Belvédère

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Belvédère © Radio France

 

Belvédère, textes de Gilles Clément, par L’Art au quotidien

 

Le collectif s’est donné le nom de L’Art au quotidien. Tout un programme, qui bouscule l’idée que le quotidien serait quelque chose de terne, antinomique de l’art. Leur quotidien, ils vont le chercher en plein air, dans le mouvement.
Balade artistique à vélo le long du canal de l’Ourcq, invitations aux jardins avec Un auteur /un jardin : ça respire. Ils ont posé leurs « canapés observatoires » dans des lieux exceptionnels, loin de l’ordinaire, en tout cas : le potager du Roi à Versailles, les jardins de La Roche-Guyon… Aujourd’hui, ils investissent un espace grandiose, le toit de la base sous-marine à  Saint-Nazaire, construite par l’occupant durant la seconde guerre mondiale. Ils avaient déjà rencontré les textes de Gilles Clément; cette fois, à l’occasion de leur résidence au Théâtre de Saint-Nazaire, ils lui ont passé une commande d’écriture, comme un autre volet de son œuvre de jardinier, in situ, sur ce toit.
Gilles Clément a entrepris l’impossible : faire vivre le végétal sur cette montagne de béton. D’un côté, au-dessus des « chambres d’éclatement » des bombes, il a fait pousser un bois régulier de trembles solidement haubanés pour résister aux vents marins, opposant leur scintillement, leur fébrilité, à la masse inerte du minéral.
De l’autre, dans le  jardin des orpins  (sorte de sedum), il a installé un peu de terre où les euphorbes, valérianes et herbes marines se plaisent au pied des murets guerriers. Le troisième jardin, dit des étiquettes, reçoit tout ce qui veut bien tomber du ciel, apporté par les oiseaux ou le passage des visiteurs, ou tout autre hasard : on laisse pousser la plante, on l’observe, et elle reçoit son nom botanique, étiquetée pour l’information du public.
Il ne faut pas oublier le quatrième jardin, le plus discret, celui qui se fait vraiment tout seul et qui inspire les autres : les capillaires, mousses et lichens qui poussent dans les interstices de l’indestructible ouvrage de guerre.
Gilles Clément, le poète, fait parler la base elle-même, paradoxal vaisseau ancré dans la terre, inébranlable, comme un vigie désœuvrée, reconvertie à la contemplation des nuages et des oiseaux. Il lui laisse le temps qu’il faudra, très long, pour qu’elle redevienne poussière et sable. Il parle surtout du paysage : qu’est-ce le paysage, sinon ce que l’on regarde, ce que l’on dessine avec le regard ?
Ici, le collectif L’Art au quotidien le prend au mot, et joue de sa poésie, dans ses jardins, comme d’un paysage. Au coucher du soleil, à l’heure du basculement entre le jour et la nuit, ils jouent du proche et du–très-lointain, de la masse du bâtiment et de la fluidité des danseurs, d’une répartition magnifique et délicate du son, poème en direct ou enregistré, et musique minimale. Le public lui-même fait partie de l’esthétique du spectacle, improvisant une lente chorégraphie collective sur la vaste esplanade, projetant ses ombres, laissant un passage étroit au danseur tout proche…
Gilles Clément le disait lui-même, après le spectacle, cette approche convient mieux aux passages lyriques qu’à ceux qui tiennent du discours. Traités sur un mode peut-être trop distancié et ironique. De même, la déambulation fait tellement partie de l’œuvre que les “canapés observatoires“ invitant à une écoute solitaire sont délaissés.
Mais le pari de l’“œuvre-site“ est réussi, l’harmonie parfaite et juste entre tous les éléments de la représentation, et la base des sous-marins apprivoisée en douceur. On n’a guère le temps de penser à toute l’énergie, à toute l’intelligence, à toute la volonté dominatrice qu’il a fallu déployer pour la construire : la beauté a tranquillement raison de tout cela.

Christine Friedel

Théâtre de Saint-Nazaire (à côté de la base) T: 02- 40-22-91-36- jusqu’au 25 mai


Archive pour 20 mai, 2013

Ala Te sunogo/Dieu ne dort pas

Ala Te sunogo/Dieu ne dort pas, un spectacle du BlonBa,  mise en scène de Jean-Louis Sagot-Duvauroux et Ndji Traoré. 

Ala Te sunogo/Dieu ne dort pas 13-04-23-309 Des formes d’expression théâtrale parlées, dansées et chantées, se sont toujours inscrites dans la vie sociale Bambara, en pays mandingue et le Kotèba en est une version profane, donnée autrefois dans les villages maliens notamment au moment des récoltes (le do en étant la version sacrée).
C’est un divertissement populaire qui met en scène , de façon burlesque,  les maux de la société, pour inciter à les corriger. Sous couvert de dérision et de bouffonnerie, le Kotèba traite des interactions entre l’individu et son environnement politique et social.
Au fil de ses créations, à Bamako comme à Paris, BlonBa s’inscrit dans cet esprit populaire et d’autodérision. Créé en 98 par Alioune Ifra Ndiaye, son directeur et par Jean-Louis Sagot-Duvauroux, écrivain, BlonBa est devenu un centre d’art très fécond. Une douzaine de créations y ont été présentées, qui ont tourné dans de nombreux pays d’Afrique, d’Europe et d’Amérique. Le personnage de Bougouniéré est devenu sa marque de fabrique, on a ainsi vu Le Retour de Bougouniéré, Bougouniéré invite à dîner, Sud-Nord, Kotèba de quartier ou encore Bama Saba, qui mettent en scène et en action cette femme du peuple, rugueuse et bienveillante.
Si BlonBa s’est vu confisquer l’an  passé,  pour raison de mise entre parenthèses des activités du pays, sa salle de spectacle- un bel outil qui comptait parmi les mieux équipés d’Afrique de l’Ouest-la troupe poursuit sa route avec courage et détermination. Alioune Ifra Ndiaye a présenté Tanyinibougou à Bamako fin 2012, une histoire qui met en mots et en espace le maire d’une collectivité territoriale pleine d’ambition, et Jean-Louis Sagot-Duvauroux a écrit et mis en scène avec Ndji Traoré Ala Te sunogo/Dieu ne dort pas, qui s’inscrit dans l’esprit du kotèba.
Ici, deux histoires se croisent : la première, celle de Cheikna, (Sidy Soumaoro dit Ramsès) directeur, non pas de bar ni d’hôtel de passe, contrairement à ce qu’un inspecteur véreux veut  tenter de faire croire pour s’en mettre plein les poches, mais directeur d’un centre culturel nommé Kotèso, où il développe des projets : « Ici c’est la culture et la citoyenneté »; dit-il fièrement, faisant face à ce fort-en-gueule corrompu. A la bonne foi de Cheikna s’oppose le bluff cynique de cet employé, chef des inopinés, section des récalcitrants en train de piller l’ordinateur en arguant: « Je suis l’Etat malien » ou encore: « On n’aime pas les gens honnêtes ». Et Cheikna qui ne se démonte pas, dénonce : « C’est vous qui avez fait du Mali,  un bourbier… vous liquidez le service public ».
La seconde histoire met en piste Bougouniéré, dite Super-Bougou, (Diarrah Sanogo) personnage-feuilleton à elle seule et sortie des spectacles précédents, mère de famille haute en couleurs, vendeuse d’eau, en boubou jaune à grosses fleurs arrivant en super-djak chinois, sorte de scooter pétaradant et aussi vite en panne ; sa fille, Goundo, (Alimata Baldé),  vendeuse de beignets qui rencontre un jeune homme des rues, Solo, danseur muet, (Souleymane Sanogo ou Tidiani Ndiaye) et qu’elle essaie de faire héberger chez sa mère. La démonstration dansée convainc peu Super-Bougou, même si sa fille lui explique « qu’il accorde son corps à son âme », sa mère met en compétition et en débat son moyen d’expression, la danse contemporaine, importée tout droit des toubabs (les européens) dit-elle, et la danse traditionnelle qu’elle ne manque pas de lui montrer. Rusée, Super-Bougou essaie de vendre le jeune danseur à Cheikna : « J’en veux pas, reprends ta cigale », s’entend-elle répondre, « tu viens toubabiser mon public ».
Ces deux histoires se croisent pour n’en faire qu’une, incluant un zeste de magie noire,  avec crottes de singe, eau bénite et plumes de bouc. Ces saynettes sarcastiques se mêlent aux scènes de la vie quotidienne avec chansons séduction, nostalgie, danse aux fleurs, et « mon chéri », avec les papotages d’une brave femme travestie Mademoiselle Jugu, d’un huissier de justice, et du juge d’instruction qui met sous contrôle judiciaire le centre culturel, (excellent Adama Bagayoko, dans ces différents rôles, et qui joue aussi l’inspecteur véreux) : « Au nom des pouvoirs qui nous sont tombés dessus, vous êtes condamné pour incitation à la danse contemporaine, refus d’embauche, attroupement nocturne » etc… face un directeur, qui, au cours d’une scène savoureuse, plaide coupable.
Nous ne sommes pas dans une réflexion philosophique sur  le métissage culturel, -pourtant très à la mode- ni sur la mondialisation, mais dans une sorte de théâtre-tract qui dénonce la corruption et qui, peut-être, rejoue l’histoire de BlonBa à la manière d’une farce.  Juste quelques éléments scéniques: un bureau, une chaise et une bouilloire.  La mutinerie est ici festive,  l’ambiance va bon train, avec, à la fin, une psalmodie hip-hop au micro, et l’invitation au public à venir sur scène entrer dans la danse.
C’est bon enfant, un peu BD, un peu vérité, entre créatif et récréatif, une parole pour tous, dans un langage à peine codé qui ne se prend pas au sérieux, sur  fond de crise politique et morale. Et si Dieu ne dort pas, comme dit le titre,  » nous non plus, nous ne dormons pas! », répond en chœur l’équipe du BlonBa.

 

Brigitte Rémer

 

Le Grand Parquet  35 rue d’Aubervilliers. 75018. Jusqu’au 26 mai, jeudi, vendredi, samedi à 20h  et  dimanche à15h. T : 01-40-05-01-50
www.legrandparquet.net

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