biennale de la marionnette

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Septième Biennale internationale des arts de la marionnette:

Le Goret de Patrick Mc Cabe, mise en scène de Johanny Bert.

Johanny Bert a fondé en 2000 le Théâtre de Romette et a produit de magnifiques spectacles interrogeant l’objet et la marionnette dans son rapport à la scène et aux histoires racontées. Chacune de ses créations porte la marque d’une exploration d’une forme marionnettique ou de l’objet. Du plus petit avec Histoires Post It (marionnettes sur papiers Post-It) au plus grand avec Kraff où une marionnette de papier kraft est construite sous nos yeux puis manipulée dans un duo avec un danseur qui n’est  pas soumis aux mêmes lois de la pesanteur ! Il s’empare autant de textes classiques (Brecht, Heiner Muller) mais aussi de ceux  d’auteurs contemporains (Jean-Luc Lagarce,  Marion Aubert (Les Orphelines) ou Emmanuel Darley, Fabienne Mounier pour Histoires Post-It.
En 2012 il devient le plus jeune directeur d’un CDN , quand il succède à Anne-Laure Liégeois au Festin, ex-Fédérés,  qu’il rebaptise Le Fracas.
Après un étonnant Music-Hall  de Jean-Luc Lagarce) qui a sillonné les campagnes, il a créé Le Goret à Montluçon.  C’est l’histoire de Frank, un jeune garçon perturbé par une vie familiale difficile, tutoyant souvent la folie et le chaos mais se rattachant à Joe son meilleur ami. L’écriture  dense et variée dans le rythme ne facilite pas la mise en scène, d’autant plus que Johanny Bert choisit un seul interprète (Julien Bonnet), même s’il n’est pas tout a fait seul sur le plateau. La première image nous montre un Frank adulte, sur un plateau incliné à la diagonale, face  public et « flouté » par un voile de tulle.
Le personnage, tantôt petit garçon poli, tantôt jeune homme bagarreur et endurci, est magistralement interprété par Julien Bonnet qui fait ici un travail de voix remarquable et soutient à lui seul cette histoire très sombre, même si l’auteur et le  metteur en scène nous gardent quelques moments de rire.
Le plateau de jeu est suspendu: c’est comme si on ajoutait une dimension au théâtre, il y a le sol, le sous-sol et le ciel. Les dessous permettent le passage des manipulateurs qui amènent têtes de marionnettes dans des sacs  et   tables et fauteuils  viendront s’encastrer exactement vers le plateau. Une des marionnettes est la copie conforme d’un comédien manipulateur qui endosse le rôle du père. Et quand Julien Bonnet fait tourner autour de lui ce père de chiffon,  l’image, saisissante, résume à elle seule, le spectacle.
Avec des images très réussies : un lâcher de petites cuillères pour symboliser des jeunes garçons en internat, des chaussures portées a chaque pied pour créer un dialogue entre deux personnages, le comédien se tenant sur un plan complètement vertical, harnaché dans sa chaise et qui nous fixe, en levant la tête,
les idées de mise en scène ne manquent pas et sont soulignées par une lumière qui a la précision des éclairages pour marionnettes.
Même il y a quelques fausses fins, on sort de là rempli d’images et
d’émotions grâce à la  prouesse d’acteur de Julien Bonnet, nouvelle preuve du talent et des prises de risque assumées de Johanny Bert.

On peut aussi voir L‘Opéra du Dragon d’Heiner Muller mis en scène par Johanny Bert, les 29 et 30 mai au Théâtre des Sources de Fontenay-aux-Roses et le 1er juin au Théâtre des Bergeries de Noisy-le-Sec.

Le Castelet des Scriptophages, mise en scène d’Émilie Valantin

Emilie Valantin dirige la compagnie qui porte son nom (ex Théâtre du Fust) depuis bientôt quarante  ans et a de nombreuses mises en scène à son actif dont un Cid en marionnettes de glace qui fondaient au fur et à mesure de la représentation, un Philémon et Baucis à l »Opéra de Lyon ou Les Fourberies de Scapin avec des marionnettes grandeur nature qui tourne depuis 2006. Les auteurs contemporains aussi sont présents dans ses spectacles: Daniil Harms, Heiner Muller …
Le même castelet en bois de Castelets d’Hiver et Castelets en Jardin est utilisé ici, avec de courts textes annoncés par des ardoises, le tout  en soixante-dix minutes. Cette fois, elle a passé commande à des auteurs : « Pour la première fois, nous savons que nous allons créer un spectacle dont nous ne connaissons ni les textes ni les auteurs, c’est le castelet à l’envers! (…) Écrire vite, mettre en scène aussitôt, créer ou trouver des accessoires, adapter les marionnettes, mémoriser, jouer,et  peut-être chanter ! Autant de défis à l’imagination et au savoir faire, pour un théâtre de spontanéité « 
Pas beaucoup de nouveautés pour ceux qui connaissent déjà ses spectacles; les autres découvriront ici des marionnettes de facture plutôt classique mais qui fonctionnent bien et des manipulateurs aguerris qui se débrouillent avec les nombreux  décors à installer puis à ranger  dans les petites coulisses. Les textes, de François Bégaudeau, Jeanne Bennameur, Lancelot Hamelin, Thierry Illouz, Marie Nimier, Alain Payon et Julie Rossello sont assez courts, parfois brûlants d’actualité comme celui qui évoque le mariage pour tous.. ou comme ceux de Lancelot Hamelin, porteurs de jeux de mots et de logique. On voit même arriver Guignol pour remettre un peu d’histoire et de patrimoine là-dedans. Le texte de Jeanne Bennameur  est trop long mais les autres font mouche! Rire et dénonciation des tares de la société , c’est un peu la marque de fabrique d’Émilie Valantin…

Julien Barsan


Archive pour 21 mai, 2013

La nuit juste avant les forêts

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©Sébastien Ricard

La Nuit juste avant les forêts, de Bernard-Marie Koltès mise en scène de Brigitte Haentjens.

Programmé au Centre national des Arts d’Ottawa en 99, la pièce  avait été montée par la même metteuse en scène. Le public était alors accueilli  dans une chambre minable d’un vieil hôtel délabré au centre  ville de Hull. Dans un climat étouffant,  parfaite pour accueillir ce cri de douleur et de rage poussé par un personnage, qui a passé toute la nuit sous la pluie, à chercher une chambre, en crachant  sa haine devant l’égoïsme des bien nantis de nos villes contemporaines.
À l’époque, le jeu de l’acteur était assez décevant; il avait quelque mal à  incarner un traumatisé. Il bavait-ittéralement!- pendant une heure mais était incapable d’avoir les variations de rythme ou de tonalité  nécessaires à ce monologue.
Quelques mois plus tard, Denis Lavant, dirigée par Kristian Frédric (Compagnie Lézards qui bougent) avait  joué ce même personnage à l’Usine C de  Montréal, et le ferveur de cet acteur, dont le pied était attaché à la voie ferrée, nous avait tellement bouleversé que le souvenir de l’autre version s’était effacé.
Cette semaine, Brigitte Haentjens revient avec un nouveau comédien qui nous livre une version différente et encore plus puissante de la pièce. Dans un garage abandonné, toujours l’espace approprié, Sébastien Ricard devient l’aliéné par excellence, l’incarnation de tous ceux que la société occidentale occulte et refoule. Pris par le texte délirant de Koltès, l’acteur crache les paroles comme des armes et nous lance notre honte à la figure, dans un accès de rage, de désespoir.
Couvert de bleus et de saleté, mal rasé, la chemise tachée et déchirée, Ricard s’accroche à son mur, nous lance des regards féroces dans un jeu qui va très loin ! Il sait  faire respirer  superbement le texte.
Trente-cinq ans après sa création en France en 77, à l’époque des grandes migrations des populations dans le monde, à l’époque aussi de la chasse aux immigrants aux États-Unis,  où les réfugiés sont parqués dans les camps dans les conditions minables, les exclus, les étrangers, les marginaux suscitent toujours et partout  la colère, la haine et la violence .
Bernard-Marie Koltès était un véritable visionnaire et cette dernière  mise en scène de la pièce capte enfin la portée universelle de la question, avec un  portrait de la dégénérescence physique et mentale, provoquée par une société égoïste qui ne supporte pas ceux qui sont différents.
Coincé dans  un garage abandonné aux  murs  tachés de peinture, Ricard se referme sur lui, mu à la fois par des pulsions autodestructrices et, paradoxalement, par un instinct de survie. Il cherche un espace d’existence ou il pourrait enfin devenir invisible, comme les arbres d’une forêt qu’on ne remarque pas, dans un virée nocturne au sein d’une grande ville.
 À travers des fantasmes cauchemardesques, voir des hallucinations, il erre dans les zones qui lui sont  » réservées » en tant qu’exclu. Il évoque sa misère sexuelle avec un sourire provocateur, une fausse intimité.  L’acteur joue avec beaucoup de finesse sur les modalités de sa voix, et  son  corps devient un instrument dont il se sert avec beaucoup de maîtrise.
Sa description d’une pute, qui depuis une fenêtre du quatrième étage lance les vêtements  est à la fois, drôle, triste et naïve: Ricard  n’en est que  l’observateur et il aurait voulu plus:  une copine, ou, au moins, une fraternité de démunis réunis dans un syndicat international qui ne verra jamais le jour.
Les rythmes et les tonalités changent, le débit se ralentit ou accélère.  Il a un regard intense d’animal féroce et effrayé puis il passe à cette terrible rencontre dans le métro où il se fait voler son portefeuille et battre par les criminels,  alors que personne ne lève le doigt pour l’aider. Des moments de pathos, de naïveté et d’horreur cèdent la place aux hurlements d’une rage farouche, un désir de taper, de cogner et de détruire, de faire du mal et de courir …. Le monstre est lâché.
La société le regrettera: Ricard  a capté la virus de l’exclusion comme une maladie qui dévore l’animal humain de l’intérieur. Aucune souffrance ne saurait être plus douloureuse. Un grand moment de théâtre!

Alvina Ruprecht

Le spectacle s’est joué au  Centre national des arts d’Ottawa, du  14 au 18 mai.

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