Chassez le naturel

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Chassez le naturel, extraits du Parti pris des animaux de Jean-Christophe Bailly et  de  textes de Norge, Alain Prochiantz et Jean-Jacques Rousseau.


La Nature est tout pour l’homme, entouré par elle, enlacé, impuissant à s’en évader, et non autorisé à pénétrer plus profondément dans ses taillis buissonneux : la Nature « crée éternellement des formes nouvelles ; ce qui est n’a jamais été, ce qui fut ne revient jamais, – tout est nouveau et c’est pourtant toujours la chose ancienne. » (Fragments sur la nature, Goethe.) L’être mélancolique tente de vivre en elle mais il lui reste étranger ; la Nature lui parle sans cesse mais ne trahit jamais son secret.Les bêtes hantent cet espace sauvage, habitants énigmatiques auxquels ne se confrontent pas les hommes et que ces derniers regardent vivre pourtant. Nul besoin d’interpréter leurs gestes hermétiques: ils relèvent d’un registre autre: « Mon souci n’est pas qu’on reconnaisse aux bêtes un accès à la pensée, il est qu’on sorte de l’exclusivité humaine » écrit Jean-Christophe Bailly.
Chassez le naturel ? Avec Jacques Bonnaffé et le danseur Jonas Chéreau, le naturel revient au galop dans des hennissements vigoureux sur le plateau nu, jonché de fils noirs  de rallonges électriques, abandonnées en escargot sur le sol, que les interprètes pourraient utiliser en panache ou en plume flottante mais qu’ils enroulent pour les ranger.
On rencontre les lapins d’Alice au pays des merveilles, découpés poétiquement pour lunthéâtre d’ombres. Plantée en  fond de scène, une rangée mobile de troncs d’arbres s’agite, salutation faite à Tchekhov et à sa Cerisaie,mais surtout à Rousseau, dont l’esprit est tapi dans le moindre moindre recoin de la forêt. » Me voici donc sur la terre, n’ayant plus de frère, de prochain, d’ami, de société que moi-même » (Les Rêveries d’un promeneur solitaire).  « Ces heures de solitude et de méditation, poursuit-il,sont les seules de la journée où je sois pleinement moi et à moi, sans diversion, sans obstacle, et où je puisse véritablement dire être ce que la nature a voulu ».
Voilà donc le duo d’artistes prêt pour un voyage immobile, et décidé à se frotter avec ces  » régions étranges, inconnues, incomprises ou insoumises », que hantent les bêtes. La présence des singes et des chimpanzés, vivant notamment en Afrique, fait l’affaire : les vervets, les colobes, les Babouins, les bonobos… que les interprètes miment  dans la bonne humeur, non pas pour s’approprier l’âme impossible de ces animaux ou la réduire à leur merci mais, au contraire, pour les regarder vivre dans une approche personnelle.
La souplesse élancée  des deux interprètes ravit l’attention: ils dansent, virevoltent, caracolent ou bien lèvent leurs pattes velues… Jacques Bonnaffé déclame et son comparse dessine, en silence,  des arabesques félines. Ne serait-ce que pour écouter Le Trimardeur de Norge, arpentez les lacis de ce zoo éloquent, où l’on reste mystérieusement attentif à ces bêtes étranges qui voisinent plutôt bien avec nous.

Véronique Hotte

 

  Théâtre de la Bastille jusqu’au 9 juin T : 01-43-57-42-14

 


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