Corbeaux ! Nos fusils sont chargés
Corbeaux ! Nos fusils sont chargés, de Kunio Shimizu, mise en scène de Yukio Ninagawa
Ces quelques lignes seulement parce qu’il y a urgence mais on vous en reparlera plus longuement : si vous avez une heure et quart de libre aujourd’hui, nous vous demandons de courir, et vite, à la Maison du Japon voir cette pièce mythique de 1970, mise en scène par un des plus remarquables metteurs en scène japonais qui avait à l’époque trente-six ans… Ninagawa a remonté la pièce en 2006 avec trente-six comédiens âgés de 61 à 87 ans et vingt jeunes acteurs; certains l’ont donc déjà joué, d’autres pas .
Le thème: pour sauver deux de leurs petits-enfants accusés d’avoir lancé une bombe en plein milieu d’un spectacle, une trentaine de vieilles dames fait irruption dans un tribunal et occupent les lieux. Armés de balais et grands bâtons, mais aussi de plusieurs bombes qu’elles n’hésiteront pas à balancer dehors sur les forces de police qui encerclent le bâtiment..Elles prennent alors comme otage le procureur, le juge, l’avocat général, l’avocat- notez que ce sont tous des hommes vite paniqués et maladroits- et vont faire leur procès, puis, vite fait, les condamner à mort.
C’est à la fois complètement délirant mais d’une clarté totale, et avec des éléments réalistes; et c’est sans doute ce qui fait la grande force du spectacle qui fait penser quelquefois à cet autre spectacle mythique: La Classe morte du grand Kantor.. qui lui aussi, avait à cœur d’employer aussi des hommes et des femmes à la forte personnalité, pas non plus très jeunes pour certains qui, poètes, écrivains ou peintres, n’avaient grand chose à voir avec le monde des gens de théâtre…
Intelligence du texte, précision de la direction d’acteurs, jeu individuel comme collectif, scénographie, composition visuelle, lumières, effets sonores, et rythme général de la mise en scène du grand Ninagawa: tout est ici très impressionnant, à la fois de vérité et de subtilité, et force l’admiration. Il y a avait peu de critiques français présents mais la mienne consœur et le mien confrère étaient aussi scotchés par cet acte théâtral hors normes, comme on en voit très rarement en France.
On ne vous le dira pas trois fois: oui, c’est un événement exceptionnel, une sorte de performance, même si elle a lieu,non une fois mais quelques jours de suite et qui a une parenté évidente avec les arts plastiques. N’oublions jamais que le Japon dans les années 50 fut à l’origine des premiers happenings! Oui, ne vous inquiétez pas: c’est surtitré, et très bien. Donc vous n’avez aucune excuse…
Mais, attention: la troupe est venue de Tokyo à Paris pour quatre représentations seulement et repart pour le Japon dimanche! Si, si c’est vrai! Et, malheureusement, elle ne reviendra pas de sitôt.
C’est un travail théâtral d’une qualité exemplaire réalisé par un grand metteur en scène qui a joué dans le monde entier mais qui était venu la dernière en France en 2002 avec Le Songe d’une nuit d’été…
Philippe du Vignal
Maison de la Culture du Japon. 101bis Quai Branly; Juste à côté du métro Bir Hakeim. ATTENTION, encore juste ce samedi 1er juin à 15h et 20h. T: 01-44-37-95-95.
Entièrement d’accord, c’est tout à fait exceptionnel. On se demande commet nos théâtre (La Colline, Odéon, Théâtre de la Ville etc.) ignorent encore le théâtre Japonais ? Il est innovant, énergique, politique et en phase avec son époque. Bravo à la maison de la culture du Japon pour ces belles rencontres avec des auteurs, metteurs en scène et comédiens de talent.