Prix Collidram 2013
Le prix Collidram 2013.
Il y a sept ans, sous l’égide d’Aneth et dans le sillage du Grand prix de littérature dramatique, naissait Collidram. A ce joyeux vocable ,correspond la remise de ce même prix mais attribué cette fois par des collégiens. Depuis, conduit par l’association Postures sous la direction de Pascale Grillandini, l’affaire a pris de l’ampleur. *
Ainsi, durant cette année scolaire , il a essaimé dans treize classes en Île-de-France, quatre en Rhône-Alpes, deux en Alsace, deux en Lorraine, deux dans le Nord-Pas de Calais, une en Provence-Côte d’Azur, et deux en Poitou-Charente. Soit au total, 780 élèves.
Dans chaque classe, les collégiens, réunis en comité de lecture, ont confronté leurs points de vue, fourbissant leurs arguments avant de voter. Ils ont pu rencontrer leur auteur favori avant d’envoyer une délégation affronter celles des autres classes pour le choix final. Avec des débats toujours très animés… favorisant l’écoute de l’autre et la prise de parole. C’est aussi un moyen d’accès aux multiples sens d’une œuvre et un porte ouverte sur le théâtre…
Les collégiens, ce 30 mai au Centre dramatique national de Montreuil, ont lu des extraits de la pièce lauréate. parmi les quatre restées en lice, sélectionnées dans les parutions de la saison passée: Maman dans le vent de Jacques Descordes, 2084 de Philippe Dorin, Mon frère ma princesse de Catherine Zambon (L’Ecole des loisirs), A la périphérie de Sedef Ecer (L’Espace d’un instant).
Les suffrages sont allés à la pièce de Catherine Zambon: un choix ambitieux qui résonne avec l’actualité; elle met en scène un jeune garçon qui se préfère en fille, agit et se rêve en fille. Que faire de cet être dont l’existence remet en question la norme sociale ? Au-delà du destin de cet enfant, la pièce s’interroge sur la place de tout individu dans la société. L’auteure traite de ce sujet brûlant, avec tact et sensibilité, sans tomber dans les clichés, à travers des personnages attachants où chaque adolescent peut se reconnaître. Croisant habilement les points de vue, elle compose avec une écriture fine et précise de vraies « figures » qui appellent le théâtre.
Catherine Zambon n’est pas une auteure pour jeunes, même si l’Ecole des loisirs a déjà publié six de ses pièces. Ses œuvres sont souvent issues de l’écoute de d’autrui ; c’est cette immersion dans la parole des autres et la délicatesse de leur transposition qui donnent à Mon frère ma princesse, cette humanité. « Un ami, un jour, dit-elle, me confia sa perplexité face au désir de son fils de cinq ans de s’habiller en fille.
Lui n’y voyait pas d’inconvénient majeur mais il a bien fallu expliquer à son enfant que ce n’était pas envisageable d’aller à l’école en robe. Il m’a, par ailleurs, relaté l’histoire d’un autre petit garçon violemment agressé en primaire parce qu’il portait les cheveux longs (…). Il était temps pour moi de prendre parole sur ce sujet du « genre » qui travaille en sourdine dans plusieurs de mes textes.
Là, il m’a semblé indispensable de l’aborder pour, et avec, les enfants. Pour cette recherche, j’ai été accueillie en résidence à Albi- où j’ai cheminé avec une classe sur ces questions : c‘est quoi être une fille? c’est quoi être un garçon? Les réponses m’ont souvent atterrée. Tant de violences et de regards déjà parfaitement normés. Dans Mon frère, ma princesse, on voit autant le rêve et le désarroi d’un petit garçon qui se voudrait fille, que la brutalité d’un monde qui ne veut pas parler l’autre dans sa différence et qui le rejette puissamment. Mais pas que… »
Mireille Davidovici
*En 2007 : Dominique Wittorski, Ohne, Actes Sud-Papiers. 2008 : Dominique Richard,Une Journée de Paul, éditions Théâtrales. 2009 : Sébastien Joanniez, Désarmés, Cantique, Espaces 34. 2010 : Suzanne Lebeau, Le Bruit des os qui craquent, éditions Théâtrales . 2011 : Sylvain Levey, Cent culottes et sans papiers, éditions Théâtrales. 2012 : Françoise Duchaxel, Ce matin, la neige, éditions Théâtrales.