité récemment, avec une  verve spirituelle par André Markowicz.
La gloire de ce mythe littéraire tient aussi à la qualité du film de Nikita Mikhalkov Quelques jours de la vie d’Oblomov (1979), dans une transcription  raffinée ,  avec,  Oleg Tabakov au sourire illuminé et mélancolique.
Guillaume Gallienne reprend  ici, avec cran et pugnacité le flambeau poétique en ne négligeant rien de l’humour et de la légère ironie de ce personnage énigmatique. Le personnage  nonchalant auquel le public s’attache passe d’un état de tristesse chagrine à des velléités  de réveil énergique, sous la férule de son ami d’enfance Stolz (Sébastien Pouderoux), antithèse efficace et virile de lui-même.
À travers ces deux figures paradoxales, se dessine le reflet d’un monde ancien qui s’achève – prééminence aristocratique et servage bientôt aboli en 1861,pour basculer vers des temps neufs et révolutionnaires – construction active d’un soi social et collectif grâce au travail et au partage…Oblomov, l’aristocrate qui vit de ses rentes tout en connaissant des revers de fortune, est le symbole même de la passivité et du parasitisme, une posture passéiste de privilégié que l’idéologie bolchevique combat.
Aujourd’hui, l’homme nouveau occidental de notre modèle de développement en cours provoque à son tour doutes et interrogations humanistes. Volodia Serre se demande si l’idée de progrès doit-être le moteur de notre civilisation. La croissance pourrait s’arrêter net pour laisser place à une  réinvention d’un monde en harmonie avec l’environnement, la nature et l’être existentiel.
À l’origine en effet, Oblomov est un homme enjoué et cultivé, porté à comprendre les hommes, prompt à voyager et passionné par la vie. Mais l’ancien étudiant en devenir se pavane en robe de chambre usagée pour s’étendre à longueur de journée sur une méridienne qui lui sert de lit, de table à manger et de bureau de travail.
Un serviteur bougon lui est attaché, Zakhar (Yves Gasc) ; Alexeïev, un ami fonctionnaire  (Nicolas Lormeau) tente de le divertir. Mais la chambre du paresseux au papier  mural qui par en lambeaux reste vide ; nulle trace de journaux ni de livres, aucun intérêt pour l’extérieur… Juste un tourne-disques.
Oblomov est attaché comme un enfant à son enfance vécue comme un paradis perdu, un temps passé où il suffisait de se sentir « être » .Seuls, le satisfont la contemplation intérieure des sentiments et le questionnement méditatif du sens de la vie. Oblomov va même jusqu’à préférer la douce volupté de sa rêverie désenchantée à la passion bouleversante d’un amour authentique. La jolie Olga (Marie-Sophie Ferdane) que lui présente son ami Stolz, cantatrice douée et sensible aux charmes de la nature, parvient à lui faire verser des larmes en chantant Casta Diva de la  Norma (1831) de Bellini.
Oblomov aime la jeune fille qui l’aime aussi mais il rompt avec elle et lui préfèrera bientôt  Agafia (Céline Samie), veuve et mère qui lui prépare de bons petits plats. L’anti-héros défend ce qu’il appelle l’oblomovisme : « Les gens ne cherchent-ils pas tous à atteindre ce à quoi je rêve ? Mais enfin, quoi, le but de toutes vos courses, de vos passions, de vos guerres, de vos commerces et de votre politique n’est-il pas de construire le repos ? »
Dans le long cours de cette partition qui aurait pu gagner… en concision, Guillaume Gallienne construit un domaine intérieur empreint d’un spleen mi-figue mi-raisin, attiré malgré lui par la mélancolie d’un crépuscule assombri ou d’un paysage floral ouvert façon Art Nouveau que dispensent, sur l’écran de ses rêves, les images du vidéaste Thomas Rathier.
Les regrets mélancoliques évoque l’exil d’une vie non vécue,  au moment où la nostalgie fraie avec la perspective de la mort. Or, la vie pour Oblomov dispense des réserves de poésie à n’en plus finir, ce que saisit avec tact la mise en scène inspirée de Volodia Serre.

Véronique Hotte

Comédie-Française/Vieux-Colombier jusqu’au 9 juin.  T : 01-44-39-87-00-01.


Archive pour 18 mai, 2013

je n’ai plus de toit/Rilke

je n'ai plus de toit/Rilke rilke2


Je n’ai plus de toit qui m’abrite,  et il pleut dans mes yeux  de Rainer Maria Rilke, mise en scène de Florian Goetz.

C’est  un solo de poésie, accompagné d’images vidéo autour de textes et poèmes de Rilke, piochés dans  son œuvre, en particulier dans Les Cahiers de Malte Laurids Brigge. Au début du spectacle,  Jérémie Sonntag arrive par la salle et scrute longuement et en silence  le public avant de prononcer ses premières paroles … une réflexion autour du silence, ce qui paraît un peu téléphoné.
Le personnage, un jeune homme hypersensible, est très marqué par le monde trop violent qui l’entoure, et par les hommes et les femmes qu’il croise. On sent chez lui une angoisse et une agitation qui ne lui permettent pas de prendre ses distances. C’est certainement Rilke lui même...
Le comédien évolue devant un écran en fond de scène qui sert à de nombreuses projections, avec plutôt des ambiances, des formes que des images précises; à l’image d’une bande-son, plus bruitiste et enveloppante que musicale et composée. Son tee-shirt blanc  est aussi un petit  écran de projection, selon la technique du « body-mapping » ici bien maîtrisée.
C’est un spectacle total, un voyage qui nous embarque ou ne nous embarque pas, sans demi-mesure. Mais,  sans doute à cause du manque de lien entre les textes, de la voix du comédien assez monocorde, de la grande importance de la vidéo et de la technique,  le  spectacle-très bien construit- n’arrive pas à nous toucher vraiment.  On apprécie l’écriture particulière de Rilke mais moins le traitement qui en est fait ici. C’est,  en tout cas,  un spectacle qui divise le public…

Julien Barsan

Théâtre du Lucernaire à 18h30 du mardi au samedi jusqu’au 25 mai.

Rêveries d’une jeune fille amoureuse

Rêveries d’une jeune fille amoureuse d’Arthur Vernon.

Rêveries d’une jeune fille amoureuse photo2A la Folie-Théâtre, le rouge des fauteuils de l’accueil rappelle celui du rideau   utilisé comme élément de transition pour ce spectacle imaginé par Arthur Vernon à qui va bien le rouge du rituel et de la provocation.
Ce jeune homme, de bonne famille comme on dit  chez  Labiche, veut permettre au corps et aux fantasmes féminins de s’exprimer en toute liberté.
“Cette pièce militante, dit-il, avec son interprétation presque exclusivement féminine, veut décomplexer la société et les femmes en particulier pour qu’elles puissent se réapproprier leur corps. Elle s’inscrit dans la mouvance des féministes pro-sexe: le sexe pour le sexe”.
Ambitieux projet! Sa propre écriture côtoie en effet celle de Victor Hugo, de Saint-Augustin et  de l’ auteur inconnu  du Godemichet royal (1789). Ces textes   rappellent l’éternelle opposition entre le sexe à but de procréation et le sexe pour le plaisir.
Arthur Vernon met en scène  un seul comédien et  six jeunes actrices d’une vingtaine d’années, qui donnent toute  leur énergie à ce spectacle sans temps mort. Pour certaines, c’est leur première expérience professionnelle sur scène.
La musique, constamment présente, oscille entre des morceaux du très “mode” Sébastien Tellier à Brahms avec ses Danses hongroises. Serge Gainsbourg est aussi mis à contribution avec trois chansons, lors d’un duo réussi entre deux comédiennes,  dont l’une joue le rôle de “Serge. Des lumières tamisées  accompagnent les rêveries de cette jeune fille. La chorégraphie, sur les conseils de Nasser Martin-Gousset, est inspirée de Loï Fuller et d’Isadora Duncan, véritable défi dans cet espace limité à quelque quatre mètres de profondeur pour une ouverture de sept…
L’ensemble du spectacle est un peu disparate, on passe d’une scène romantique à une scène burlesque, ou à une autre carrément provocante. En particulier, ce rituel d’ondinisme de la jeune fille, moment qui serait sans doute applaudi dans un centre d’art contemporain mais qui peut surprendre ici… Certains regards de spectateurs n’osent s’aventurer sur le corps totalement nu de la comédienne.
Dans cette auberge espagnole, chacun peut trouver son interprétation. Une première création qui ne laisse pas indifférent et dont  les spectatrices sortent plutôt joyeuses .

Jean Couturier

La Folie-Théâtre

www.folietheatre.com

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