L’Espace Public
L’Espace Public, exposition des travaux d’élèves, dans le cadre du programme La Fabrique du Regard
Créé en 2008 par Raymond Depardon, président fondateur du Bal et par Diane Dufour, directrice de ce lieu dédié à l’image-document et à l’écriture du réel, La Fabrique du Regard, plateforme pédagogique du Bal, a pour but de d’élargir l’ horizon culturel et mental des jeunes et de promouvoir l’art dans les établissements scolaires. « Pourquoi nous ne faisons pas attention aux images qui stimulent notre réflexion, alors que les images publicitaires nous attirent »? demande Jérémy, du Lycée Blanqui de Saint-Ouen.
La Fabrique du regard emprunte son nom à celui d’ un livre de Monique Sicard, qui montre comment la technique a modifié notre vue sur le monde et comment nos images ne se contentent pas d’affiner notre regard, mais le fabriquent littéralement, en donnant accès à un réel inaccessible à l’œil humain. Pour Jean-Baptiste, du Lycée Georges Mandel de Montreuil: « Voir autrement, c’est comprendre à quel point on est formaté », et pour Cécile, en CE1 à l’école Houdon: « Une image documentaire, c’est une image qui montre comment on nous raconte l’Histoire ».
Depuis cinq ans, 8. 000 jeunes ont été formés à la production et au décryptage des images, l’enjeu étant de donner une chance à tous ces jeunes issus de filières générales ou professionnelles, du primaire ou du secondaire, chaque atelier étant adapté à leur âge. Ils ont été entourés d’historiens de l’art, journalistes, photographes…. Avec cinq programmes : Regards Croisés, Mon œil ! Mon Journal du Monde, L’Image en Partage et Artistes en Résidence, autour de trois axes : analyse de l’image; découverte de ses contextes de production, diffusion et réception; participation concrète à un projet collectif: film, journal, publication, affiche, etc.
Le travail proposé cette année portait sur le thème : Voir l’espace public, et le Bal vient d’en exposer les résultats, contribuant ainsi à donner une autre image des jeunes. Comment définir un espace public ? Comment l’habiter? Quels rôles l’image peut-elle jouer dans notre perception, nos comportements et usages de ces espaces publics? Fatoumata, (15 ans), répond : « L’espace public, c’est le regard de l’autre sur nous» et Arek, du Lycée Maximilien Perret d’Alfortville : »L’image d’un territoire est impossible parce que chacun la lit différemment. Le mot habiter engage-t-il l’individu ou le collectif» ?
2300 jeunes de la Fabrique du Regard ont, cette année, interrogé l’image comme construction et langage. Mon journal du Monde, c’est tout un mur où sont affichés les travaux de l’école Coysevox : « »J’ai compris que le sens d’une image publiée dépendait de la construction de toute la page », dit Chaana, du collège Marie-Curie (Paris) et Marilou, du Collège Voltaire d’Asnières-sur-Seine: « J’ai appris qu’avec une seule image, je pouvais en faire plusieurs».
Comment raconter avec des images et illustrer le propos du journaliste? Nombreuses ont été les propositions, avec une réflexion collective sur la représentation de soi, intitulée Cache-cache dans un jeu de l’image en mouvement ; des auto-portraits dans l’espace public où les jeunes se présentent, visage cachés ou masqué ;un groupe d’enfants explore une école désertée, se réapproprie l’espace par le jeu, par le sommeil, par la construction d’un nouvel habitat, ça s’appelle L’Ile ; Le Bureau des utopies, confirme qu’ »au sein des espaces publics, il y a des règles et des normes » ; le monde idéal est « un espace public, les rêves de chacun » ; cinq à six actions variant dans le temps et dans l’espace, montrent « des jeunes qui se rencontrent, entrent et sortent » ; Limites de propriété, «rapport à l’espace privé, un personnage au centre, emprisonné dans un ruban ». Tout est ici atypique, personnel et osé.
Les jeunes se sont nourris de mots, d’images, de lieux, de scénarios, de faits-divers, toujours extraordinaires : « Nous sommes devant des capteurs, des témoins, des enquêteurs », dit Fedia, (13 ans). L’espace public, « c’est aussi un espace poétique à habiter, par l’imag » suggère Yanis, (17 ans). Dans Autour de Barbès, ils ont capté boutiques, tissus, pancartes, et l’usine de PSA-Peugeot à Saint-Ouen, est montrée, vue de la rue, dans toute sa profondeur . « La photo nous rappelle que l’on ne peut pas tout voir », dit Wassilas, de Garches.
La Fabrique du Regard s’est lancée pour défi de « »former des regardeurs, actifs, concernés, conscients que l’image obéit à des codes, à des usages, qu’elle est avant tout un langage, une construction » et de nombreux partenaires, publics et privés, accompagnent le projet, «A l’heure où tout est prétexte à capturer les images et à les diffuser, il est important d’offrir aux jeunes une éducation au regard. Penser le monde en images, devenir des regards conscients » dit Raymond Depardon…
Brigitte Rémer
Le Bal, 6 impasse de la Défense, 75017, métro : Place de Clichy, du 17 au 20 mai, www.le-bal.fr